Fiche terroir
Entre Erdre et Loire
(pays d'Ancenis)
Nantais
Rédacteur
Fiche rédigée en 2021 par Michel Guillerme avec la participation d’Anne Robin
Pages associées
Communes
Ancenis
Anetz
Belligné
Bonnoeuvre
Carquefou
Couffé
Joué-sur-Erdre
La Chapelle-Saint-Sauveur
La Meilleraye-de-Bretagne
(en partie)
La Roche-Blanche
La Rouxière
Le Cellier
Le Fresne-sur-Loire
Le Grand-Auverné (en
partie)
Le Petit-Auverné (en
partie)
Les Touches
Ligné
Maumusson
Mauves-sur-Loire
Montrelais
Mouzeil
Mésanger
Nort-sur-Erdre
Oudon
Pannecé
Petit-Mars
Pouillé-les-Côteaux
Riaillé
Saffré
Saint-Géréon
Saint-Herblon
Saint-Mars-du-Désert
Saint-Mars-la-Jaille
Saint-Sulpice-des-
Landes (en partie)
Sainte-Luce-sur-Loire
Sucé-sur-Erdre
Teillé
Thouaré-sur-Loire
Trans-sur-Erdre
Varades
Le terroir
Nous avons choisi cette dénomination pour désigner ce territoire aux proportions plutôt modestes mais suffisantes pour approcher la notion de terroir car c’est celle qui nous parait le mieux lui convenir. Il s’agit donc cependant d’un bel espace géographique qui n’a pas de réalité historique, il a été souvent appelé, un peu fautivement, pays d’Ancenis. Totalement inclus dans l’ancien Comté nantais, il est donc partie intégrante de la Bretagne, plus précisément de la haute-Bretagne dans ses limites les plus orientales. On parle de Marches de Bretagne qui elles s’étendent schématiquement de Clisson au sud à Antrain au nord.
Si donc l’entité historique n’est pas avérée, il n’en est pas du tout de même pour ce qui est du monde qui nous intéresse ici, à savoir celui des Arts et Traditions populaires. Ce territoire de bocage, de beaux vallons et courbes verdoyants présente un visage riche et surtout bien homogène pour ce qui concerne son magnifique patrimoine dansé et vestimentaire, plus particulièrement celui de la coiffe.
La limite orientale est celle à la fois de l’ancien duché de Bretagne qui le sépare de l’Anjou et de l’actuel département de Loire Atlantique. Au sud la limite est la Loire qui finit donc son cours en Bretagne, l’autre rive se partage entre le terroir breton appelé Vignoble, et encore l’Anjou vers l’est. À l’ouest, la limite est bien-sûr l’Erdre.
La limite au nord (Erdre) est poreuse car certaines communes qui jouxtent le pays de Châteaubriant sont de traditions totalement identiques à celles du sud (danses, coiffes). La rencontre de la Loire et de l’Erdre se fait à Nantes, si bien que dans ce petit territoire on trouve des gros bourgs à la périphérie de la cité des Ducs de Bretagne, tels Carquefou, Sainte-Luce et Thouaré-sur-Loire.
Les trois centres principaux sont des petites et moyennes villes qui, se situant aux confins du territoire forment un triangle : Ancenis, au sud-est sur la Loire est une ville de foires (vins, chanvre dès le Moyen-Âge…), elle a tiré jusqu’à la Révolution une partie de sa richesse du trafic du sel qui n’était pas soumis aux taxes en Bretagne… Les côteaux d’Ancenis sont réputés pour leurs productions viticoles, le Muscadet (l’appellation venait autrefois jusqu’aux Touches, Ligné, Nort, les derniers producteurs ayant arrêté leurs activités dans le courant des années 1980) bien sûr et d’autres et aussi le troublant Malvoisie. Nort-sur-Erdre, jouit de sa situation avec son bassin fluvial (minoterie, tannerie).
Le canal de Nantes à Brest a permis le renforcement de l’activité portuaire. Saint-Mars-la-Jaille, à l’extrême est, est une petite cité tirant profit d’industries alimentaires.
