Fiche terroir
Pays de Retz
Nantais
Rédacteur
Fiche rédigée en 2020 par Guillaume Blin
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Le terroir
Rive sud de l’estuaire de la Loire, Océan Atlantique, partie vendéenne du Marais Breton et bocage vendéen : telles sont les frontières naturelles du pays de Retz (prononcer « ré ») au nord, ouest et sud. l’est, c’est le Vignoble nantais qui marque la limite. Mais tout ceci est à nuancer si on se place sur un plan culturel. La chose peut être la plus marquante une fois passée la Loire, c’est probablement l’architecture. Ici, l’habitat rural n’a pas de toits d’ardoises pentus, caractéristiques réservées aux maisons de bourg. Les maisons couvertes de tuiles dites « tige de botte » agrémentées d’une génoise sont les éléments les plus représentatifs. Les étages sont plutôt réservés aux greniers par lesquels on accède à l’aide d’un escalier extérieur en pierre.
Communes du pays de Retz
Bernerie-en-Retz (La)
Bouaye
Bouguenais
Bouin (85)
Brains
Chaumes-en-Retz (alliance d’Arthon-en- Retz et Chéméré)
Chauvé
Cheix-en-Retz
Chevrolière (La)
Corcoué-sur-Logne
Corsept
Frossay
Legé
Limouzinière (La)
Machecoul-Saint-Même (alliance de Machecoul et Saint-Même-le-Tenu)
Marne (La)
Montagne (La)
Moutiers-en-Retz (Les)
Paimboeuf
Paulx
Pellerin (Le)
Plaine-sur-Mer (La)
Pont-Saint-Martin
Pornic
Port-Saint-Père
Préfailles
Rezé
Rouans
Saint-Aignan-Grandlieu
Saint-Brévin-les-Pins
Saint-Colomban
Sainte-Pazanne
Saint-Etienne-de-Mer-Morte
Saint-Hilaire-de-
Chaléons
Saint-Jean-de-Boiseau
Saint-Léger-les-Vignes
Saint-Lumine-de-Coutais
Saint-Mars-de-Coutais
Saint-Michel-Chef-Chef
Saint-Père-en-Retz
Saint-Philbert-de-Grand-Lieu
Saint-Viaud
Touvois
Villeneuve-en-Retz (alliance de Bourgneuf-en- Retz, Saint-Cyr-en-Retz et Fresnay-en-Retz)
Vue
Pour comprendre la singularité du pays de Retz dans l’ensemble de la Bretagne, c’est sous un angle historique qu’il faut appréhender la chose. Peuplé depuis la Préhistoire,
bon nombre de mégalithes l’attestent tant sur la côte que les rives du lac de Grand-Lieu, c’est probablement un des plus anciens « pays » de ce qui est aujourd’hui appelé « pays nantais ». En effet, même si la zone qui le défini a légèrement fluctué, le pays de Retz est reconnu depuis l’Antiquité, puisque Jules César voyait en Rezé (Ratiatum) le port le plus septentrional du territoire des Pictons, capable de concurrencer Nantes (Rezé étant un port plus important jusqu’au IVe siècle). Si aujourd’hui, Rezé s’est incliné devant la capitale historique de la Bretagne, le pays de Retz en a cependant conservé la trace dans son étymologie : « pagus ratiatensis » qui peut-être traduit par « pays de Rezé ».
Photo Guillaume Blin
Photo Pierre Fréor, fonds Sant Yann
Rattaché à la Bretagne lors du Traité d’Angers en 851, la plus grande partie du pays de Retz devint alors baronnie. Au XIIIe siècle, plusieurs alliances permirent au territoire de s’étendre. La guerre de succession de Bretagne n’épargna pas la région, et les seigneurs les plus influents prirent parti pour Charles de Blois.
Pays maritime, le pays de Retz connut des échanges commerciaux au Moyen Âge, grâce notamment à son importante production de sel (plus importante que celle de Guérande !), exportée jusqu’en Hollande. Le XVe siècle fut marqué par un tristement célèbre personnage : Gilles de Rais. Baron de Retz et compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, son train de vie le mena à se mettre en quête de la pierre philosophale. Bien que sa culpabilité fut mise en doute pendant les siècles qui suivirent, il avoua en 1440 au cours de son procès les meurtres d’enfants lors de messes noires.
Les événements post-révolutionnaires appelés « Guerres de Vendée » laisseront dans le pays de Retz de profondes cicatrices encore bien visibles aujourd’hui. ne pas confondre avec l’actuel département administratif, la Vendée Militaire qui s’étalait sur les trois provinces de l’Anjou, du Poitou et de Bretagne (est du pays de Retz et Vignoble), a vu ses habitants décimés par les Colonnes Infernales en 1793. Ainsi, les« Paydrets » furent alliés aux « Maraîchins » pour former les « Moutons noirs » commandés par François Athanase Charrette de la Contrie, chef des « Vendéens » de ce territoire.
