Fiche terroir

Pays de Fougères

Rennais

Rédacteurs

Fiche rédigée en 2021 par Pierrick Cordonnier, Michel Guillerme et Hervé Lambrecht, avec l’aide de Cédric Leblanc. Travail coordonné et relu par Régine Barbot

Pages associées

 
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Communes du Vendelais

Princé
Châtillon-en-Vendelais
Saint-Christophe-des-Bois
Mecé
Montreuil-des-Landes
Dompierre-du-Chemin
Parcé
Combourtillé
Saint-Georges-de-Chesné
Billé
Vendel
La Chapelle-Saint-Aubert

Communes du pays de Fougères

Luitré
La Selle-en-Luitré
Javené
Beaucé
La Chapelle-Janson
Fleurigné
Laignelet
Fougères
Lecousse
Romagné
Saint-Sauveur-des-Landes

Communes du pays de Saint Aubin-du-Cormier

Dourdain
Livré-sur-Changeon
Saint-Aubin-du-Cormier
Saint-Jean-sur-Couesnon
Mézière-sur-Couesnon
Saint-Ouen-des-Alleux

Communes
du Désert

Le Loroux
Landéan
Parigné
La Bazouges-du-Désert
Louvigné-du-Désert
Villamée
Mellé
Monthault
Saint-Georges-de Reintembault
Le Ferré
Poilley

Communes
du Coglais

Saint-Germain-en-Coglès
Le Châtelier
Montours
Saint-Hilaire-des-
Landes
Coglès
La Selle-en-Coglès
Saint-Christophe-de-Valains
Saint-Brice-en-Coglès
Saint-Etienne-en-Coglès
Saint-Marc-le-Blanc
Baillé
Le Tiercent

Communes du pays d’Antrain et de Bazouges-la-Pérouse

Chauvigné
Romazy
Tremblay
Saint-Ouen-la-Rouërie
Antrain
Bazouges-la-Pérouse
Noyal-sous-Bazouges
La Fontenelle
Rimou
Marcillé-Raoul
Saint-Rémy-du-Plain

