Fiche de danse
Quadrille de Granchamp des Fontaines
Terroir
Pays de Nantes
Vidéos et musiques
Rédacteurs
Cette fiche a été établie et rédigée par Michel Guillerme en 2020. Toute la partie technique de décomposition des figures a été réalisée par luimême pour l’Emvod de Nort-sur-Erdre en mai 1996. Jean Renaud, qui, avec Jacques Praud, a recueilli ce quadrille, a validé en son temps l’ensemble de ce travail.
Famille de danses
Quadrille
Structure de la danse
Danse à figures
Accompagnement traditionnel
Chant
Violon
Accordéon
Forme de la danse
Danses de toutes les Bretagnes en janvier 2000
Appellation
Ce quadrille qui est un ensemble de figures, comme bien d’autres dans l’ancien Comté nantais, reprend l’appellation qui lui est adéquate. Hors de ce grand terroir, on en trouve un à Saint-Brieuc (en Penthièvre), de la même génération et un autre à Cancale qui semble plus près d’un quadrille dit de seconde génération. On lui a accolé le nom de la commune dans laquelle il a été recueilli auprès d’une femme qui y résidait.
Situation géographique et historique
Grandchamp-des-Fontaines est une petite commune qui se situe à 20 km au nord de Nantes, appelée localement, en gallo, Graunchaun. Ce quadrille a été classé par Jacques Praud, l’un des deux collecteurs de cette danse dans la catégorie des quadrilles ruraux aux côtés de celui de Guénouvry (appelé à tort de Jans) et de Malville.
Informateurs, témoignages et transmission
Ce quadrille a été recueilli par deux chercheurs de cette partie de la Bretagne orientale, Jacques Praud (un ancien président de Kendalc’h) et surtout Jean Renaud, l’infatigable et amoureux maître de ce terroir où il n’était pas né. C’est auprès de Madame Landais qui avait tenu dans le bourg un commerce de charcuterie qu’ils notent fidèlement tous les éléments constitutifs de ce quadrille. C’était en 1965. En septembre de l’année suivante Madame Landais décédait.
Occasion de danse
Il n’y avait pas besoin d’occasions exceptionnelles pour danser le quadrille. Il était, disait Madame Landais, toujoursen honneur dans toutes les fêtes mêmes les plus petites où il s’accompagnait « à la goule », c’est-à-dire que les danseurs chantaient en dansant puisqu’il y avait des paroles pour le chant. Pour les noces seulement il y avait des musiciens.
Origine et famille de danse
Revenons à une très brève histoire des quadrilles. Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, les contredanses foisonnent, il s’en crée continuellement. Sous l’Empire, on décide d’en faire des suites que l’on appelle « pots-pourris » et qui vont prendre plus tard le nom de quadrilles. Puis on crée sous le nom de « quadrille français » cet ensemble à cinq figures : pantalon, été, poule, pastourelle, et la cinquième figure qui peut être un galop ne sera jamais formalisée. Ces quadrilles vont naturellement essaimer « dans les provinces » et ce sera le cas en Comté nantais en prenant des « couleurs locales » tenant compte d’une tradition de danse préexistante.
Ces quadrilles dans ce vaste terroir vont se présenter sous deux formes :
• un quadrille entier avec le nombre de 4 ou 5 figures, quelquefois en localisant les appellations
• un quadrille « démantelé », on ne gardera que quelques figures, notamment la deuxième sous le vocable d’avant-deux, mais ceci est une autre histoire.
Forme et structure de la danse
Ce quadrille se danse en quadrette, chaque cavalier ayant sa cavalière à sa droite. Les quadrettes sont alignées.
Figures
En avant-deux
Seules dansent les femmes « du côté de la mariée » et leurs vis-à-vis hommes.
L’annonce par le musicien : « En avant-deux ! »
Les danseurs évoqués plus haut s’avancent sur 4 temps
les uns vers les autres et effectuent une surrection et un
salut au quatrième temps. Le pied libre se place très légèrement
en avant aux quatrièmes temps. L’allure est décidée,
les bras sont ballants.
Ces mêmes danseurs reculent sur 4 temps.
Ces 8 temps effectués, ces danseurs restent à leur place
et c’est au tour des autres de danser la même figure, sur
8 temps.
