Groupe vestimentaire
Le groupe vestimentaire de l’ancien évêché de Tréguier correspond globalement à l’aire de la suite de Dañs Treger.
Famille Dubourg-Le Floch de Loguivy-Plougras vers 1880
Collection Bertrand Thollas
Situation géographique et historique
L’aire de collectage de la suite Treger décrite par Jean-Michel Guilcher est à cheval entre les départements des Côtes-d’Armor et du Finistère. Cette zone géographique fait partie intégrante de l’ancien évêché du Trégor (d’avant la révolution française). Pour la petite histoire, le 27 janvier 1790, les députés bretons rejettent la demande formulée par les habitants de Morlaix (initialement rattachée à l’éveché de Tréguier) d’être intégrés dans le département de Saint-Brieuc et décident que la limite départementale entre le Finistère et les Côtes-du-Nord se confondrait avec le cours du Douron. Ainsi se trouvait constitué, par démembrement de l’évêché de Tréguier, un Trégor qui sera appelé par la suite « Trégor finistérien » ou « Trégor morlaisien ».
Occasions de danse
Les occasions de danse de la suite Treger sont le plus souvent les grandes cérémonies et les pardons. L’apogée de la danse (c’est-à-dire encore pratiquée en trois parties voire quatre selon les lieux) se situe entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Deux costumes féminins pouvaient alors se côtoyer : le costume de cérémonie, aisément reconnaissable par sa coiffe spécifique (la cornette ou catiole, nom plus employé dans le Goëlo) et le costume du dimanche avec la toukenn (autre coiffe du Trégor), tandis qu’à Morlaix était portée la queue de langouste. Lors des pardons, les jeunes filles (porteuses des bannières) revêtaient un costume blanc. Pour les hommes, à cette époque c’est la mode citadine (qui s’est imposée dans la deuxième moitié du XIXe siècle) qui est revêtue pour l’occasion.
Costume féminin
Tout comme en Haute-Bretagne, la mode féminine dans le Trégor suit la « mode de l’époque ». La spécificité du costume trégorois réside dans les trois éléments que sont la coiffe, le tablier et le châle. Quelle que soit la coiffe, la base du costume féminin est composée à cette époque d’un corsage et d’une jupe.
Le corsage
Le corsage (appelé également korfenn) est ajusté et se ferme sur le devant, le plus souvent par une série de boutons. Pour les cérémonies, les manches sont recouvertes d’une bande de velours d’une dizaine de centimètres. L’encolure peut être arrondie ou composée d’un tout petit col. Il est confectionné le plus souvent dans un tissu fin (satin de coton, étamine de laine, jolie cotonnade), même si pour les plus aisées les soieries sont utilisées. Il est le plus souvent noir, même si l’existence de couleurs ou de tissus à motifs est attestée. Un boudin en tissu vient s’ajouter dans le creux du dos, permettant ainsi le maintien de la jupe à l’arrière.
La jupe
La jupe est également fabriquée dans des tissus raffinés (satin de coton, satin duchesse, taffetas, étamine de laine...) choisis en fonction du rang social. Elle est composée à l’avant d’un pli plat prolongé par un ou deux plis couchés, l’arrière étant froncé comme des tuyaux d’orgue. Le poids de la jupe est basculé à l’arrière, ce qui explique l’utilisation du boudin. La jupe est ample et longue, à la limite rasante à cette époque. Elle peut être agrémentée de plis religieux. Comme pour le korfenn, elle est le plus souvent noire, parfois de couleur ou avec des motifs. Le costume dit en « taille » commence à faire son apparition au passage des années 1900.
Le tablier
Le tablier, le plus souvent de couleur noire, est fabriqué dans des tissus riches : taffetas, ottoman, broché (ton sur ton ou bicolore, prune sur noire...), moire, satin, velours... En périphérie, il peut être richement orné de dentelles au fuseau, dentelle du Puy par exemple. Notons l’existence de tabliers de couleur : bleu sur la région de Plestin et rouge sur la région de Lezardrieux (comme a pu le décrire Jean Balac dans ses écrits de collectage), mais également des camaïeux de vert, de jaune... La bavette des tabliers a commencé à réduire dès le milieu du XIXe siècle mais est toujours présente et peut être ornée de dentelles. A partir de la fin du XIXe siècle, elle commence à être montée à la ceinture par une série de petits plis couchés cousus en arrondi. D’autres montages plus anecdotiques ont pu être retrouvés. Les poches du tablier, quand elles existent, sont majoritairement en forme d’aumônière et peuvent être ornées de dentelles, de rubans...
Tablier bleu vers 1880-1900, collecté à Trémel.
