Fiche costume

Costume Damas de Guissény-Kerlouan et Plounéour-Trez 1840-1950

Terroir

Pays Pagan

Groupe vestimentaire

Pays Pagan

Période étudiée

1840-1950

Rédacteurs

Cette fiche a été rédigée par Chantal Le Borgne  et Gwendal Jacob en 2016.

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Groupe vestimentaire

Cette fiche traite de la mode vestimentaire de grande cérémonie des femmes du pays pagan sur les communes de Goulven, Plouneour-Trez, Brignogan, Kerlouan, Guissény  de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle. La mode de Plouguerneau n’y est pas traitée car la coiffe portée avec le costume Damas semble différente sur plusieurs anciens documents et nous n’avons pas assez d’éléments à ce jour pour traiter cette partie dans cette fiche. Cette fiche ne traite que du costume féminin, car il n’existe pas de costume homme spécifique lié à cette mode.

Jeunes filles en costumes Damas vers 1910. A gauche de Guissény- Kerlouan et à doite de Plounéour-Trez.
Collection Le Carton Voyageur

Situation géographique et historique

Le pays Pagan correspond à la zone côtière située entre le Haut et le Bas-Léon, allant de l’embouchure de la rivière La Flèche dans la baie de Goulven à l’Aber-Wrac’h. Cependant, il n’existe pas de frontières bien définies, car autrefois, le Pagan définissait l’homme de la commune d’à-côté. Pour l’habitant de Guissény, c’était donc le Kerlouanais mais pour celui de Kerlouan, c’était celui de Plounéour-Trez... De nos jours, on considère que six communes font partie du pays Pagan : Plouguerneau, Guissény, Kerlouan, Plounéour-Trez, Brignogan et Goulven. Ces communes ont toutes une façade maritime et ont la particularité d’avoir toujours vécu du travail de la mer et de la terre. Brignogan n’a été créée qu’en 1934, suite au démantèlement de Plounéour-Trez. Dès lors, lorsque l’on parle du costume de Plounéour-Trez, cela s’applique aussi à celui de Brignogan. A Goulven, la mode portée est celle du Bas-Léon.

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Le costume

Le costume de grande cérémonie des femmes du pays Pagan, appelé costume Damas, est un costume d’une richesse inouïe contrastant avec le costume de travail et de dimanche. Costumes chatoyants en damas de soie, rouges ou violets, la présence de ces belles étoffes peut paraître étonnante dans un pays si pauvre et si austère. Ces tissus sont-ils arrivés dans le pays Pagan par des colporteurs ou par cabotage ? Proviennent-ils de la cargaison d’un bateau échoué sur les côtes dans les années 1790 et rempli, selon l’inventaire de son chargement, de ballots d’étoffe de soie ? Nul ne peut le dire. Ce costume possède deux variantes : celle de Guissény/Kerlouan et celle de Plounéour-Trez/Brignogan. La base en est toutefois la même.

La jupe, le caraco et le corselet  - ar jupenn, an hivizenn hag ar korkenn laset

La jupe plissée est rehaussée de rubans de Saint-Etienne et de galons métalliques or et argent. Les manches du caraco sont également rehaussées de rubans de Saint-Etienne ou/et de galons métalliques or ou/et argent, de dentelles ou/et de tulle brodé. Le corselet baleiné présente une basque en pointe, pièce d’ornementation recouverte de galons métalliques d’or et d’argent et/ou de ruban de Saint-Etienne. Toutes ces pièces sont en brocard de soie damassée de couleur rouge passé pour Guissény et Kerlouan et violette pour Plounéour-Trez/Brignogan. La jupe est très ample, jusqu’à trois mètres de tour dans le bas. Le nombre de galons métalliques est en général de trois, argent-or-argent ou or-argent-or, mais les familles les plus aisées n’hésitaient pas à montrer leur richesse en ajoutant un ou deux galons supplémentaires. Un ruban de Saint-Etienne finit le bas de la jupe. Le caraco et le corselet se ferment avec des lacets. Ces deux pièces sont doublées d’un tissu très épais en lin ou en chanvre. Au fil du temps, le corselet disparaît et les basques deviennent indépendantes et se lacent par-dessus le caraco. On peut remarquer sur beaucoup de jupes que le devant caché par le tablier était fait dans un tissu plus ordinaire. Il en est de même pour les galons les plus hauts qui ne faisaient pas le tour complet de la jupe puisqu’il était jugé inutile de gaspiller de l’argent pour des pièces que l’on ne voit pas. Ceci est également vrai pour le caraco dont parfois seules les manches sont en tissu damassé.