Le XIXe siècle sera marqué par l’industrialisation de la basse-Loire, ainsi que par le développement du tourisme avec la mode des bains de mer sur la côte qui prendra le nom de « Côte de Jade ». Il ne s’agit bien-sur là que de quelques repères historiques marquants, il eut été trop difficile de condenser ici la longue histoire de ce terroir.
Les danses
Hors quelques écrits, le répertoire dansé pratiqué en pays
de Retz a été principalement transmis oralement. Aucune
source ancienne telle que des films de danseurs en
condition. L’absence de témoins directs laisse beaucoup
d’interrogations en suspens aujourd’hui. Cependant, une
grande partie de ce répertoire correspond à des logiques
dont les grands courants chorégraphiques permettent de
faire des liens et de mieux comprendre sa provenance. En
associant ces connaissances à celle des pratiques voisines
qui ont été au contact de la population paydrette de par
les échanges commerciaux, ou encore l’aire de jeu des
musiciens, il nous est possible aujourd’hui de proposer
un répertoire cohérent, et d’en expliquer la constitution.
Ainsi, parmi les danses relevées à ce jour, nous pouvons
déceler des survivances de pas correspondant aux grandes
époques de référence, telle que la Renaissance. La danse
nommée « Bretonne » à Pornic reprend dans sa partie en
ronde les appuis du branle double décrit par Thoinot Arbeau
dans son Orchésographie en 1589.
D’autres types de branles sont encore couramment pratiqués
de nos jours, dans un contexte naturel tel que celui
des noces. La quasi totalité des orchestres de bal de noces
sont capables d’interpréter une « maraîchine » lorsqu’elle
leur est demandée. Cette appellation n’est par ailleurs pas
la plus appropriée, puisque sa présence résulte de deux
phénomènes distincts dans le temps : l’implantation « naturelle
» de cette danse dans le sud du pays de Retz où elle
était plutôt appelée « branle » ou « courante », mais également
son extension vers les communes plus au nord à la fin
du XIXe et début XXe siècle au contact des populations du
Marais Breton vendéen lors des foires ou des embauches
de personnel agricole. Le qualificatif « vendéen » spécifie
la partie du Marais Breton dont il est question... la partie
« bretonne » du Marais Breton est située en pays de Retz
sur les communes des Moutiers-en-Retz, Bourgneuf-en-
Retz, Saint-Cyr-en-Retz, Fresnay-en-Retz et Machecoul, la
culture est très proche d’un côté ou de l’autre de la limite
que nous fixons pour définir ce territoire.
Le « menuet Kong’ho » collecté à Saint-Jean-de-Boiseau introduit
le thème des contredanses (danse décrite à Boston en
1802 par Saltator : « Congo Minuet » qui précise que cette
danse a été introduite par les colons français au XVIIe siècle).
Phénomène commun à toute la Haute-Bretagne, les quadrilles,
assemblages de contredanses, sont présents en
pays de Retz, deux nous sont parvenus complets et un
avant-quatre seul (en l’absence des autres figures, mais
il n’était traditionnellement pas pratiqué isolé). D’autres
airs ont pu être collectés autant écrits que sonores, mais
sans précisions quant aux figures malheureusement...
Enfin, la vague des danses de couple du milieu du XIXe
siècle diffusa bon nombre de variantes de scottish (hirondelle,
pique dans la raize), polka (manège, angoise), mazurka
jusqu’à l’entre-deux guerres.
L'accompagnement musical
L’instrument probablement le plus emblématique de la
région est la veuze, que le pays de Retz partage avec le
reste de la grande zone sous influence « nantaise ». Archétype
des cornemuses médiévales présentes dans bon
nombre de fresques, peintures et bas-reliefs en Europe,
l’instrument n’a que peu évolué jusqu’à son déclin au
début du XXe siècle en pays de Retz.
Bien qu’ayant disparu plus tôt que chez ses voisins guérandais
et maraîchins, plusieurs témoignages nous sont
parvenus pour attester de la présence de cette cornemuse
en pays de Retz. Le cérémonial du Cheval Mallet à
Saint-Lumine-de-Coutais, par exemple, en usage jusqu’à
la Révolution, fait la part belle aux sonneurs de musettes.
Instrument festif, il n’en fut pas moins à la tête des insurgés
lors des Guerres de Vendée. Lucas de la Championnière
nous rapporte que le 10 juin 1793 au combat
de Machecoul : « l’on partit de Legé au son des Vezes et
des chansons et qu’ainsi tout le monde allât gaiement
jusqu’au Grenil petit endroit distant d’un tiers de lieue de
Machecoul ».