Collection Bertrand Thollas
Collection Bertrand Thollas
Le châle
Le châle, en étamine, est brodé au fil de soie, ton sur ton. Si le plus souvent il est noir, il peut exister des châles de couleur. Les couleurs les plus rencontrées sont alors des camaïeux de rouge/rose, vert, violet, jaune/or/beige, marron ou bleu. La tradition voulait que la couleur du châle suive les rites liturgiques de la religion : rouge pour les saints martyrs, la Passion et la Pentecôte, violet pour l’Avant, le Carême et les temps de pénitence, vert pour les dimanches après la Pentecôte et bleu pour le mois de Marie (mai). Seul le châle couleur or pouvait remplacer tous les autres sauf le noir. Il va sans dire que les châles de couleur étaient réservés à une certaine classe sociale pouvant se permettre l’achat de ces pièces richement brodées. Il est terminé en périphérie par un macramé fabriqué (en fil ou lacet de soie) ou par une guipure, le tout de la même couleur que le châle. Les femmes les plus aisées portaient également des châles en cachemire dit « des Indes ». A la fin du XIXe siècle, ces châles étaient de fabrication française. A cette époque, il est majoritairement monté aux épaules par une série de quatre plis : trois ramenés sur le devant et le quatrième perdu sur les épaules comme pli d’aisance. A la fin du XIXe siècle, il est encore très croisé sur la poitrine, laissant à peine voir le korfenn, puis il va s’ouvrir de plus en plus pour laisser apparaître les ornementations des korfennoù du siècle suivant. Les femmes moins aisées portaient également des châles simples, non brodés et pouvant être dépourvus de macramé ou de guipure. L’hiver, c’est-à-dire la période allant de la Toussaint à Pâques, les grands châles noirs en étamine pouvaient être remplacés par des grands châles noirs en laine tissée ou des tartans. Les dimanches ordinaires, certaines femmes continuent à porter notamment le mouchoir, petit châle dont la pointe s’arrête dans le creux du dos. Il est également en étamine de laine (non brodé), en indienne ou tartan. Il possède les mêmes caractéristiques que le grand châle quant à son montage et son ouverture sur la poitrine. Il sera abandonné au début du XXe, les femmes étant soit « en taille », soit le remplacent par un grand châle simple ou par une pélerine ou tout autre par-dessus à la mode de l’époque.
Châle tartan.
Collection Yvette L'Hostis
Les coiffes
La cornette
La cornette, l’une des deux coiffes portées lors des cérémonies, fait partie des rares coiffes à opérer un changement structurel au cours de son évolution. Au milieu du XIXe siècle, elle est composée d’un simple bandeau, le fond étant cousu à 2/3 - 1/3 du bord de la coiffe. Ainsi pour être dressée, la coiffe doit être pliée afin de repositionner le fond à l’arrière de la coiffe. C’est vers 1870 que le changement va s’opérer. A partir de cette époque, elle est fabriquée majoritairement en tulle et pouvait être finement brodée au fil de coton. La bande centrale et le bonnet (brodé du même motif) étaient de confection locale, tandis que la dentelle périphérique ainsi que le volant étaient achetés au mètre. La cornette est très large et se porte les ailes tombantes sur les épaules, la pointe à l’avant (générée par le rebrasssage) est dirigée vers le haut. Les cornettes du Trégor finistérien sont souvent plus courtes que les cornettes du trégor costarmoricain. Doit-on y voir une influence du terroir Léon voisin ? Le rebrassage de la cornette étant le même, le rendu est complètement différent. A l’arrière, les cheveux sont coiffés en chignon. A l’avant, ils sont coiffés à la mode de l’époque : deux tresses partant du chignon sont remontées sur la tête en formant un arrondi ou des macarons. Les personnes plus âgées, les cheveux se raréfiant, tirent leurs cheveux en arrière. Souvent, un bonnet de cheveux vient se placer sous la coiffe pour permettre de fixer la coiffe.
Collection Bertrand Thollas
Collection Bertrand Thollas
La toukenn et queue de langouste
La toukenn et la queue de langouste (coiffe des Morlaisiennes et qui possède la particularité de pratiquement ne pas avoir évoluée au cours du temps) semblent avoir un ancêtre commun : la coiffe d’artisane croquée par Lalaisse, forme de coiffe que l’on retrouve également sur Plouigneau. Cette coiffe est aussi dessinée par Felix Benoist dans ses différentes lithographies réalisées dans le Trégor (crypte de Saint Mélard, pardon de Guingamp, rue de Morlaix). Tout ces documents confirment le fait qu’il existait au début du XIXe siècle une très grande unité entre les coiffes portées dans le Léon et le Trégor. Avec le fractionnement des modes, cette coiffe d’artisane va évoluer vers la toukenn, coiffe emblématique du Trégor, mais à Morlaix cette coiffe n’a pratiquement pas évoluée pour donner la queue de langouste.
Queue de langouste vers 1905-1910.
Collection Bertrand Thollas
La queue de langouste
Il est possible que cette coiffe ait été portée par les artisanes dans un premier temps puis par les paysannes et ouvrières vivant à Morlaix (notamment celles travaillant à la manufacture de tabac) qui l’ont adopté au fil du temps, laissant ainsi le port de la toukenn aux femmes des communes environnantes. Même si comme le dit Creston cette coiffe a pu être portée aux alentours de Morlaix, Saint-Martin-des-champs, Saint-Sève ou Ploujean. Elle va se réduire au fil du temps aux villes de Morlaix et de Saint-Martin. Cette coiffe était portée pour le travail mais également pour les cérémonies voire même plus anecdotiquement par la mariée.
