Introduction
« Au boulot ! », voilà ce qui m'a interpellé, lors de l'annonce de la thématique 2016 du concours de costumes « Des modes et nous ». En effet, depuis 7 ans maintenant que je collecte sur les communes de Brasparts et Saint-Rivoal, certains témoignages écrits, iconographiques ou pièces de vêtements collectés attisent ma curiosité.
Le vêtement de travail y est peu représenté, et les quelques exemples que l'on y trouve ne correspondent pas aux représentations que l'on peut en avoir, notamment dans le port du costume aujourd'hui (costume d'apparat, de scène...).
J'ai donc orienté mes recherches pour ce projet autour des sous-jupes et des sous-coiffes. Ces vêtements, destinés à priori à être portés en-dessous comme ils le laissent penser, sont parfois visibles dans les tenues de travail en milieu rural. Les témoignages que j'ai pu récolter montrent d'ailleurs que cette pratique a perduré jusque dans les années 1950 où les dernières modes traditionnelles sont encore portées au quotidien à Brasparts et Saint-Rivoal.
Ce concours est l'occasion pour moi de faire une recherche approfondie sur ce sujet. Pour ce faire, j'ai exploité différentes sources écrites : du Châtellier (1837), Bachelot de la Pylaie (1843), Jos Le Doaré (1951) ; iconographiques : cartes postales, photographies ; pièces de vêtements ; représentant des éléments du terroir que je souhaite valoriser. Afln d'étayer mes propos, j'ai élargi mes recherches au terroir Rouzig dans son ensemble, et à ses terroirs limitrophes, le pays Poher à l'est et le pays de Plougastel à rouest.
Suite à ces recherches, j'ai choisi de présenter deux modes de vêtements de travail féminins, portés à Brasparts et Saint-Rivoal dès 1900. La particularité de la première mode est la souscoiffe, visible, portée par une femme d'un certain âge. La seconde mode choisie présente une femme plus jeune portant une sous-jupe colorée en guise de vêtement de travail. Ces deux générations de femmes pouvaient se côtoyer dans la même maison.
Pour la réalisation de ces deux tenues, j'ai pris le parti d'utiliser des matériaux actuels qui se rapprochent le plus de ceux utilisés à l'époque. Afln d'arriver à un rendu proche du vêtement usagé, il aura subi toutes sortes de traitements de vieillissement, d'usure, de salissure.
Alors, au travail ! D'ar labour !
Le terroir
Le pays Rouzig se situe au nord de la Cornouaille. Il est situé à l'entrée de la presqu'île de Crozon et est traversé par l'Aulne maritime d'un côté et les monts d'Arrée de l'autre.
Les communes de Brasparts et Saint-Rivoal appartiennent au canton de Carhaix et à l'arrondissement de Châteaulin. Elles font partie actuellement de la communauté de communes du Yeun Elez composée de Loqueffret, Botmeur, Brasparts, Brennilis, La Feuillée, Lopérec, Plouyé et Saint-Rivoal et qui se situe dans le parc naturel régional d'Armorique, au centre du Finistère.
Le pays Rouzig (brun, terre d'ombre, rouè est nommé ainsi à cause de la couleur de l'étoffe utilisée au XIXe siècle pour confectionner les vêtements des hommes.
La mode présentée ici était portée sur la commune de Brasparts-Saint-Rivoal (qui ne formaient qu'une seule commune jusqu'en 1925) et les communes environnantes. La base est la même que dans tout le pays Rouzig en général (sauf pour quelques sous-terroirs qui sont limitrophes). La mode de Brasparts-Saint-Rivoal se différencie par la forme de la coiffe et de certaines pièces du costume.
Les modes choisies
Carte Postale Joncour de Brasparts - 1910 envimn
J'ai fait le choix de présenter deux femmes de deux générations différentes, dont la tenue n'est pas tout à fait identique. Que l'on soit femme propriétaire, domestique, fermière, journalière travaillant à la ferme ou laveuse au bourg, le port du vêtement était quasiment le même. Selon
l'usage et le travail à faire, on pouvait porter un tablier différent, mais il y a très peu de témoignages à ce sujet.
