Fiche costume
Pays d'Auray, costume de cérémonie, 1930-1950
Terroir
Pays de Vannes, pays d'Auray
Groupe vestimentaire
Pays d'Auray
Période étudiée
1930-1950
Rédacteurs
Fiche rédigée en 2021 par un collectif issu de la Kevrenn Alré.
Groupe vestimentaire
La mode présentée dans cette étude est celle du haut-vannetais méridional, dénommée groupe d’Auray et Vannes par René-Yves Creston. C’est la variante principale du pays d’Auray, « mode à col » qui sera l’objet de cette fiche sur le costume féminin. Celle-ci a été élaborée à partir de témoignages et de photographies de différentes familles du terroir étudié.
Paul et Louise Jaffredo en 1932
Situation géographique et historique
Le costume de cérémonie était principalement porté lors des grandes occasions et pardons importants, tel celui de Sainte-Anne-d’Auray. Ce costume est répandu au sud du haut-vannetais, dans une zone centrée autour de la ville d’Auray (environ une quarantaine de communes).
Le costume de cérémonie se caractérise par l’évolution de la coiffe appelée jobeline, kouef tri kintr : cette coiffe à trois coins (plis sur l’avant) va rétrécir sur les côtés et le fond de sorte qu’il ne reste qu’un seul coin nécessaire à son montage. Notre étude portera sur le costume dit « mode à col », principalement porté dans les communes suivantes : Auray, Baden, Belz, Brandivy, Brec’h, Carnac, Crac’h, Erdeven, Granchamp, Landaul, Larmor-Baden, La Trinité-sur-Mer, Le Bono, Locmaria-Granchamp, Locmariaquer, Locoal-Mendon, Locqueltas, Meucon, Quiberon, Ploemel, Ploeren, Plescop, Plougoumelen, Plouharnel, Plumergat, Pluneret, Pluvigner, Saint-Philibert, Saint- Pierre-Quiberon, Sainte-Anne-d’Auray, et les îles : BelleÎle, Houat et Hoëdic. Sur les communes littorales du pays d’Auray : Belz, Carnac, Erdeven, Etel, Locmariaquer, Quiberon, Saint-Pierre-Quiberon, Saint-Philibert, La Trinitésur-Mer, les deux modes du pays sont présentes : celle dite « à col » et celle dite « à châle ». Dans ces communes du pays d’Auray, la mode « à col » était plutôt celle des femmes des campagnes par opposition aux femmes des bourgs qui portaient la mode « à châle ». À Landévant et à Camors, le territoire est partagé avec la mode limitrophe (mode d’Hennebont pour Landévant et mode de Baud pour Camors). La répartition des modes à châle et à col a varié au cours du temps. La carte ci-contre ne propose qu’une réalité au cours de la période 1930-1950.
Costume féminin
Après la Grande Guerre, la robe et la coiffe commencent à se raccourcir, alors que le col s’élargit.
En règle générale, les jeunes filles nées aux alentours de 1925 sont les dernières à porter régulièrement le costume. Par la suite, les jeunes filles les arborent à de rares occasions (costume complet). Contrairement aux hommes qui ont arrêté de porter le costume traditionnel à partir des années 1930, les femmes ont continué à le porter jusque dans les années 1950 et par la suite, certaines ont poursuivi en ne portant que la coiffe (ou que la coiffette dans leur espace privé) avec une tenue civile.
Les femmes de notables et les citadines ont, elles, adopté depuis longtemps la mode de la ville. Les femmes des générations précédentes gardent leur costume, certaines le modifient pour le faire évoluer et d’autres plus aisées en font confectionner un nouveau afin de suivre la mode. Le costume du pays d’Auray / Vannes est composé d’un corps de robe avec col rabattu et de manches pagodes recouvertes de velours de soie noir, d’une jupe de drap bordée de velours, d’un tablier à large devantier.