S’enchaînent 16 temps de valsé, chaque cavalier avec sa
cavalière. Chaque couple effectue 4 tours de valsé, soit
un tour en 4 temps. Le pas de valsé est un pas pivot (voir
chapitre « Technique de pas »).
Le valsé terminé, les danseurs et danseuses refont l’avancé-
reculé comme la première fois en 16 temps puis
valsent en 16 temps.
En avant-quatre
C’est encore le musicien qui donne l’ordre : « En avantquatre
! »
À ce moment, chaque cavalier prend dans sa main droite la
main droite de sa cavalière. Les bras gauches sont ballants.
A - Saluts (16 temps)
Les deux fronts s’avancent l’un vers l’autre, chacun salue
son vis-à-vis au quatrième temps. Puis les couples
reculent, chaque cavalier et chaque cavalière s’écartent
légèrement pour se saluer au quatrième temps. Ceci est
doublé. Le pas est le même que celui de l’avant-deux.
B - Passage des cavalières (8 temps)
Temps 1 : les couples s’avancent légèrement vers l’autre,
pied gauche.
Temps 2 : le cavalier arrête sa progression et commence à
faire passer sa cavalière sous son bras levé en la « tirant »
vers lui, appui pied droit.
Temps 3 : cavaliers et cavalières continuent le mouvement,
appui pied gauche.
Temps 4 : le cavalier tient encore sa cavalière qui se retrouve
face à son vis-à-vis, elle a donc effectué un tour.
Appui continu gauche. On se lâche les mains.
Temps 5 : chaque cavalier, qui a donc son vis-à-vis devant
lui, prend la main et continue à la faire tourner sur ellemême
en passant sous le bras du cavalier. Lui-même recule
légèrement. Appui pied droit.
Jusqu’au temps 8 : le cavalier recule pour revenir à sa place initiale, et tout en tenant son vis-à-vis il l’amène à côté de lui (la place initiale de sa cavalière). Celle-ci a effectué 3/4 de tour.
Temps 8 : Tous sont revenus sur le point de départ mais se font face bras droits tenus hauts, appui continu droit.
Suit un temps d’attente où chacun maintient la position sans bouger.
C - Pas pivot (16 temps)
S’enchaînent 16 temps de pas pivot. On reprend A, B, C, ce qui fait qu’à la fin de l’avant-quatre, chaque cavalière a réintégré sa place initiale.
En avant-trois ou pastourelle
Le musicien annonce : « En avant-trois ! »
À ce moment, les couples du côté de la mariée se mettent en position de valsé face aux autres couples.
A
En 4 temps, ces couples s’avancent vers les autres en petit galop.
B
Les 4 temps suivants, ces mêmes couples valsent sur un tour complet.
C
Dès le premier temps, en amorçant un reculé en formation pastourelle, ce cavalier face à l’autre prend la main droite de sa cavalière dans sa main droite. Il prend la main gauche de l’autre cavalière (son vis-à-vis) dans sa main gauche. Celle-ci se retourne d’un demi-tour. Ainsi, les trois font face au cavalier qui reste seul. Ce groupe de trois recule sur 8 temps, suivi par le cavalier seul. Les quatre danseurs font le même pas.
Sur les 8 temps suivants, la pastourelle revient à sa position de départ (même pas).
Puis en 8 temps la pastourelle repart dans le sens inverse (même pas), mais au temps 7 le cavalier qui tient les deux cavalières « tire », les faisant passer sous ses bras. Elles font près d’un tour sur elles-mêmes pendant que le cavalier les lâche.
D
Chaque cavalier retrouve sa cavalière et valse avec elle (pas pivot comme sur l’avant-deux), tout en réintégrant sa place initiale. Le double-front est recomposé.
Les figures A, B, C, D sont refaites de façon symétrique car ce sont les autres couples qui partent en petit galop.
Figure générale
C’est une suite de 5 figures de 8 temps doublées. Elles s’enchaînent les unes les autres sans interruption. Le musicien annonce : « Figure générale ! »
A - En avant-deux
Sur 16 temps, c’est le même avancé-reculé que l’en avantdeux, mais ici tout le monde danse ensemble. Avancé reculé, avancé-reculé, salut du vis-à-vis uniquement.