Entre deux générations même, les tenues étaient très similaires, si ce n'est que la femme plus âgée ne fera plus évoluer ses vêtements passé un certain âge, quand la jeune femme suivra la dernière mode en cours. D'après les pièces de vêtements de travail que j'ai pu collecter ces dernières années, à part la coupe des manches parfois ou les tlssus utilisés, les ensembles sont pratiquement les mêmes du début du XXeme jusqu'à la fin du port du costume traditionnel.
Dans une même région, et à la même époque, coexistent donc deux ou trois types de coiffes appartenant à des générations différentes. Il est possible de suivrc l'évolution de la coiffe d'après ces types existant dans une meme commune. »
Evolution du costume du pays de Châteaulin, Jos Le Doaré,
Hier et Aujourd'hui - Ed. Folklorique du cercle celtique de Châteaulin, 1951
Dans un collectage de Marie-France Rosmorduc, une personne lui rapporte que l'on portait les habits du dimanche usés pour tous les jours. C'est également ce que j'en déduis de mon expérience de collectage. Il me semble peu probable que l'on se faisait faire des vêtements neufs pour les jours ordinaires, encore moins pour travailler. Les habits portés au quotidien étaient pour la grande majorité défraichis, usés, décolorés. N'étant plus présentables le dimanche, ils étaient réparés, reprisés, renforcés puis portés pour le quotidien, en les faisant durer le plus longtemps possible.
Je vous présente ici deux femmes qui ont pu se côtoyer avant le début de la Première Guerre Mondiale. Ces deux modes étaient portées quotidiennement par les femmes paysannes pour les travaux de la ferme, ou par les journalières qui travaillaient dans les campagnes de 1900 à 1910 (toujours porté jusqu'en 1950 environ).
La femme plus âgée porte une mode de 1880. Elle a gardé une kemejetenn (corsage) sans velours. Elle ne porte pas de coiffe, juste un bonnet.
La jeune femme porte la mode de 1910 environ, avec une coiffe. Les manches de sa kemejetenn, sur lesquelles elle a gardé du velours, se sont raccourcies et légèrement élargies. Elle est en sousjupe et ne porte pas de jupe.
Description détaillée des habits de travail portés dans les années 1910 à Brasparts Saint-Rivoal
Le bonnet
En général, le bonnet est en coton piqué, avec une dentelle sur le bord à l'avant et deux lacets qui coulissent derrière. Deux autres lacets pouvaient parfois être ajoutés et noués sous le menton.
Sa fonction est de recouvrir les cheveux, coiffés en chignon ou avec la rujerez (tresse de laine), il est ainsi prêt à recevoir la coiffe si besoin.
D'après les photos et cartes postales, le port de ce bonnet se faisait toujours à l'occasion des jours ordinaires, des travaux ménagers ou de la ferme (lavoir, battage...), et éventuellement en cas de temps pluvieux.
Il faut noter que ce bonnet a été porté jusque dans les années 1950 par les femmes très âgées (dont j'ai pu recueillir les témoignages des enfants ainsi que des photos de famille). On peut d'ailleurs constater qu'il n'a pas beaucoup évolué.
D'après les informations dont je dispose, ce bonnet, un bonned bleo (bonnet de cheveux), est une sous-coiffe à l'origine. On retrouve cette particularité sur de nombreuses photos de la période allant de 1890 à 1910. Les cheveux étaient remontés par dessus le bonnet, à l'arrière, à l'aide de la rujerez pour former le troñs bleo (remonté de cheveux), laissant seulement apparaitre la dentelle plaquée au niveau de la racine des cheveux à l'avant, d'oreille à oreille. La coiffe était ensuite prête à être posée.
Il n'était pas systématique de poser le bonnet en sous-coiffe sur la période 1890-1910. Par la suite, il n'a plus été utilisé qu'en coiffe de tous les jours, uniquement pour cacher les cheveux. Il n'y en a plus aucune trace sous les coiffes.