Le terroir

Le pays de Fougères, bordé au nord-ouest par la forêt de Villecartier, couvre deux entités topologiques assez distinctes. La première entité est constituée par la ville de Fougères elle-même et ses proches alentours dont sa propre forêt, le Vendelais et Saint-Aubin-du-Cormier au sud. Là s’engageaient à la fois un commerce de proximité (une version ancienne des circuits courts) et du négoce avec des marchés et des foires réguliers. Ces espaces bénéficiaient de la bonne qualité des liaisons avec les grands pays alentours, rennais, vitréen et du Maine mayennais proche. Enfin, l’autre entité rassemblant le Désert au nord-est, le Coglais à l’ouest et le pays d’Antrain-Bazouges au nord-ouest s’oriente davantage - mais pas que - vers l’élevage et l’extraction du granit sur les zones aux terres souvent plus ingrates ou marécageuses près des rives du Couesnon ou de celles de la rivière du Laire, affluent du fleuve Sélune qui se jette dans la baie du Mont. On y trouve aussi de nombreuses minoteries pour la plupart abandonnées qui font encore le charme des randonnées aujourd’hui, des moulins à tan utiles pour la tannerie, les moulins à foulons pour extraire les fibres textiles du lin et du chanvre et les moulins à papier tant le quadrillage des cours d’eau est dense ici. Ces deux entités ont aussi gardé une grande partie de leurs affinités relationnelles avec les pays voisins. La population du Vendelais préfère encore se tourner vers le pays de Vitré pour les commodités du commerce ou des services. Est-ce par ressemblance ou aspiration mimétique vis-à-vis des grandes fermes et des terres plus riches aux abords de Vitré ? Nul ne le sait mais ce sont sans doute les mêmes affinités de développement qui « coupent » des communes très étendues comme Bazouges-la-Pérouse en deux attirances distinctes ; les habitants du nord de la commune, vers le pays de Dol et, les autres, vers le pays d’Antrain et Fougères. Ces deux entités forment un territoire où Fougères puisa la main d’oeuvre habituée aux tâches rudes des campagnes pour alimenter les industries de la chaussure, de la verrerie à la fin du XIXe siècle ; ce qui donna un caractère assez homogène à la population de centre ville et des faubourgs composée de ruraux intra-muros plus que d’urbains ruraux à l’époque. Intéressons-nous à un territoire en particulier. Le pays du Coglais constitue un bon exemple de la typicité marquée des alentours de Fougères. C’est un territoire correspondant à l’ancien canton de Saint-Brice-en-Coglès (nouvellement Maen-Roch), aux contours plus anciens encore. Il est arrosé par trois affluents du Couesnon : l’Oisance, le Tronçon et la Minette dont on dit les eaux si pures que l’on y trouve écrevisses et loutres dans ses méandres boisés.Toute cette eau alimente le pays rennais depuis plus d’un siècle. Ses paysages vallonnés voient affleurer des dos étranges de monstres minéraux, les « ros ». Ces blocs de granit ponctuent les prés de leur présence. Aux collines succèdent les zones humides ; de quoi ragaillardir aulnes, spirées, laîches et autres joncs, habitants ancestraux de cette terre encore préservée des rationalités agricoles et des rurbanisations pavillonnaires aveugles. Il fallait par le passé, un réseau important de chemins pour relier toutes « les petites biqueries » dispersées sur des communes fractionnées en myriades de hameaux autosuffisants ; des « rotes » aux usages désignées comme les « rotes messières » (pour aller à la messe), les rotes meunières (pour aller au moulin), les levées (contraire du chemin creux pour éviter les mauvaises rencontres) ou les rabines aux ombrages tant appréciés (chemin bordé d’arbres). Que ce soit en galoches, sabots ou les pieds nus peu importe, on cheminait pour les petites affaires, les grandes (commerces, mariages, chouanneries) et les réjouissances saisonnières (cuirée de pommé). « Quand la saison est là », se formaient des équipées de circonstance prêtes à se relever les manches le temps de la récolte, les souates, une sorte d’ouvrage collectif et solidaire rendu, à charge de revanche. Une occasion bien belle de « baiser la bolée » et de faire de ces temps d’entraides des moments propices aux réjouissances chantées, dansées, signe avant coureur sans doute, de l’intercommunalité dont le pays du Coglais fut l’un des précurseurs au XXe siècle. Un bon nombre des ces rotes a survécu au remembrement. Il se pourrait que l’attention renouvelée que l’on porte à notre environnement propulse au grand jour les ressources discrètes du pays fougerais déjà connu pour son patrimoine bâti (châteaux de Fougères, de la Balue, du Rocher-Portail, églises, chapelles et oratoires, fours banals, puits, ...), ses lieux de légendes comme le saut de Roland à Dompierre-du-Chemin ou les menhirs du Cordon des Druides en forêt de Fougères. D’autres trésors y sommeillent encore comme les tourbières de Parigné et de Landemarais près de Louvigné du-Désert et les gens du pays qui portent aux lèvres une langue singulière, le gallo. Ces mêmes gens pourraient bel et bien, ouvrir encore des portes vers des pans inexplorés du patrimoine immatériel de tous que l’on promeut ici avec ferveur en petits et grands comités à la Granjagoul (maison du patrimoine oral installée à Parcé) ou lors du Prix Froger-Ferron et ailleurs.

Danses principales

Double-front : La Dauvergne
Danses à quatre : l’Avant-deux (différentes modes suivant les communes), la Violette, la Rassemblée, la Drôlette, Le Tournez-Vous, Le Bal des Hollandais, la Trompeuse
Cortèges de couples : l’Aéroplane, la Belle-Anguille, la Polka russe, le Pas de quatre à la mode de Dourdain, la danse du Lapin
Cortège de triplettes : l’Orsay
Danses en couples : le Pas de sept redoublé, la polka piquée double, la Guédenne, la Trompeuse
Danses en rond : la Jouga