La veuze pouvait être accompagnée du violon, telle que
nous le suggère la description du baptême du prince de
Rome à Sainte-Pazanne en 1802. Bien adapté au répertoire
ancien, la veuze ne survécut pas à la modernisation
de celui-ci, contrairement au violon qui, avec ses capacités
musicales plus étendues et son faible coût était l’instrument
idéal.
Le violon étant un instrument peu puissant pour animer
une assemblée, il était fréquent, pour les noces d’un rang
relativement élevé, de l’associer à d’autres instruments
plus sonores. Ainsi, les joueurs de violon s’accompagnaient-
ils de musiciens issus d’harmonies locales. Le duo
le plus courant en Pays de Retz est incontestablement le
couple violon-cornet à piston, plus couramment nommé
« piston ».
Mais quelques exemples présentent d’autres instruments d’harmonie prenant part aux réjouissances, tels la clarinette ou encore le tuba. Ces associations n’ont rien d’étonnant, car la plupart des partitions éditées pour le répertoire en vogue à la fin du XIXe siècle, présentent des orchestrations pour violon, piston et clarinette, telles les partitions éditées et diffusées dans toute la France par le célèbre Elie Dupeyrat, publiées à Ribérac en Dordogne. Il n’est d’ailleurs pas rare de croiser des musiques similaires aux quatre coins de la France ! Ces instruments sonores apportaient plus de brillance et de panache aux réjouissances... à tel point que les noces endeuillées se contentaient d’un violon seul pour le cortège. L’accordéon quant à lui, s’est implanté en Pays de Retz assez tardivement. Quelques documents le présentent lors de noces dans les années 1910 environ. Mais l’instrument s’est popularisé après la deuxième Guerre mondiale. Les différents documents retrouvés à ce jour attestent de l’utilisation de la version « diatonique » de l’instrument avant la deuxième Guerre Mondiale, et plutôt « chromatique » après guerre.
Couple violon-piston lors d’une noce à Bouguenais aux alentours de 1900. Collection Emile Pineau, fonds Sant Yann
Modes vestimentaires
Caraco à manches froncées ou non selon les époques, jupes à plis dits « bonne-femme » avec ou sans « godis », fichu de velours, de soie brochée, d’étamine de laine brodée, de tulle brodé, tablier à grande bavette dit « devantière »... Toutes les caractéristiques relevées dans les habitudes vestimentaires des femmes du pays de Retz dans un contexte de cérémonie ne diffèrent pas de celles du reste du comté nantais au milieu et à la fin du XIXe siècle, habitudes elles-mêmes héritées des modes dites civiles. Les habitudes vestimentaires sont bel et bien une affaire de grand courant de modes et d’appropriation de celles-ci par la population locale.
Bien entendu, rien n’étant figé, de multiples variantes sont à relever telles le camail porté par certaines femmes des communes côtières à la place du fichu, ou encore l’absence de bavette sur certaines devantières. Plusieurs fois mentionnées dans des écrits, il semble que l’ampleur des coiffes du XIXe siècle ait frappé les visiteurs, à tel point qu’à Pornic, la coiffe, pourtant sur un modèle comparable à d’autres terroirs du comté, en devint presque emblématique. Les plus spectaculaires coiffes anciennes étaient les modèles à battants portés lors des grandes cérémonies et les mariages.
Reconstitution par Sant-Yann en 2018 d’un costume de mariée de Saint-Jean-de-Boiseau époque Napoléon III, avec coiffe à quatre battants. Cliché et collection Isabelle Lévy, fonds Sant-Yann
Un bon moyen d'attirer l'attention de vos lecteurs est de raconter une histoire. Tout ce que vous souhaitez écrire peut être narré comme une histoire.
Aux alentours de 1870, les coiffes prennent des proportions
plus réduites. Le fond initialement plissé en coeur
devient paillé et la passe moins large. Puis, l’évolution
fit que le fond devint lui aussi plus réduit ; la coiffe se
positionna davantage en arrière de la tête et pour mieux
laisser apparaître les cheveux, permettant un plus large
choix de coiffures selon les modes de l’époque. Cette
forme de coiffe correspond à la dernière évolution de la
« dormeuse », et présente les caractéristiques permettant
une localisation géographique. En cela, les coiffes
du pays de Retz sont des coiffes de taille relativement
réduite, à dalais et à pignon droit pour la partie ouest du
lac de Grand-Lieu. La partie est du lac amorce la mode
des coiffes nantaises et du Vignoble avec des fonds plus
allongés nécessitant le resserrage du dalais (qui pourra
être gaufré) sous le pignon.