(Coll. Ecomusée des Monts d'Arrée)
1861 - 1952, Bodena, Saint-Rivoal
Carte postale C. Homualk
La chemise de corps
La chemise la plus ancienne que j'ai retrouvé était en lin tfès épais et grossier, avec des manches longues. Elle descendait jusqu'aux genoux environ. Sur certaines photos, on devine le bas des manches de la chemise au même niveau que la manche noire de la kemejetenn.
Les godelloù (les poches)
Ce sont deux poches en tissu, fixées sur un lacet noué sur le devant. L'accès se faisait par les fentes de la sous-jupe puis de la jupe. Elles étaient généralement réalisées en tissu assez résistant.
Les bas
Il y a peu de témoignages à ce sujet, si ce n'est dans les écrits de Bachelot de la Pylaie (1844), mais il y décrit les bas dans une tenue de cérémonie.
D'après la majorité de mes sources écrites et iconographiques, il est tare de voif les jambes des paysannes, même si un témoignage de Jean Le Crann de Saint-Rivoal indique le contraire. Selon la saison, ils sont en laine tricotée plus ou moins épaisse, de couleur claire ou foncée (gris, bleu ou noir).
La kemejetenn (corsage)
Kemejetenn : mot breton écrit "Phonétiquement", vient certainement de "kamizetenn", camisole.
A la période traitée ici, la kemejetenn est faite de drap de laine très ras, sans velours sur les manches.
La coupe est celle que l'on retrouve dans tout le pays Rouzig : trois coutures (deux morceaux dans le dos et un sur le devant), avec les manches assez longues et étroites. Cousu au bas du dos, le boudin s'attachait avec trois lacets à la kemejetenn. Les extrémités du boudin sont garnies d'un lacet qui vient se nouer sur le devant.
Le croisé
Le croisé est une pièce de tissu que l'on vient épingler aux quatre coins sur le devant de la kemejetenn. La partie haute est toujours faite de velours noir, la partie basse de drap de laine noir. Sur toutes les photos de femmes au travail, le croisé est systématiquement en velours.
La sous-jupe
Sous leur jupe, les femmes de la campagne, et même du bourg, portaient au quotidien, mais aussi les dimanches et jours de cérémonies, une broz dindan (sous-jupe), comme me disent encore les anciennes que je rencontre et qui ont vu cela avec leur mère ou leurs grand-mères.
Il faut s'imaginer les chemins en terre et les places de bourg que fréquentaient les femmes au travail selon les saisons : avec la poussière, la boue et les kilomètres à pieds qu'elles faisaient, il est peu probable qu'elles portaient des jupons blancs au quotidien. Cette hypothèse correspond également aux descriptions que l'on trouve de la mode ancienne : plusieurs jupons, jupe du dessous, etc.
Tirée d'une carte postale
Expulsion des Sœurs
Photo collection privée
La jupe
Faite du même drap que la kemejetenn, elle est froncée de petits plis à la taille, plate sur le devant. Elle ferme à l'aide d'un lacet. Il y a très souvent deux fentes sur les côtés pour pouvoir accéder aux poches sous la jupe ou la sous-jupe.
On remarque sur les cartes postale ou photos que les jupes de tous les jours sont portées plus courtes, pour des raisons pratiques ou pour masquer l'usure de l'ourlet, qui était remonté au fur et à mesure de l'usage, à l'aide de plis religieuses sur l'envers.
Le tablier
Il était réalisé en grosse toile (inusable !) de berlinge (mélange de chanvre et laine*) froncé à la taille, avec une bavette qui n'était pas toujours fixée sur le croisé. Il est rare de trouver des poches sur les modèles en grosse toile type berlinge. Dans un texte de Charles Laurent, publié dans le Bulletin de la société archéologique du Finistère en 1972, il est dit que certains de ces fils étaient graissés au suif avant d'être tissés pour avoir une toile imperméable.
Les étoffes pouvaient varier : en toile de coton rayée, à carreaux, unie, petits motifs imprimés. Mais de manière générale, en matière solide et facile d'entretien.