C’est à Couffé, près d’Ancenis qu’est né le plus grand des chefs chouans, François Athanase Charette de La Contrie, dit de Charrette, mort fusillé le 29 mars 1796 sur la place Viarme à Nantes. Tout ce pays a été fortement marqué par la guerre appelée de Vendée.
La mère de Jean-Jacques Audubon, enfant naturel, le grand ornithologue, naturaliste et peintre américain est née aux Touches. Il sera élevé à Couëron avant d’émigrer.
Une belle promenade entre Erdre et Loire L’Erdre, « la plus belle rivière de France » aurait dit François 1er, permet de relier Nantes à Brest par l’intermédiaire d’un canal artificiel entre le bassin de l’Erdre et celui de l’Isac, affluent de la Vilaine. L’écluse entre l’Erdre et le canal est située au lieu-dit de Quiheix sur la commune de Nort-sur-Erdre. Le canal de Nantes à Brest a été construit du XIXe siècle. La Loire, frontière naturelle entre la Bretagne et l’Anjou, est une voie importante de circulation des hommes et des biens, qui était contrôlée par le château d’Ancenis. Le château d’Ancenis, construit en bordure de Loire est un château de défense, il surveillait les allées et venues entre l’Anjou et la Bretagne comme ceux de Varades et d’Oudon. Le château d’Oudon est construit sur un éperon rocheux au-dessus de la vallée de la Loire, il possède une tour à la fois de défense et d’habitation. Le château d’Ancenis ne possédait pas de vis-à-vis de l’autre côté de la Loire alors que ceux d’Oudon et de Varades avaient respectivement ceux de Champtoceaux et de Saint-Florent-le-Vieil. Le territoire est, malgré les remembrements, encore constitué de bocages et garde une activité agricole. À l’ouest du territoire, les constructions traditionnelles sont en pierre agrémentées de briques et (ou) de pierres d’ardoise. Quant à celles de l’est, elles sont principalement en pierre de tuffeau et subissent l’influence de la Touraine. Sur la commune de Joué-sur- Erdre, il existe encore un pardon, celui de Notre Dame des Langeurs qui a lieu début septembre, il ne subsiste que la fête religieuse.
Ci-dessous, à gauche : maison de bourg à Nort-sur-Erdre. À droite : maison face à la Loire à Ancenis. Collection Anne Robin
Danses principales
• Avant-deux de travers à la mode de Saint-Herblon
• Avant-deux de travers à la mode de Ligné-les-Touches
• Avant-deux de travers à la mode des Auvernés et de
la Meilleraye
• Avant-deux de travers à la mode de Saint-Géréon
• Avant-deux de travers à la mode de Carquefou
• Pastourelle de Ligne-les-Touches
• Danses de fonds moderne
Un authentique terroir de danses
Le patrimoine dansé dans toute cette aire géographique est riche et homogène, il est assez aisé à étudier, il s’est très agréablement diversifié à partir de racines communes. Le répertoire que nous avons en notre possession est fortement typé et de qualité. Nous sommes redevables de cette richesse à un chercheur comme Jean Renaud qui a sillonné le pays dans tous les sens. Jean Tricoire a aussi écrit d’intéressants témoignages sur ce pays. Il faut ajouter le nom de certains porteurs de tradition tels Julien Terrien, Henri Gaudin, de Pannecé, la famille Rullier de Teillé, et d’autres dans la connaissance que nous avons de ces danses. De nos jours, il ne reste plus dans les mémoires trace de danses en forme ronde. Celles-ci ont dû être supplantées supplantées très anciennement par les modes nouvelles. Alors que l’on retrouve des quadrilles complets de première génération dans les terroirs voisins (Grandchamp-des-Fontaines, Guénouvry et plus loin en Basse-Loire et sur le Sillon-de-Bretagne), ils ne se sont pas maintenus dans notre petit terroir. Il est fort probable que nous soyons face au phénomène des quadrilles démantelés. Cela signifie que la tradition n’a retenu