Le reste du costume féminin ayant été abandonné entre
les deux-guerres, la coiffe fut le dernier vestige des habitudes
vestimentaires locales à être porté. La dernière
personne connue à ce jour ayant porté la coiffe en pays
de Retz, est Pauline Boucard, de Saint-Brévin, décédée à
97 ans en 1983.
- Portrait de Virginie Guépéroux de Rouans, aux alentours de 1870. Collection Mme Bras, fonds Sant Yann
- Femme de Saint-Lumine- de-Coutais à la fin du XIXe siècle. Collection Jean Monnier, fonds Sant Yann
Côté hommes, il faut remonter le temps pour y déceler un caractère ancien. Commandés par Charette, les insurgés du pays de Retz à la fin du XVIIIe siècle, alliés aux Maraîchins, étaient nommés les « moutons noirs » en référence aux gilets faits de peaux de moutons dont la race locale était noire. Stany Gauthier (conservateur du Château des Ducs de Bretagne à Nantes) signale que vers 1875 : « Le pantalon large se limitait à la cheville. [...] Le gilet de préférence en flanelle blanche se boutonnait sur le côté, il comportait deux rangées de cinq boutons et il était enveloppé dans sa partie basse par une ceinture de couleur faisant le tour de la taille. Quant au chapeau il consistait en un feutre à larges ailes mais à calotte ovale assez basse, agrémentée parfois d’une chenille. »
Pierre Chauvet de Rouans vers 1870. Collection Pierre Bernier, fonds Sant-Yann
Bibliographie
• Belser Christophe, Petite histoire du Pays de Retz, Geste éditions, 2000.
• Boutin Emile, Pays de Retz, Noirmoutier, Île d’Yeu, Editions France-Empire, 1986.
• Championnière (de La) Lucas, Mémoires sur la Guerre de Vendée (1793-1796), Plon-Nourrit et Cie, 1904.
• Collectif, Quelques éléments sur la tradition populaire de la veuze dans le pays nantais, Sonneurs de Veuze, 1979.
• Guitteny Eloi, Le vieux langage du Pays de Retz, Editions Plaisance, 1970.
• Landreau Jacqueline et Masson Paul, La dormeuse ou l’art de la coiffe nantaise, Editions du Pays de Retz, 1979.
• Le Floc’h Joseph, En Bretagne et Poitou, chants populaires du comté nantais et du Bas-Poitou recueillis entre 1856 et 1861 par Armand Guéraud, édition critique, FAMDT éditions, 1995.
• Perraudeau Gilles, Contes du Pays de Retz, Geste éditions, 2007
Témoignages et collecteurs
• Emile Boutin : historien, cofondateur de la Société
des historiens du Pays de Retz
• Pierre-Suzanne Lucas de la Championnière :
commandant de la division du Pays de Retz dans
l’armée de François-Athanase Charrette de la
Contrie durant les Guerres de Vendée, il écrivit ses
mémoires, publiées par son petit-fils en 1904
• Jeanne de Couffon de Kerdellec’h : collectrice
puis auteur du recueil publié en 1927, 30 vieilles
chansons du Pays de Retz.
• Pierre Fréor : photographe, cofondateur du Musée
du Pays de Retz et de la Société des historiens du
Pays de Retz.
• Armand Guéraud : imprimeur/collecteur/
rassembleur de chansons en vue de l’édition d’un
recueil sur le Comté nantais et le Bas-Poitou
• Eloi Guitteny : collecteur/historien/écrivain, auteur
d’ouvrages sur la culture populaire, notamment le
parler du Pays de Retz
• Jacqueline Landreau : collectrice/co-écrivaine de
l’ouvrage La Dormeuse ou l’art de la coiffe nantaise
• Paul Masson : collecteur/transmetteur des
techniques liées au repassage des coiffes de la
région nantaise
• Jean Mounès, historien du Pays de Retz fondateur
du musée de Bourgneuf-en-Retz d’où émane la
Société des Historiens du Pays de Retz
• Bernard de Parades : collecteur
• Gilles Perraudeau : collecteur/conteur
• Dominique Pierrelée : historien, cofondateur de la
Société des historiens du Pays de Retz
• M. Poiraud : violoneux au milieu du XIXe siècle dont
une partie de son répertoire a été retranscrit
• Abel Soreau : entre autres, collecteur de chansons
publiées dans les 5 fascicules « Vieilles chansons du
Pays Nantais » (1901-1905)
• Armel de Wismes : historien et écrivain
Femme de Saint-Philbert-de- Grand-Lieu portant une grande câline de deuil vers 1870. Collection Jacques Douaud, fonds Sant-Yann