* Berlinge : 11 [...] Mais on n'emploie, bien entendu, pour les robes ou culottes de noces, que la qualité la plus riche et la plus élégante qui s'en fabrique, et ce berlinge ne ressemble guère à la misérable étoffe de 15 sous l'aune que portent les charbonniers et les habitants pauvres des montagnes d'Arès ; celle-ci provient d'une laine grossière, ou des débris de vieux chiffons que recueillent dans toutes les villes de l'Armorique ces pauvres industriels qui, un sac sur le dos, s'en vont criant par les rues : tamm pillou ! La laine ne recouvrant pas entièrement la chaîne, il en résulte un bariolage qui donne au berlinge l'aspect de draps chinés ou marbrés, et, sous la navette d'un habile fabricant, produit parfois un effet très pittoresque. Dans beaucoup de fermes de la Cornouaille, on a l'habitude de faire quelques aunes de berlinge au bout des toiles de chanvre que les cultivateurs tissent eux-mêmes pour leur usage". (Breiz-lzel, ou vie des Bretons de l'Armorique, par M. Alexandre Bouët, tome troisième, Paris 1844, p. 112)
Saint-Rivoal (photo collection privée non datée)Les sabots
Il y avait beaucoup de sabotiers dans la forêt du Crannou, qui se situe entre Saint-Rivoal et Le Faou. Les sabots sont en bois de hêtre en général, fabriqués dans le secteur. Le dessous était garni de clous pour en éviter une usure trop rapide.
Il y aurait 3 façons de les chausser :
- on pouvait les chausser directement en bas de laine et l'on ajoutait un torchoùfoen, un boudin de foin enroulé qui était posé sur le dessus du pied pour caler le pied et éviter de cogner contre le bois ;
- certains modèles étaient garnis, déjà à cette époque, de cuir rembourré sur le dessus. Il était ajusté au pied de la personne par le sabotier ;
-avec un chausson fait en drap de laine épais (pas de témolgnage direct).
Deux femmes au mariage de leurs enfants - 1901
En habit du dimanche elles portent la mode de 1880 - 1890
La coiffe
En général faite de mousseline pour les jours ordinaires, on peut également la trouver en mousseline brodée au mètre ou en gaze. Elle est composée d'un fond rectangulaire garni d'un lacet plat, et d'une visagière pliée en deux, que l'on appelle aujourd'hui aile ou troñs. Les deux extrémitées sont repassées sur leur largeur, sur 4-5 cm. C'est une particularité du pays de Brasparts Saint-Rivoal et du pays Bidar.
Cette coiffe se pose sur une coiffure, montée sur un troñs bleo (remonté de cheveux). On pose un rujerez (tresse de laine) autour de la tête, les cheveux sont remontés en enroulant les pointes vers l'intérieur du trois bleo lissé et retenu à l'aide d'épingles et par le reste du rujerez.
La coiffe est ensuite fixée sur le rujerez à l'aide d'épingles, devant puis à l'arrière. Les lacets remontent sur les cotés et viennent se croiser sur le devant, avant de revenir vers l'arrière et former un noeud plat. Souvent les lacets dépassent largement de la coiffe quand on regarde de
face. Les troñs sont remontés et épinglés sur le dessus de la coiffe pour former deux anses bien arrondies.
La chemise de corps
La chemise la plus ancienne que j'ai retrouvé était en lin très épais et grossier, avec des manches longues. Elle descendait jusqu'aux genoux environ.
Sur certaines photos, on devine le bas des manches de la chemise au même niveau que la manche noire de la kemejetenn. Il y avait également des chemises à manches courtes.
Les godelloù (les poches)
Ce sont deux poches en tissu, fixées sur un lacet noué sur le devant. L'accès se faisait par les fentes de la sous-jupe puis de la jupe. Elles étaient généralement réalisées en tissu assez résistant.
Les bas
Selon la saison, ils sont en laine tricotée plus ou moins épaisse, de couleur claire ou foncée (gris, bleu ou noir).
On voit rarement les jambes des paysannes, puisqu'il est impensable de les montrer à l'époque.
Il y a peu de témoignages à ce sujet sauf dans les écrits de Bachelot de la Pylaie en 1844, mais il y décrit le costume de cérémonie.