L’accompagnement musical

La vie et le travail de tous les jours étaient rythmés par le chant : les chants à la marche pour les déplacements, pour les divers travaux agricoles et les chants de circonstances. Mais le répertoire de chant du nord-est Ille-et-Vilaine comprend aussi un grand nombre de chants à écouter, humoristiques, d’amour, de table et des complaintes. De la ville à la campagne, qu’elles soient en français ou en gallo, les paroles de ces chansons racontaient la vie quotidienne mais toujours avec cette convivialité et parfois même beaucoup d’humour, voire de grivoiseries. La trace la plus ancienne d’accompagnement musical pour la danse est, sans équivoque, le chant. Il accompagne la ronde, la marche et va ensuite accompagner principalement les avant-deux. On dira « noter » les avant-deux. Dès le XIX e siècle, avec l’apparition de la clarinette au sud de Fougères et du violon aussi bien au sud qu’au nord de Fougères, la pratique du chant à danser va être reléguée davantage dans le cadre des veillées ou des fêtes familiales. Par contre, elle persistera davantage au nord du pays de Fougères.
À la fin du XIX e siècle, arrive l’accordéon diatonique, dit « la Bouëze », qui va très vite concurrencer le violon et très vite devenir l’instrument populaire prépondérant du terroir, comme en témoigne l’Assemblée des Bouëzous tous les ans à Parcé. Souvent seul, parfois accompagné d’une clarinette déjà présente au sud de Fougères, ou d’un violon, l’accordéoniste ou « bouëzou » mène la danse avec entrain et bonne humeur. La clarinette favorisera l’arrivée de nouveaux répertoires. Après la Seconde Guerre, arrive aussi la mode du jâze : grosse caisse actionnée par le pied de l’accordéoniste, qui permettait de marquer plus fortement la cadence.
Un instrument dont on parle rarement est l’harmonica, qui était pourtant très présent dans les campagnes, dans les veillées et les bals improvisés de fermes, car il était facile à transporter et, faute de bouëzou, permettait de mener la danse avec entrain.

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Le Bouëzou Jean- Marie Manceau avec le jâze (collection la Bouèze, extrait de Musique bretonne, histoire des sonneurs de tradition)

Modes vestimentaires

À l’instar de ce qui s’est toujours produit en Haute-Bretagne (exception pour le vannetais gallo et le pays paludier), depuis très longtemps, les femmes ont adopté la mode générale de leur époque pour ce qui est de la base du costume (robe ou haut et jupe). Les éléments anciens les plus fiables que l’on possède actuellement nous sont donnés par les travaux de François Hippolyte Lalaisse, notamment la gravure représentant la Femme D’Antrain vers 1845/1848. C’est une paysanne âgée portant une jupe rayée en berlinge. Son tablier possède une grande bavette fixée sur le casaquin (veste) maintenant le mouchoir de cou à motifs d’indienne très croisé sur la poitrine.

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1 - Deux devantières de la région de Fougères, toutes deux possèdent encore leur petite bavette. L’une en soie noire à ronds violets, l’autre en taffetas moiré vert, avec son petit gousset pour y mettre la montre.
2 - Châle de la région de Fougères à motifs floraux de velours noir sur satin violet.
3 - Parure en velours de soie envers satin, bleu nuit, brodée au fil de soie, dentelle du Puy. Coll. Michel Guillerme
4 - Catiole rennaise de mariage, dépliée, datée de 1860. Longueur totale : 135 cm. Coll. Michel Guillerme
5 - Portrait de Hyacinthe Roussel de Luitré. Elle porte une mise complète de belle qualité et superbement posée et fixée, la polka est en tulle carré, brodé et très aéré. Amédée Fleury, collections du musée de Bretagne, CC-BY-SA
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La grande coiffe en batiste est appelée catiole. On la retrouve dans tout l’ancien comté rennais. À partir de 1880 environ, la base du costume continue à suivre la mode et la couleur noire va s’imposer. La grande nouveauté, spécificité pour ce terroir à cette époque, est l’engouement pour les parures (châles et devantières coordonnés). En pays de Fougères, on a le goût pour les parures en velours brodé qu’on ne retrouve pas forcément dans le reste du comté rennais. Les devantières n’ont plus de bavette comme au siècle précédent. À partir de 1900, quelques femmes du pays de Fougères, tout en conservant la coiffe, ont choisi la mise « en taille », c’est-à-dire qu’elles ont abandonné tout élément dit traditionnel (à savoir châle et devantière). Cependant une grande majorité est restée fidèle au costume traditionnel complet, tout en adoptant comme les précédentes, jupes à la mode, très plates sur le devant avec plis superposés à l’arrière, en tissu broché, moire, satin et caracos très ajustés, baleinés et souvent encore aux manches « gigot ». La coiffe étant l’élément distinctif et emblématique de tout costume breton féminin, ici, deux versions vont vivre une existence parallèle (l’une ne supplantant jamais l’autre). Venant de la première moitié du XIXe siècle, la catiole continue son évolution jusqu’à devenir une toute petite coiffe. Concurremment, va s’imposer la polka, qui, peut-être grâce à sa pose plus aisée sera donc majoritaire. Mais, il est à signaler que pour le mariage, c’est la catiole qui a la faveur de la tenue nuptiale. Pour rester dans le domaine du mariage, moment de l’apogée du port du costume pour les femmes, dans tout le Bassin rennais, celles-ci ont choisi presque toujours des couronnes fort volumineuses. En terminant ce bref commentaire, il est un élément important à signaler. Si partout en Bretagne, la coiffe est le dernier élément distinctif à disparaître, cette généralité trouve une exception dans tout le comté rennais, y compris dans le pays de Fougères. Il n’est pas rare sur des photographies de noces et autres de repérer des femmes, d’âges divers, en belles tenues traditionnelles complètes, parfaitement coiffées (avec double bandeau de cheveux (raie au milieu), catogan, résille et ruban de velours), mais ne portant pas la coiffe. Pour ce qui est du costume masculin, il y a déjà bien des années que les hommes ont opté pour celui en vigueur partout ailleurs, à savoir le fameux « costume trois pièces » en granité, grain de poudre et le chapeau de feutre souvent remplacé l’été par le canotier. Globalement, avant cette époque, les hommes ont porté des vêtements tels qu’on pouvait en voir dans d’autres terroirs et provinces.