Ar vrozh - La robe
La robe est confectionnée soit de coton noir, soit de mérinos ; et pour les plus aisées, en velours de soie rasé ou dévoré. Le corps de robe, ar c’horf-brozh, est très cintré, doublé d’un tissu épais. Dans le dos, deux bandes de velours sont cousues en arrondi pour suivre les emmanchures en plissant le velours. Des robes comportant une pèlerine de velours ont été collectées dans le secteur de Carnac. La partie avant du corps de robe est entièrement recouverte de velours. Sur certaines robes, une poche de velours était appliquée afin d’y introduire la montre attachée au sautoir. Cette partie avant est recouverte par le large devantier du tablier. Le corps de robe est assemblé à la jupe en laissant une ouverture sur le devant de la poitrine, il se ferme à l’avant à l’aide de lacets ou de crochets. L’encolure arrière de la robe est plus creusée et arrondie qu’en début de siècle. À la taille, la robe est froncée de façon très serrée afin de donner de l’ampleur au bas de la robe ; le bas de celle-ci s’arrêtant entre le milieu et le haut du mollet. Les manches sont recouvertes de velours du bas de la manche jusqu’à 5 centimètres de l’épaule au maximum. Le bas de la robe est bordé d’une bande de velours plus ou moins haute. Celle-ci peut être agrémentée d’une bande de velours perlée.
La situation sociale de la femme se voit par la hauteur du velours sur la jupe et par la présence d’une bande de velours brodé (fil de soie, fil d’or, etc.) et/ou perlé (perles de verre, cannetille etc.). Cette dernière est cousue au-dessus ou appliquée sur le haut de la bande de velours constituant le bas de la robe. Certaines robes peuvent être, à titre exceptionnel, pour des femmes aisées, agrémentées de motifs floraux supplémentaires perlés sur le velours et sur la toile de la robe.
10 - Velours perlé sur la robe et les manches, corps de robe avec pèlerine / 11 - Robe en velours frappé sur la jupe et les manches, corps de robe sans pèlerine / 12 - Robe en velours avec bande perlée
An danter - le tablier
Les femmes portent sur leur robe des tabliers dont la longueur est alignée sur le bas de la robe ; le devantier, ar bavouser , a une forme de trapèze isocèle qui couvre le buste sur le devant de la robe, sa pointe inférieure (dite « piécette ») quant à elle est de forme triangulaire depuis le début du XX e siècle.
Les femmes suivent la mode, la variété de tabliers de cette période est large : on retrouve de nombreux tabliers aux couleurs vives et variées, agrémentées de broderies florales ou Art déco (broderie au fil d’or, broderie au ruban, broderie à l’aiguille au fil, broderie Richelieu ou Renaissance), de motifs peints, de velours de soie dévoré ou rasé...
Les couleurs sont variées et lumineuses. On retrouve parfois aussi des tabliers de satin couleur agrémentés de tulle brodé généralement noir.
Le devantier est élargi par rapport aux années précédentes, afin que les pointes bien marquées dépassent des épaules.
Ar c’holed - Le col
Il retombe largement sur le dos à l’image du col marin. Il est agrémenté de plus ou moins de broderie ou dentelle. À l’origine, la partie brodée ou en dentelle est montée sur un corps de coton, qui disparaîtra dans les dernières années. Le col mesure 20 centimètres sur 40 environ. Il est alors fixé par des épingles à l’intérieur de la robe au niveau de l’encolure.
Ar gimp - La guimpe
Elle est généralement brodée, elle dépasse légèrement au-dessus du devantier du tablier. Elle est constituée d’une bande de dentelle ou de tulle brodé, montée sur un empiècement de coton, qui sera glissé sous la robe et fixé par des épingles.
Ar faos-manchoù, an dibougoù - Les manchettes
Confectionnées le plus souvent en tulle, les manchettes sont ajoutées sous les manches, laissant apparaître leur partie brodée ou perlée.
On rencontre une grande variété de styles de manchettes selon la richesse et les goûts : au crochet au fil de couleur bi, en dentelle mécanique, en tulle brodé et/ou perlé noir, blanc ou crème, en crêpe de nylon plissé etc...
Certaines manchettes sont confectionnées avec du ruban de dentelle cousu au bas des manches.
4 à 7 - Manchettes en tulle perlé
Ar c'houefet - La coiffette
Contrairement aux années 1900 à 1915, la coiffette a perdu ses lacets jugulaires se nouant sous le menton et son lacet de coulisse a progressivement disparu.