La kemejetenn
A la période que l'on traite ici, la kemejetenn est faite de drap de laine très ras, voir en toile de coton. Les manches commencent à se raccourcir et à s'élargir légèrement. Il est très fréquent de voir sur les différentes iconographies des kemejetenn de tous les jours avec du velours, au lavoir, lors de la tuerie du cochon, etc.
La coupe est celle que l'on retrouve dans tout le pays Rouzig : trois coutures (deux morceaux dans le dos et un sur le devant), avec les manches assez longues et étroites. Cousu au bas du dos, le boudin s'attachait avec trois lacets à la kemejetenn. Ses extrémités sont garnies d'un lacet qui vient se nouer
Le tablier
Il est froncé à la taille, avec des poches et une bavette assez large en général. Celle-ci peut être laissée en pendant, et n'est pas forcément fixée.
Le modèle de poche présenté ici est celui que l'on voit le plus souvent sur les iconographies.
Les étoffes pouvaient varier : toile de coton rayée, à carreaux, unie, petits motifs imprimés. Mais en général en matière solide et facile d'entretien.
Le tablier a pour but premier de protéger, de cacher les fentes et les fermetures de la jupe ! Mais il servait également à beaucoup de choses :
contenant pour ramasser du bois, des cailloux, des grains, faire des semis, s'essuyer les malns, pour attraper quelque chose de chaud.
BRASPARTS - An Eured Ven (mariage de Pierres) Extrait d'une carte postale (environ 1910)
Les sabots
Il y avait beaucoup de sabotiers dans la forêt du Crannou, qui se situe entre Saint-Rivoal et Le Faou. Les sabots sont en bois de hêtre en général, fabriqués dans le secteur. Le dessous était garni de clous pour en éviter une usure trop rapide,
Il y aurait trois façons de les chausser :
- on pouvait les chausser directement en bas de laine et l'on ajoutait un torchoùfoen, un boudin de foin enroulé qui était posé sur le dessus du pied pour caler le pied et éviter de cogner contre le bois
- certains modèles étaient garnis, déjà à cette époque, de cuir rembourré sur le dessus. Il était ajusté au pied de la personne par le sabotier
- avec un chausson fait en drap de laine épais (pas de témoignages directs).
Madame Feunteuna et ses enfants - 1914
En habit de dimanche, elle porte la mode de 1910.
La reconstitution : choix et contraintes
J'ai choisi de présenter deux modes, et de travailler sur l'usure du tissu pour présenter « des vêtements d'usage » ou du moins qui en ont l'air !
J'ai fait le choix d'utiliser uniquement des tissus neufs/modernes, sauf pour la coiffe et le bonnet, mais les plus semblables aux étoffes anciennes pour la reconstitution de chaque pièce de vêtement présentée. Il a fallu que je travaille l'usure, la salissure et le raccommodage sur des tissus neufs, qui n'ont plus du tout la même composition ou le même aspect que les tissus anciens. Cétait pouf moi un défi, comme ceux auxquels sont confrontés tous ceux qui veulent reproduire des costumes anciens de nos jours.
Pour avoir l'aspect de vêtement « usagé », j'ai beaucoup étudié les photos, cartes postales, et les pièces que j'ai collecté dans le terroir, dont une tenue de travail des années 20, complète et très très usagée.
Il faut bien s'imaginer les scènes, les mouvements et les conditions de travail vécus par la femme qui travaillait à la ferme dans la période de 1900 à 1914.
Le choix des tissus
Comme je l'ai dit précédemment, j'ai fait le choix d'utiliser des tissus modernes, c'est-à-dire des tissus que l'on trouve actuellement mais qui se rapprochent le plus des tissus utilisés autrefois.
Il n'y a que le coton piqué, les lacets de coiffe, de bonnet et le tissu de la coiffe que j'ai trouvé en mercerie ancienne ainsi que le tissu des chemises qui vient d'un stock personnel.
Les chemises sont donc faites en toile de métis (mélange de lin et de coton). J'ai fait le choix de ce tissu car il était plus agréable pour les modèles de porter ce tissu par rapport à de la grosse toile de lin ou de chanvre avec lesquelles étaient confectionnées les chemises de femmes et d'hommes à l'époque.