Cette coiffe est constituée de trois parties :
Une passe assez étroite mais longue et de forme conique, caractérisée par sa couture en W. Sur cette passe sont cousues, de chaque côté, deux pièces de forme carrée, ancêtre des ailes et sur la partie la plus courte de la passe est montée la poche.`
Deux rubans permettent de resserrer la poche et sont suffisamment longs pour être noués sur le dessus de la tête.
Deux brides en coton sont cousues au niveau de la jonction ailes-passe et sont laissées pendantes sur les épaules. Il est fort probable que ces brides aient été nouées sous le menton à une certaine époque.
Dans la commune de Saint-Martin-des-champs, les brides ne sont plus présentes. Deux hypothèses coexistent : suppression par commodité (comme on a pu le voir sur la cocotte de Plouagat) ou moyen de se différencier ?
Au fil des années, nous notons peu de différences de proportion entre les coiffes, la grande évolution se trouve dans les sous-coiffes. En effet, une sous-coiffe était utilisée pour retenir les cheveux mais également donner la forme en queue de langouste, caractéristique de cette coiffe. Cette sous-coiffe est fabriquée en toile de coton et ses dimensions étaient adaptées à la tête et à la chevelure de la personne. Contrairement aux autres coiffes, la queue de langouste a toujours été fabriquée dans les mêmes matériaux. La passe et la poche sont fabriquées dans une toile de coton fine et dense (percale par exemple), les ailes sont quant à elles réalisées dans de la mousseline. Nous n’avons pas observé de coiffe brodée à ce jour. Le devant des cheveux a suivi la mode urbaine, tout d’abord coiffée en bandeau avec une raie centrale, les cheveux se sont de plus en plus gonflés au cours du temps. Les cheveux, à l’arrière, sont nattés au niveau de la nuque et remontés en catogan.
La toukenn
Le mot toukenn, s’il est très connu et usité actuellement, n’était pas connu par les anciens qui parlaient plutôt de petite coiffe. A la fin du XIXe siècle, la poche est large et portée tombante, les ailes, qui encadrent le visage, sont courtes et larges. La coiffe est fabriquée en tulle, mousseline ou gaze. Elle pouvait être finement brodée et de confection locale. La coiffure est similaire à celle utilisée pour la cornette.
Collection Bertrand Thollas
Collection Bertrand Thollas
Collection Bertrand Thollas
Collection Bertrand Thollas
Collection Bertrand Thollas
Costume de pardon
Les jours de fête, les jeunes filles, celles qui avaient fait leur communion solennelle, avaient le droit de porter le costume blanc et la coiffe de cérémonie : la catiole ou cornette, à défaut la toukenn pour les moins aisées. La robe était celle de communion en mousseline, en tulle ou en organdi. Le tablier, de petite taille, blanc et à plis étroits est généralement confectionné dans le même tissu que la robe. La toilette se complétait par un grand châle de lainage, le plus souvent de couleur crème, qui pour les plus aisées était brodé sur la pointe et terminé par une large frange en macramé. En général, ces tenues étaient louées ou prêtées par l’église de la commune. Dans les familles aisées, le châle pouvait être offert par le parrain et la marraine. Un gros nœud bleu, en moire, était fixé sur le côté gauche du tablier. Ce nœud pouvait parfois être remplacé par un ruban bleu et blanc mis autour du cou avec une médaille de la vierge.
Collection Bertrand Thollas
Collection Yvette L'Hostis
Costume masculin
Le costume masculin est citadin. En effet, dans le Trégor, la mode citadine s’est imposée progressivement dès la fin du XIXe, et ceci dans l’ensemble des communes.
Costume enfant
Pour l’enfant, même s’il existe des documents du XIXe siècle montrant des enfants en costumes dit traditionnels, retenons que dès le début du XXe siècle, les enfants portent le costume citadin.
Ressources
- Creston René-Yves, Le costume Breton, Coop Breizh
- Lalaisse François-Hippolyte, Galerie Armoricaine, Costumes et vues pittoresques de la Bretagne, Nantes, Charpentier Père et Fils, 1848
- Benoist Félix, La Bretagne contemporaine, Henri Charpentier, Paris, 1865
- L’Hostis Yvette, Thollas Bertrand, Le costume du Trégor Goëlo, Coop Breizh, 2015
- Collection Heritaj, Fiche costume : coiffes mineures du Trégor, Kendalc’h, 2015
- Danses de toutes les Bretagnes - volume 9, le Trégor, Kendalc’h, 2016
Remerciements
Bertrand Thollas remercie chaleureusement les familles Pouliquen et Le Floc’h qui lui ont généreusement ouvert leurs portes lors de ses recherches et avec qui il a beaucoup appris.