Elle est composée d’une partie trapézoïdale (longueur : 12 à 14 cm, largeur : 11 cm) et d’un fond semi-circulaire (diamètre : 7 cm environ), l’ensemble peut être bordé d’une tresse de coton. La paysanne conserve sa coiffette toute la journée, aussi elles sont agrémentées de dentelle ou broderie faites à la main. Celles-ci sont confectionnées en tulle de coton, filet ou crochet. Pour les cérémonies, les femmes se font broder une coiffette sur tulle dont les motifs par transparence seront visibles au travers de la coiffe. À partir de la Grande Guerre, la taille de la coiffette est réduite et met en valeur les coiffures à la mode : chevelure gonflée à l’avant et tresses remontées à l’arrière de la nuque. Le chignon des femmes est donc moins volumineux et la coiffette est réduite. Certaines jeunes filles décident d’agrémenter le tour de celle-ci en dentelle mécanique ou en dentelle au picot.
Elle est fixée à la chevelure au moyen d’épingles ; c’est sur elle que sera fixée la coiffe ensuite.
7 et 8 - Coiffettes en crochet
Ar c’houef - La coiffe
La coiffe est composée d’une partie avant de forme rectangulaire, an daletenn , d’un chignon, ar chignon , d’une petite pièce qui renforce l’ensemble, ar pezhig , et d’un lacet coulissant, ar stagell , qui enserre la coiffette. Elle a peu à peu diminué de taille : 30 centimètres sur 27 environ. Par contre, à l’est de la zone de port, les coiffes ont continué à se rétrécir en deça de cette taille. Les cheveux, selon une tendance générale, sont répartis en bandeaux frisés sur les tempes et nattés soigneusement en deux tresses sur la nuque, réunies en chignon sous la coiffette. La coiffe de cérémonie, très travaillée en filet ou en tulle brodé, est soutenue seulement par la chevelure gonflée ressemblant ainsi à un éperon. L’entre-deux se généralise, tout comme la dentelle mécanique mais les coiffes conservent le carré central, ar pezhig , en tulle ou gaze. La broderie sur tulle se développe pendant la Seconde Guerre mondiale du fait de la rareté de la broderie mécanique. Des parures complètes (coiffe, coiffette, guimpe et col) agrémentées des mêmes motifs sont alors réalisées. La mode évoluant, elle est conservée pour les mariages jusqu’à la fin des années 1950.
Ar gouronenn - La couronne, ar gerlenn-benn - le diadème, ar boked-eured - le bouquet de corsage
Lors de leur mariage, les femmes revêtaient sur leur costume traditionnel, soit une couronne sur la coiffe ou un diadème disposé sur le front, ainsi qu’un bouquet de corsage appliqué en diagonale sur le devantier ou une petite livrée épinglée sur le côté du devantier. La couronne et le bouquet sont constitués de perles, de strass, de fleurs d’oranger en cire. Après le mariage, ces accessoires étaient conservés et présentés dans un globe.
Ar botoù-ler hag al loeroù - Chaussures et bas
Pour les cérémonies, les femmes portent des bas de couleur avec des escarpins noirs, puis apparaissent des bas couture en nylon de différentes couleurs, certaines femmes optent pour leur mariage pour des escarpins blancs.
Bas couture noirAr bragerisoù - Les bijoux
On peut retrouver comme bijoux portés par les femmes durant cette période des chaînes avec médailles, des croix, des colliers de perles, des drapiers, des boucles d’oreilles diverses, des dormeuses.
6 - Colliers drapiers
Costume masculin
Après la Première Guerre mondiale, les hommes abandonnent au fur et à mesure leur beau costume de velours, au profit du costume trois pièces à la mode de la ville. Pour un grand nombre, la veste traditionnelle est remplacée par la veste civile, portée alors sur le gilet de velours et accompagnée du chapeau à guides. Puis le port du costume complet trois pièces se généralisera. Dans le costume traditionnel masculin, les hommes pouvaient porter une cravate, noeud papillon ou lavallière en ajoutant sur leur chemise un col boutonné, celui-ci sera remplacé par les chemises de ville à col replié. Le chapeau traditionnel à guides de velours est remplacé par la casquette ou le chapeau borsalino. Le costume traditionnel est conservé en partie par les personnes des générations d’avant-guerre, mais son port est de plus en plus limité aux occasions spéciales comme les grands dimanches, des rassemblements comme les pardons et les noces. Certains continueront cependant à faire évoluer le costume masculin en augmentant la quantité de velours..