B - Chaîne des dames
Les hommes effectuent les 16 temps sur place. Les deux femmes s’avancent l’une vers l’autre en se donnant la main droite. Au temps 4 elles sont face à face, perpendiculairement au double-front. Elles se saluent en pointant le pied droit en avant.
Sans se quitter du regard, mais sans franchement reculer, elles continuent leur progression. Elles progressent plutôt latéralement en faisant passer leur pied droit devant au temps 5. Elles se lâchent la main aux temps 6-7.
Elles refont cette figure pour être à leur place de départ au temps 16.
• C, pastourelle
• Pastourelle, fin de C
• Figure générale, B, chaîne des dames
• D, Traversez
C - Traversez
Même pas pour tous. Chacun en 8 temps va prendre la place de son vi-à-vis. On se rencontre au temps 4, épaule droite contre épaule droite en se saluant.
Chacun se retourne aux temps 7-8 en saluant son partenaire.
Puis chacun revient à sa place initiale en 8 temps, salut sur épaule droite.
D - Rond partout
Les danseurs dès le temps 1 se donnent la main pour former un petit rond de 4 personnes et progressent pendant 16 temps en pas quadrille (voir « Technique de pas »).
E - Balancé
Chaque cavalier récupère sa cavalière et valse avec elle (pas pivot) pendant 16 temps en récupérant sa position initiale dès le temps 4.
Technique de pas
Pas pivot
Le pied droit posant à plat, le pied gauche sur la demi-pointe.
Le pied gauche se pose toujours à côté du pied droit. Il s’agit d’une succession d’appuis en rythme régulier, nets. Il n’y a pas de glissé ou de frotté de pied gauche. Les deux pieds droits du couple se posent toujours l’un à côté de l’autre, au même endroit. Il n’y a aucun effet de couru.
Le fléchi des deux genoux, surtout du droit, est nettement marqué. Le couple effectue ainsi un continuel mouvement de haut en bas. Le mouvement vers le haut se fait lorsque le pied gauche pose au sol sur la demi-pointe. Le mouvement vers le bas se fait lorsque le pied droit pose au sol, le genou pliant ainsi très visiblement.
Pas quadrille
Le pas quadrille se fait sur deux temps en rythme régulier.
Temps 1 : appuis doubles talons serrés effleurant le sol
Temps 2 : appui droit, talon choquant le sol, jambe gauche levée à l’arrière à près de l’horizontale.
Les balancé des bras est régulier aussi. Les bras s’abaissent en dépassant l’axe du corps largement aux temps impairs.
Ils se relèvent à l’horizontale aux temps pairs.
Le style de ce pas est enjoué, légèrement rebondissant, mais il n’est surtout pas vertical. Les danseurs vont aux appuis vers le sol et ne prennent jamais d’appel.
Style
S’implantant dans un terroir où la danse était très présente, riche et variée, ce quadrille qui est resté complet, a subi avec bonheur l’influence du patrimoine dansé local pour, au final, l’intégrer et en faire totalement partie.
Le style général, tel celui des avant-deux et pastourelles voisins est devenu typiquement nantais, vivant et enjoué. Pratiqué avec cependant une certaine retenue, il évite aussi une allure guindée, nous sommes dans un petit bourg avec une influence fortement rurale. Le valsé, en pas pivot, présent dans chaque figure, reprend parfaitement technique, posture et style des avant-deux à la mode dite « de travers ».