La jupe du costume damas (jupenn) n’était pas nommée du même mot que la jupe de tous les jours (lostenn), renseignements pris auprès d’une dame de 85 ans.
Costume de procession de Plounéour-Trez en 1922 par Victor Lhuer.
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Détail de bas de jupes en Damas en rouge et mauve avec cinq rangées de galons métalliques argent et or.
Collection privée, photos Chantal Le Borgne
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De gauche à droite :
- Caracos mauve et rouge avec rebords de manches. Pour le caraco rouge, remarquons que seules les manches sont en tissu damassé.
- Corselet avec basques rehaussées de galons métalliques.
- Tablier en soie des années 1900-1910
Collection privée, photos Chantal Le Borgne
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Le tablier  - an tavañcher

Les plus anciens tabliers, plissés, sont en soie brochée ou en brocard de soie dans les tons rouge-violet. La pateled (bavette du tablier) est une large piécette très rigide, à l’origine indépendante du tablier, et rehaussée de galons métalliques ou/et de guipure ou/et de ruban de tulle brodé. Certains tabliers, dans le trois-quarts bas, sont rehaussés de galons métalliques ou de rubans de tulle brodé. A partir des années 1920, on voit apparaître des tabliers en satin brodés et/ou perlés, plus courts que les précédents, avec une piécette beaucoup plus petite.

La guimpe  - ar gemps

Sur les documents les plus anciens, il semble que la guimpe soit une sorte de plastron fermant au ras du cou, rehaussé de dentelle et de tulle brodé. Peu à peu, alors que la piécette du tablier diminue, apparaissent des guimpes garnies de perles, de paillettes, de dentelles ou de tulle brodé. Ces guimpes, rectangulaires, laissent alors le cou plus dégagé.

Grand costume de Kerlouan par René-Yves Creston
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Jeunes filles en costumes Damas de Guissény- Kerlouan et de Plounéour-Trez vers 1910.
Collection le Carton Voyageur

La ceinture  - ar seizenn

Elle est en ruban de Saint-Etienne formant un nœud sur le devant et avec deux rubans laissés en pendant. Dans les modes les plus récentes, cette ceinture disparaît.

Les bijoux  - ar bravigoù

Acheté auprès des colporteurs, le cœur-croix est fixé sur une longue chaîne qui est retenue au dos par une épingle de pardon. Certaines femmes pouvaient porter une petite broche sur la guimpe et une médaille de la vierge attachée sur un ruban bleu.

Ceinture en ruban de Saint-Etienne.
Ensemble croix-cœur avec sa chaîne.
Photos Chantal Le Borgne
Collection privée
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Fer à cheval et ruban pour poser la Kernapa.
Collection privée, photo Chantal Le Borgne

Bonnet et rubans des années 1840-1850. Collection Avel-Dro Gwiseni
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Coiffes et châles

Si les deux variantes de costume présentent une base commune, elles diffèrent pour le reste des pièces : châle et coiffe.