Costume enfant
À partir de l’entre-deux-guerres, les enfants ne sont plus habillés avec le costume traditionnel, mais en sarrau puis en « habits de ville ». Les petites filles ne portent plus que la coiffe. Le costume n’est plus porté au quotidien mais seulement pour la communion solennelle et même le pardon local.
Lexique
Broderies Renaissance et Richelie u : dans la broderie Richelieu, les figures à bords festonnés sont raccordées par des brides ornées de picots. Ceux-ci sont absents de la broderie Renaissance. Le terme Richelieu est souvent appliqué pour désigner ces deux types de broderie
Coiffette, kouefet : sous-coiffe faite de tulle, crochet ou gaze, fixée à la chevelure ; elle recouvre le chignon et permet d’y fixer la coiffe
Col, koled : pièce de forme rectangulaire faite de tulle brodé ou orné de dentelle qui couvre les épaules et le haut du dos du costume
Dentelle et broderie mécaniqu e : nom courant de la dentelle suisse
Devantier, bavouzer : partie supérieure du tablier, couvrant le buste appelée également bavette ou piécette
Entre-deux : bande de dentelle placée entre la partie en gaze ou tulle et la bordure en tulle de la coiffe ou du col
Jobeline, jobelin : coiffe qui s’est répandue depuis la ville d’Auray sur les communes alentours au cours du troisième tiers du 19e siècle ; elle est composée d’un bandeau, an daletenn , replié d’un tiers sur la partie avant, et d’un bavolet, an tal-kein , froncé par une tresse, ar stagell
Guides, voulouzennoù : bande de velours qui entoure l’extérieur de la cuve du chapeau, dont les deux pans pendent dans le dos de l’homme
Guimpe, gimp : pièce de dentelle fixée en haut de la robe qui sert de modestie pour cacher la base du cou.
Tablier, danter : partie extérieure du costume couvrant l’avant de la robe ; elle est composée d’une partie inférieure et d’une partie supérieure de forme triangulaire ; c’est souvent la pièce maîtresse du costume
Ressources
Ressources bibliographiques
• Bigot Maurice : Les coiffes bretonnes, éditions L. Aubert, Saint-Brieuc, 1947
• Buffet Henri-François : En Bretagne Morbihannaise, coutumes et traditions du Vannetais bretonnant au XIX e siècle, éditions Arthaud, Paris, 1947
• Cario Hélène, Hélias Viviane : Dentelle en Bretagne, Coop Breizh, Spézet, 2008
• Creston René-Yves : Le costume breton, éditions Coop Breizh, Spézet, 1993 (nouvelle édition)
• Creston René-Yves : Modes et costumes traditionnels de Bretagne, éditions Kendalc’h, Quimper, 1999
• Écomusée de Saint Dégan : Les Racines de l’avenir : Histoire et traditions rurales en Bretagne Morbihannaise, éditions de l’Écomusée, 1994
• Guesdon Yann, Le Stum Philippe (dir.) : Costumes de Bretagne, éditions Palantines, Quimper, 2009
• Guesdon Yann : Coiffes de Bretagne, éditions Coop Breizh, Spézet, 2014
• Lhuer Victor : Les costumes bretons, éditions Équinoxe, Barbentane, 2001
Ressources iconographiques, collectage
• Collection photos Kevrenn Alré
• Collection photos Amélie Jégou
• Collection photos Cathy Goubil
Collection costumes et crédits photos
• Gilles David
• Cathy Goubil
• Amélie Jégou
• Kevrenn Alre
Remerciements
Groupe de travail : Gilles David, Laurent Guéguen, Cathy Goubil, Kristelle Jaffré, Tugdual Jaffré, Amélie Jégou, Yann Le Grouyellec.