Accompagnement musical
On chante, bien sûr, comme partout ailleurs. Ce quadrille possède un chant d’accompagnement avec des paroles pour chaque figure, ce sont les danseurs qui chantent. Pour les noces et les fêtes d’importance, on payait des musiciens. Le violon a longtemps été l’instrument principal et puis petit à petit l’accordéon, sans toutefois le détrôner complètement, a grandement acquis la faveur de la population, ceci surtout pour les avant-deux très en vogue dans la région, l’a t-il eue pour le quadrille… probablement aussi…
Paroles du chant
En avant-deux
Papillon vole vole, papillon vole don (bis)
Vole don par d’sus nos villages, reviens don par d’sus nos
maisons (bis)
En avant-quatre
Chez nous l’on boulange dans un four étrange (bis)
C’est ma femme qui fait le levain, ma chambrière qui fait le pétrin
Et moi qui l’enfourne malura et moi qui l’enfourne (bis)
En avant-trois
C’est dans le creux d’un chêne j’ai bâtir maison,
Je ne paie ni patente ni contribution (prononcé contribussi-on)
Je n’ai pas tant de vaisselle comme au palais d’un roi,
Je n’ai qu’ma pauv’ gamelle où je mange et je bois tralala
Au p’tit galop tralala lère, au p’tit galop tralala la (bis)
Ma petite Marie je t’aimerai toujours
Je donnerai ma vie pour avoir tes amours
Marions nous ensemble, tes parents et les miens
Que l’amour nous rassemble, belle donne-moi la main tralala
Au p’tit galop…
Figure générale
En avant deux la musique o gué, en avant-deux la musique (bis)
Chaîne des dames la musique o gué…
Traversé la musique…
Balancé…
CD de référence
1. Quadrille de Grandchamp-des-Fontaines - chant -DVD Quadrilles de Haute-Bretagne - Kendalc’h 2014
2. Quadrille de Grandchamp-des-Fontaines - accordéon - Gérard Zaorski - Kendalc’h - 2000
Mode vestimentaire
De 1870-1880 environ à la Grande Guerre, le costume féminin est à son apogée. Son déclin surviendra entre les deux guerres. Restera la coiffe jusque dans le début des années 1970 pour encore quelques femmes âgées.
Ce costume, lorsqu’il est encore complet, ne diffère pas de celui porté dans un grand territoire autour de Grandchamp-des-Fontaines, de Nantes à Châteaubriant entre autres. Caracos et jupes sont à la mode de leur époque, les couturières sont très informées et le décalage avec les modes civiles est quasiment inexistant. La devantière, très souvent de couleur noire, à très grande bavette baleinée, très ajustée, marquant parfaitement la taille et la poitrine donne à celle qui la porte un port altier. Les extrémités de cette bavette la plupart du temps rehaussée de dentelle du Puy et d’un rinceau de perles de jais, se fixent sur un petit châle en velours brodé ou en satin de soie très souvent, pour les grandes occasions bien sûr, est toujours de couleur, « bleu profond », « lie de vin », « pain-brûlé ». Les bijoux, eux aussi à la mode, sautoir, broche de col, boucles d’oreille, sont toujours de la mise. Par contre les épingles de fixation sont invisibles. Comme partout ailleurs dans cet ancien Comté nantais, ce qui différencie la femme de Grandchamp-des-Fontaines est sa dormeuse (coiffe), sa forme et surtout son mode de paillage. Ce sont ces deux éléments qui l’identifient à sa paroisse surtout, sa commune éventuellement. Grandchamp-des-Fontaines et Notre-Dame-des-Landes ont exactement la même dormeuse, en fin de mode, la dormeuse est plutôt petite, le paillage est réalisé principalement sur le dessus et descend peu sur le côté, bien plat et sans plis.
En-dessous : châle de soie bleu nuit velours de soie envers satin et son mode de fixation. Collection Michel Guillerme.
catogan. Collection Michel Guillerme
Ressources
• Captation Quadrille de Grandchamp-des-Fontaines, danseurs de Naoned à Nantes le 29 janvier 2000, Kendalc’h
• Danses de toutes les Bretagnes volume VIII - Les quadrilles de Haute-Bretagne, Kendalc’h
• Mariages en Bretagne - 120 costumes d’exception, p.24, Kendalc’h Coop Breizh
• Chalet Jean-Anne, Les belles heures du Comté nantais (même si la commune n’est pas explicitement citée) tomes 1 et 2, Edijac
• Guesdon Yann, Coiffes de Bretagne, Coop Breizh
• Guilcher Jean-Michel, La contredanse et les renouvellements de la danse française, Mouton
Remerciements
Rédaction : Michel Guillerme
Copies d’écran vidéo : Kendalc’h, avec les danseurs de
Naoned Nantes : Chantal Morin, Marie-Claude Ardois, Luc Rongeard, Michel Guillerme (vidéo de janvier 2000), et les danseurs du cercle de Nort-sur-Erdre du DVD Danses de toutes les Bretagnes (2014).