A Plounéour-Trez (et Brignogan)

La coiffe - ar c’hoef
La coiffe, appelée Kernapa, (littéralement, qui n’a pas de fond) est une coiffe dite « archaïque ». Elle est composée d’une très large bande de tulle brodé de motifs floraux et bordée de dentelles sur laquelle vient se fixer une pièce rigide brodée et bordée de dentelle tuyautée. Par un système de montage compliqué à l’aide d’un bonnet, d’un « fer à cheval », d’un ruban de Saint-Etienne et d’un ruban métallique, les cheveux sont ramassés et un pliage spécifique au moment de la pose de coiffe donne à celle-ci sa forme finale. Cette coiffe est très longue à poser, puisqu’il faut compter au minimum trente minutes pour des personnes déjà expérimentées. Le « fer à cheval », support de fixation de la coiffe, sert à enserrer le chignon afin de lui donner une forme plate sur le haut et arrondi sur le bas.

Dans les années 1840-50 et jusqu’aux environs de 1910, la coiffe se pose sur un bonnet de coton blanc brodé de motifs Pagan sur le devant et parfois aussi sur l’arrière, avec deux paires de lacets : une pour resserrer le bonnet sur la tête, l’autre nouée sous le menton. Un ruban de métis brodé enserre ensuite la tête, laissant apparaitre les broderies sur le devant et sur la nuque. La Kernapa se porte alors très en avant sur la tête, ne laissant apparaitre aucun cheveu. A partir des années 1910, le ruban brodé est remplacé par du galon de Saint-Etienne et du galon métallique, le bonnet brodé semble avoir été remplacé par un petit bonnet noir. Le lacet noué sous le menton a disparu et la coiffe se porte désormais plus en arrière, laissant apparaître les cheveux. Dans les dernières modes, on voit même apparaître les oreilles.

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Jeunes filles de Plounéour-Trez au pardon du Folgoët vers 1910-1920. Collection Gwendal Jacob.
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Coiffe Kernapa dépliée, 100 x 30 cm, mode de Plounéour-Trez.
Collection privée. Photo Chantal Le Borgne.
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Détail du montage de la coiffe dans les années 1920-1930. Photo Chantal Le Borgne, collection musée de Plounéour-Trez.

Le châle à Plounéour-Trez et Brignogan
Le châle en tulle brodé et amidonné est posé sur une superposition de trois petits mouchoirs de couleurs pastel différentes (rose, bleu, vert, jaune...). Ce châle est un grand carré plié en triangle, bordé de dentelle tuyautée, brodé de motifs floraux sur les côtés et d’un grand motif sur la pointe. Il est tenu à l’arrière par une épingle de pardon et une longue chaîne en sautoir reliée au bijou croix-cœur sur le devant. Pour maintenir les petits châles en dessous, on y épinglait une guimpe (gemps).

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Châle et Kernapa, remarquons la fixation particulière de la chaîne. Plus la famille riche, plus la chaîne est longue et il faut le montrer... Par conséquent, elle est fixée en ondulations sur le châle.  Photo Chantal Le Borgne, collection musée de Plounéour-Trez
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Détail d’un motif central  d’un châle en tulle. Photo Chantal Le Borgne, collection musée de Plounéour-Trez

A Guissény et Kerlou an

La coiffe - ar c’hoef
La coiffe est une cornette en tulle ou en filet, brodée de motifs floraux, avec un petit fond en forme de trapèze. Ses dimensions vont de 120 x 24 cm pour les coiffes en filet jusqu’à 120 x 34 cm pour celles en tulle. Elle se portait autrefois sur une sous-coiffe (bonnet noir) et encadrait le visage sans laisser apparaître de cheveux. De même que celle de Plounéour-Trez, à partir des années 1900-1910, cette coiffe se porte de plus en plus en arrière, laissant apparaître les cheveux et parfois même les oreilles dans les dernières modes.
Le châle - ar chal
Le grand châle blanc brodé est identique à ceux portés dans tout le Léon et le Trégor. Il couvre les épaules. Il est retenu à l’arrière par quatre plis dont trois sont ramenés sur le devant.

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Jeunes filles de Kerlouan au pardon de Notre-Dame du Folgoët. Photographies Beaufrère, collection Gwendal Jacob
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Détail d’une broderie de châle blanc - mode de Guissény/Kerlouan
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Cornette en filet dépliée. Collection Chantal Le Borgne
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Détail d’une cornette en tulle brodé.