Les sous-jupes sont réalisées en drap de laine fin et souple de type flanelle. Je me suis basé sur le témoignage de madame Suzanne Le Gall qui a vu cette sous-jupe portée par sa grand mère, en lui présentant plusieurs échantillons de différente matières et couleurs, ainsi que sur les différentes descriptions anciennes de costumes qui parlent de couleurs rouge, bleu.
Les bas sont en laine fine spéciale pour chaussettes, tricotée à 4 aiguilles. Le choix de la couleur s'est fait par rapport aux descriptions dans les textes anciens ou aux témoignages de personnes rencontrées.
Les sabots sont en bois de hêtre. La semelle est aujourd'hui garnie de caoutchouc. Ils ont été fabriqués à Riec sur Belon, car il n'y a plus de sabotier plus proche.
La jupe, les kemejetenn et les croisés sont en drap de laine noir fln et ras se rapprochant de celui utilisé sur un modèle que j'ai pu collecter à Saint-Rivoal (en 2014). Le velours est de coton noir, il est plus épais et plus souple que le velours utilisé autrefois. Dans les années 1900, le velours était commercialisé en bande de différentes hauteurs.
Pour le tablier de la jeune fille, j'ai fait le choix d'un coton rayé, assez épais, qui semble se rapprocher de ce que l'on voit sur les photos ou cartes postales.
Celui de la femme âgée est un tissu d'ameublement plutôt épais avec une composition de coton mais aussi du Il a un tombé intéressant qui ressemble au tablier type pilpous (toile de berlinge). La couleur claire (beige) avec des fils rouge dans le tissage me plaisait, caf il correspond au style recherché pour reproduire ce tablier.
Le travail d'usure et de salissure du vêtement
L'usure des différentes pièces d'habit de travail que j'ai pu récolter m'ont beaucoup inspiré, des pièces très usées mais bien conservées !
L'usure des lacets du bonnet est faite par frottement sur une pierre ponce et piqué à de nombreuses reprises à l'endroit du laçage quotidien.
Les kemejetenn sont d'abord usées de frottement au niveau des coudes pour les manches, sur le bord des manches (usé voir limé), à l'encolure, et aux endroits de flxation des épingles du croisé et du frottement de la jupe à la taille. Pour avoir un résultat proche des modèles anciens, j'ai utilisé un rasoir coupe-choux, une brosse métallique fine, des ciseaux, une pierre volcanique. Les croisé sont usés presque partout sur les cotés, le velours est rasé sur le centre et les cotés et aux endroits de flxation des épingles et de la bavette du tablier. Pour ce faire j'ai utilisé une grosse aiguille, le rasoir et la brosse métallique également.
La jupe est usée au niveau d'un premier ourlet à l'intérieur, à l'emplacement de l'ancien ourlet (quand elle était encore une jupe de dimanche). La jupe étant raccourcie, se créée l'usure de
l'ourlet actuellement porté. J'ai donc fait des petits accros aux ciseaux et ensuite rasé (jusqu'à voir la toile du drap de laine) sur tout le bord de l'ourlet.
Les sous-jupes ont subi le même procédé que la jupe, mais en moins accentué.
Le tablier de la jeune femme a été usé au papier à poncer sur les endroits de frottement des malns sur les poches, et à la brosse métallique sur le bas et les genoux.
Pour le tablier de la fernrne plus âgée, j'ai utilisé le rasoir sur les genoux et les fronces de la ceinture. J'ai moins accentué l'usure, car il a déjà un aspect usé.
Les bas sont usés sur les talons avec du papier à poncer.
Sur les différentes pièces reconstituées, on pourra retrouver des reprises dues à l'usure, des accros ou encore des empiècements de raccommodage.
Concernant les salissures, je n'ai pas forcément voulu faire un vêtement trop sale (sali grossièrement par la terre ou taché de boue) mais plutôt usagé par le port quotidien.