que certaines figures de ce quadrille à cinq figures pour en faire des danses majeures à part entière. C’est le cas autour de Ligné, Les Touches et les communes environnantes où l’on retrouve l’avant-deux (2ème figure) et la pastourelle (4ème figure), les autres figures ayant disparu. C’est dans la deuxième figure du quadrille appelée été que les danseurs, sur des pas techniqués, font preuve de grande dextérité surtout pour les meilleurs d’entre eux. Henri Gaudin se souvient d’avoir entendu des anciens, bons danseurs, appeler la danse sous ce vocable été. Il est très vraisemblable que la forme de la contredanse en double-front (devenu alterné) ait été adoptée alors que les pas anciens ont été conservés. Tout le monde s’aligne sur le double-front, la notion de quadrette est ignorée (sauf pour la figure finale avant-quatre).Jean Renaud signale que pour un mariage dans les années 40 à Ligné, nombreux étaient les danseurs à la sortie de l’église et le double front s’est étiré sur le centre du village, pas question de le fractionner. La partie majoritaire est l’avant-deux proprement dit, un cavalier sur deux danse avec son vis-à-vis (en alternance avec les autres) d’où le nom. Le pas s’effectue latéralement ce qui a donné l’appellation complémentaire de tous ces grands avant-deux : de travers. « Avant-deux de travers » reste une appellation générique. On a dénombré cinq modes, celui de Ligné-Les-Touches (pratiqué sur 13 communes), celui à la mode de Saint-Herblon (4 communes) celui à la mode de La Meilleraye- Les Auvernés, celui de Saint-Géréon, celui de Carquefou (connu pour son air mais à l’état de souvenir). Étant donné la position de ce petit territoire, les vagues successives de danses en couples, polkas et autres ont généré tout un répertoire dit de fin de tradition dans ce pays de danseurs.
Accompagnement musical
Pays de danse, pays de chant et de musique tout autant. Nous possédons de beaux enregistrements de tout cela grâce au travail de Jean Renaud dès les années 1960 à celui de Jean Tricoire et plus tard à celui d’un jeune passionné, Patrick Bardoul. Anciennement, les grands avant-deux et pastourelles ont été accompagnés au violon, instrument qui est resté populaire auprès des populations, citons notamment Louis Bourgeois. Puis la vague de l’accordéon diatonique a eu un énorme succès, ce fut un véritable engouement. Il faut dire que les joueurs d’accordéon, en plus d’être des virtuoses, étaient de véritables animateurs des bals, ce sont eux qui mènent la danse. Ils ont su créer un style véritable, caractéristique qui porte ces avant-deux surtout, plus tard, polkas, youchkas, circassiennes, hongroises, pas des patineurs… Julien Terrien, danseur remarquable de l’avant-deux disait que suivant le musicien, il ne dansait pas de la même manière… un très bon musicien vous faisait très bon danseur ! Citons quelques-uns de ces virtuoses : Paul Bonnet de Riaillé, Rémy Paudoie de Saint-Mars-la-Jaille… Peut-être pas tout à fait aussi répandu que dans le pays de la Mée (Châteaubriant), mais cependant bien connu le chant sous sa forme bien particulière de « gavottage » a emmené bien des avant-deux.
Modes vestimentaires
On ne saurait débuter un tel paragraphe sans donner à admirer la somptueuse mariée de Nort-sur-Erdre dessinée par François-Hippolyte Lalaisse (vers 1848). Les tenues traditionnelles, principalement de la femme (celles des hommes ayant disparu dès le début de seconde partie du XIXe siècle), présentant de très fortes similitudes du nord au sud et de l’est à l’ouest de l’ancien Comté nantais (exception faite de la presqu’île guérandaise), il sera bon de se reporter pour ce qui des éléments de la mise, à la fiche costume Heritaj du pays de Châteaubriant.