Evolution du costume

Dans ces deux variantes, à la fin du XIXe siècle, les coiffes sont posées très en avant sur la tête, ne laissant apparaitre aucun cheveu. Le costume damas évolue peu, contrairement à la plupart des autres terroirs de Bretagne. Toutefois, les coiffes kernapa et cornettes sont portées de plus en plus en arrière, laissant ainsi apparaître des coiffures plus sophistiquées. Pour la Kernapa, notons la disparition des lacets qui permettaient de maintenir la coiffe vers l’avant. Cette nouvelle façon de poser la coiffe mettait davantage en valeur le port de tête et le cou. Des tabliers brodés, perlés ou peints apparaissent.
La taille du pateled diminue. Le grand châle blanc est posé plus en arrière, laissant apparaître la nuque. Les guimpes sont désormais perlées à l’aide de rocaille, de tubes, de cabochons et autres clinquants. La jupe se porte aussi plus courte. Il est très difficile de décrire un costume type, tant les costumes observés sont variés et les possibilités multiples. Il est par exemple possible de trouver, dans les archives, un costume mauve porté avec une cornette ou un costume rouge avec kernapa, observés dans la zone limitrophe entre Kerlouan et Plounéour-Trez.

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Collections
Chantal Le Borgne et Gwendal Jacob
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Occasions de port du costume Damas

Le costume Damas était porté pour les très grandes occasions, principalement pour les pardons (pardon de la paroisse mais surtout pardon du Folgoët, le plus grand pardon du Léon) et par les jeunes filles désignées par le recteur pour porter les bannières, ce qui était une grande fierté. Il était aussi porté pour accueillir un nouveau recteur, lors de la venue de l’évêque ou lors de missions... Il était porté par certaines mariées dans les années 1940-1960. Sur les documents anciens, on remarque qu’à Plounéour-Trez, le costume Damas est aussi porté par des femmes âgées lors de communions ou de diverses grandes occasions. Citons l’exemple de la dame avec sa canne lors de la venue du président de la république, Gaston Doumergue, à Plougastel en 1930. On ne dansait évidemment pas avec ce costume.

Femme de Plounéour-Trez pour le venue du président de la république. Photo publiée dans l’Illustration, journal hebdomadaire du 18 octobre 1930

Le cercle celtique Ar Vro Bagan l’a néanmoins adopté dans les années 1960 sous l’impulsion de monsieur Robin, recteur de la paroisse de Brignogan. Le costume de Damas se transmettait de mère en fille, ces dernières n’hésitant pas à modifier, voire retailler certains éléments pour être à la mode. Néanmoins, toutes les familles n’en possédaient pas un. Ces deux coiffes étant difficiles à monter, les femmes allaient se les faire poser, le plus souvent chez les repasseuses.

Ressources

  • Creston René-Yves, Le costume Breton, Coop Breizh, 1979
  • Crestion René-Yves, Modes et costumes traditionnels de Bretagne, Kendalc’h, 1999
  • Lalaisse François-Hippolyte, Galerie Armoricaine. Costumes et vues pittoresques de la Bretagne, Charpentier Père et Fils, 1848
  • Le Goff Jean-Yves, Mémoire en images : le pays pagan, Alan Sutton - histoire et géographique, 1994
  • Lhuer Victor, Les costumes bretons, Equinoxe, 2001
  • Elégoët Louis, Le pays Pagan, Palantine, 2012
  • Vidéothèque Kendalc’h : montage de deux coiffes.

Remerciements

  • Relecture : Jean-Pierre Premel
  • Prêt de costumes et photos : cercle Avel-Dro Gwiseni, Gwendal Jacob, Chantal Le Borgne

 

Mariage de Aubin et Thérèse Prémel de Plounéour-Trez en 1944.
Collection Yann-Ber Premel
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