Pour le bonnet, je l'ai passé au thé léger, j'ai sali les lacets et les bords avec les mains sales de terre et du savon de Marseille. J'ai utilisé le même procédé pour le bord des manches de la chemise. Le bord du croisé, au niveau du cou, aura été frotté au savon sec ou à la paraffine. Sur le velours cela a été plus léger, à la poussière de terre.
L'encolure et les manches de la kemejetenn auront été passées au savon sec ou à la paraffine dans l'intérieur du bas de manche, sur la doublure de coton noir, ainsi que sur l'extérieur des coudes. Le bas et l'intérieur de la jupe et des sous-jupes ont été frottés avec de la terre, de l'eau, du savon et lustrés avec un fer à repasser très chaud. Il y a également quelques éclaboussures de boue.
En ce qui concerne les tabliers, celui de la jeune femme a été trempé dans un mélange d'eau et de lessive liquide, avec un peu de terre pour avoir un aspect sale, et très souple (sur les bords et à l'endroit de frottement des mains sur les poches), puis passage au savon sec pouf avoir un aspect lustré par la crasse, quelques taches faites avec de la peinture textile. Celui de la femme plus âgée a été lustré au fer à repasser et au savon sec sur quasiment toute la surface. A l'endroit du frottement des mains et des genoux, il a été foncé avec de la terre.
Les bas sont lustrés au savon au niveau des talons et des mollets, avec quelques éclaboussures de boue également.
Les sabots sont frottés avec de la terre et de l'eau.
Les deux kemejetenn ainsi que les croisés, la jupe noire et une des sous jupes sont restés exposé aux intempéries de la pluie, du Soleil et de la Lune pendant environ 3 mois et demi, pour essayer d'avoir un résultat déteint, défraîchi, sur le drap de laine.
Bibliographie et sources
- Armand-René du CHÂTELLIER, Recherches statistiques sur le département du Finistère : troisième et dernière livraison : commerce et industrie, Imp. Mellinet, Nantes, 1837
- Jean-Marie BACHELOT de la PYLAIE, Études archéologiques etgéographiques, mêlées d'observations et de notices diverses, Bruxelles, Deprez-Parent, 1848
- Michel PENVEN & Glaoda MILLOUR, François Joncour, son Parcours en centre Finistère, Association "Sur les traces de François Joncour", Mairie de Brasparts, 1997
- Gwenc'hlan LE SCOUEZEC, Brasparts une Paroisse des monts d'Amée, Le Seuil, 1979
- Jean LE CRANN, Une société rurale dans la montagne de l'Arrée : Saint-Rivoal au début du xx siècle,
- CRBC, 1970
- Jos LE DOARE, Evolution du costume aupays de Châteaulin, Edition folklorique du cercle celtique de Chateaulin, 1951
- Charles LAURENT, L'évolution du costume en Comouaille léonaise, Bulletin Société archéologique du Finistère, 1972
- Association "Sur les traces de François Joncour"
- Ecomusée des monts d'Arrée (Commanna / Saint-Rivoal)
- Musée de la fraise (Plougastel-Daoulas)
- Cathy GOUBIL (Poullaouen)
- Marie-France ROSMORDUC (Cercle celtique de Châteaulin)
- Ghislaine FUR (Cercle celtique de Châteaulin)
- Patrice CIREFICE (Brasparts) Jeanne MAO (Saint-Rivoal)
- Anna CHAPERON (Brasparts)
- Suzanne LE GALL (Pleyben, native de Brasparts)
Remerciements
Je tenais à remercier ici les personnes qui m'ont aidé à la réalisation de ce projet :
- Marie-Thérèse LE GUERN du Moenneg à Brasparts, ma grand-mère, ma petite main
- Madame SAOUT de Landivisiau pour la confection d'une chemise
- Madame GAC de Landivisiau pour la confection de la deuxième chemise
- Aimée GUILESER de Saint-Martin des Champs pour les bas
- Klervi LINTANF pour la relecture
- Chloé BOUCHER
Et les nombreux informateurs de Brasparts Saint-Rivoal que j'ai pu rencontrer depuis que j'ai commencé le collectage et qui ont su me transmettre une partie de leurs connaissances...