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Groupe de mariage de Luitré 1903. La mariée porte une parure, devantière et châle en velours brodé. Sa coiffe, une catiole, est cachée par la couronne d’oranger imposante. Si les femmes portent encore magnifiquement le costume traditionnel complet, les hommes sont en mode civile, comme évoqué dans le texte. Amédée Fleury, collections du musée de Bretagne, CC-BY-SA

Ressources

Principaux collecteurs

• Gaït Corvaisier dans les années 1930
• Yves Defrance dans les années 1970
• Pierrick Cordonnier dans les années 1970

Discographie

• Clérivet Marc, M’ner l’draw, volume II, tradition dansée de Fougères à Dinan , Dastum
• Collectif, Musique et danses traditionnelles à Bazouges-la-Pérouse [K7], La Bouèze, 1989
• Collectif, Danses de toutes les Bretagnes, volume III : le Coglais et le Rennais [DVD], Kendalc’h
• Les Routiniers [CD]
• Manceau Jean-Marie, Gernigon Léon, Gautier Christian : Sonneurs d’accordéon en Bretagne [enregistrement sonore], Le Chasse-Marée, Douarnenez, 1994
• Enregistrements de collectage Dastum :
Accordéon : Jean-Marie Manceau de la Chapelle-Saint-Aubert, Francis Ferron de Saint-Marc-le-Blanc, Christian Gautier et Roger Gaillard de Bazouges-la-Pérouse, Joseph Masson de Louvigné-du-Désert, Amand Prodhomme du Loroux, Joseph Macé de Tremblay
Violon : M. Bourgeon de Billé
Harmonica : Emile Houëdry de Mézière-sur-Couesnon
Chant : Mélanie Houëdry et Eugénie Duval

Bibliographie

• Archives consultables à l’association « La Granjagoul » à Parcé
• Bardoul Patrick, Musique à danser de Haute-Bretagne pour l’accordéon diatonique, tablatures et partitions , La Bouèze, 2003
• Collectif : Chants et danses du pays Fougerais , bulletin de la société archéologique de Fougères, 1977
• Corvaisier Gaït : Chants et danses du pays Fougerais , bulletin de la société archéologique de Fougères, Fougères, 1975
• Dagnet Amand, Au pays fougerais, il était une fois , Rue des scribes, Rennes, 1988 (édition originale de 1923)
• Dagnet Amand, La vie quotidienne dans le Coglais au XIX e siècle , Rue des scribes, Rennes, 1987 (édition originale de 1914)
• Dagnet Amand, le patois fougerais, dialecte haut-breton , essai de grammaire, Bonnieux, Laval, 1890
• Guesdon Yann : Coiffes de Bretagne , Coop Breizh, Spézet, 2014
• Hérisset Jean : Le pays de Fougères , photographies de Marc Lemancel, éditions Ouest-France, Rennes, 2010