Les coiffes
Mais nous sommes en Bretagne et s’il y a bien un territoire où l’identitaire passe absolument et totalement par la coiffe, c’est bien dans ce Comté nantais. La coiffe nantaise a ceci d’exceptionnel c’est que dans la moindre paroisse, hameau, elle se décline entièrement pour offrir à celui qui en connait les codes toutes les informations quant à l’identité de celle qui la porte. Temps et espace au plus précis s’y lisent. Cela tient à sa taille, sa confection et le matériau employé, les broderies ou non qui l’enrichissent, la pose et fait unique en Bretagne, au repassage avec ce fameux « paillage » surtout, et gaufrage, en oeuvres si remarquables d’une « armée » d’artistes, les lingères-pailleuses. Moins imposante que celle de Nantes ou du Vignoble, la dormeuse de ce territoire « Entre Loire et Erdre », aux nombreuses variantes, pratiquement par commune, présente de belles proportions et un parfait équilibre entre ses com posantes. À part dans certaines communes au sud, le dalais (dentelle sous le pignon) a disparu. Elle est bien sur paillée en coeur et dans toutes les communes, on y voit ces « coches » si caractéristiques perpendiculaires au paillage. Le nombre vous informe sur la paroisse, et c’est à Ligné et Couffé qu’elles sont le plus nombreuses (voir fiche de danse Heritaj « Avant-deux de Ligné-Les Touches »). La base du pignon est dit rentrée, autre caractéristique. Au Grand-Auverné, appelé le « Grand- Bourg » par les femmes, on y porte une dormeuse avec toutes ces caractéristiques mais dans des proportions avantageuses, considérées comme élégantes, faisant l’envie des autres communes des alentours. Plus longtemps qu’ailleurs, des femmes à Ancenis ainsi qu’à Oudon et Saint-Géréon ont continué à porter la Dorlotte. Et dans certaines communes, comme à Saint- Herblon, Maumusson, Varades et quelques autres, aux confins orientaux de la Bretagne, les femmes ont adopté minoritairement ou majoritairement les coiffes angevines dites à tuyaux.
Ci-dessus, lithographie de François- Hippolyte Lalaisse (détail). Ci-dessous, d ormeuse de Bonnoeuvre dans son paillage ancien(mode Saint-Mars-la-Jaille)
Collection Michel Guillerme.
2 - Jeune fille de Oudon… Il y a aussi le deuil, ici décelable à la coiffe sans broderies, aux petites dormeuses de jais noir et à la croix couchée en guise de broche.
3 - Dorlotte à Ancenis.
4 - Albertine Plançon était fille de lingère à Pouillé-les-Côteaux.
5 - Très intéressante photographie où l’on voit des femmes d’Ancenis, deux portent la dormeuse bretonne, même chose pour l’une portant la dorlotte, et deux autres ont adopté la coiffe angevine.
2, 3, 4, 5 : collection Michel Guillerme
Bibliographie
• Anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique,
Dastum 44
• Chalet Jean-Anne, Les Belles Heures du Comté Nantais,
tomes 1 et 2, Edijac
• Choleau Jean, Costumes et Danses Populaires de
Haute-Bretagne, éditions Unvaniez Vitré
• Fiche costume Heritaj Châteaubriant 1880-1920
• Fiche de danse Heritaj Avant-deux de Ligné-Les-Touches
• Fiche de danse Heritaj Avant-deux de Saint-Herblon
• Guesdon Yann, Coiffes de Bretagne, Coop Breizh
• Le Patrimoine des Communes de la Loire-Atlantique,
Flohic Editions
• Mariages en Bretagne - 120 costumes d’exception,
1908 p.24, Kendalc’h - Coop Breizh
• Masson Paul, La Dormeuse ou l’art de la coiffe nantaise
- Propos et croquis
Remerciements
• Anne Robin de Nort-sur-Erdre pour son article promenade
entre Erdre et Loire
• Yves Morel pour ses conseils et informations sur les coiffes
• Yves Bourdaud pour l’appellation en gallo