Fiche terroir

Haut-Penthièvre

Saint-Brieuc

Rédacteur

Fiche rédigée en 2018 par Michel Guillerme

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Communes du haut-Penthièvre

Andel
Bréhand
Collinée
Coëtmieux
Erquy
Henanbihen
Hénansal
Jugon-les-Lacs
La Bouillie
La Malhoure
Lamballe
Landébia
Landéhen
Le Gouray
Matignon
Meslin
Morieux
Noyal
Penguily
Plancoët
Planguenoual
Pléhérel
Plestan
Pluduno
Plurien
Pléboulle
Plédéliac
Pléneuf-Val-André
Plénée-Jugon
Pléven
Plévenon
Quintenic
Ruca
Saint-Alban
Saint-Cast-le-Guildo
Saint-Denoual
Saint-Glen
Saint-Jacut-du-Mené
Saint-Lormel
Saint-Pôtan
Saint-Rieul
Saint-Trimoël
Tramain
Trébry
Trédaniel

Le terroir

Le haut-Penthièvre est, avec le pays de Saint-Brieuc et le pays de Loudéac, une des trois entités à former le terroir de Penthièvre au sens où nous l’entendons, celui des arts et traditions populaires. De plus, ce terroir de Penthièvre reprend les limites de l’évêché de Saint-Brieuc à l’exception de la partie gallo du Goëlo. À l’instar des deux autres, le haut-Penthièvre, appelé ainsi car il se situe dans la partie orientale du grand terroir, n’a pas de réalité historique. C’est un territoire assez vaste qui présente une belle homogénéité tant sur les traditions dansées et musicales que sur les traditions vestimentaires ainsi que sur la langue et même l’habitat.
La limite occidentale du haut-Penthièvre est celle qui le sépare du pays de Saint-Brieuc, avec les premières communes où est portée sa coiffe emblématique, le dalais ou dallet. Au nord, la Manche baigne ses côtes magnifiquement escarpées d’Erquy et du Cap-Fréhel. Sa limite orientale ainsi que celle descendant vers le sud est le fleuve côtier Arguenon qui de plus sépare le Penthièvre du Poudouvre pour rejoindre les communes du pays de Loudéac. Dans ce territoire du haut-Penthièvre domine la ville de
Lamballe (Lan Pal), la capitale historique du Penthièvre.
Alors arrêtons-nous un peu pour évoquer quelques épisodes de l’histoire de Bretagne, car rappelons que le Comté de Penthièvre, état dans l’état, a joué pendant près de six siècles un rôle majeur dans l’histoire du duché de Bretagne jusqu’en 1532, époque pendant laquelle celui-ci
était un état indépendant.
Comme un certain nombre de cités de la Bretagne septentrionale, Lamballe a été fondée par un moine, venant du Pays de Galles au VIe siècle, Pal. L’histoire proprement dite de la seigneurie devenue comté de Penthièvre commence en 1034. Eudon, frère du duc héritier Alain III reçoit le comté en apanage, c’est une partie importante du territoire ducal de Bretagne, et c’est à cette époque que l’on parle pour la première fois de Lamballe car, ville la plus importante du Penthièvre, elle en devient la capitale en 1084. Donc, c’est à partir de cette époque que le comté de Penthièvre devient une entité politique à part entière, ayant ses lois, ses coutumes, ses princes, son armée, battant monnaie, exerçant la justice et menant la plupart de temps une politique opposée à celle du duché. Au cours de cette histoire politique, les frontières du comté ont évolué puisque Dinan à l’est ou Guingamp, Bourbriac, Pontrieux à l’ouest ont été des cités du Penthièvre à certaines époques.
On sait que l’un des épisodes les plus marquants de l’histoire de Bretagne fut la guerre de succession de Bretagne, qui dura 25 ans (1341-1365). La maison de Penthièvre y prit une part majeure car ce conflit long et violent opposa Jeanne de Penthièvre, nièce du duc défunt (Jean III) à Jean de Montfort, demi-frère de ce même duc. À cette époque, Jeanne Penthièvre, épouse de Charles de Blois, résidait dans son château, à Guingamp.
En 1569 (le roi de France étant Charles IX), le comté fut érigé en duché et on retrouve le titre de duc de Penthièvre dans la Maison d’Orléans jusqu’en 1919.

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1 - Détail de toit à chevronnières (Saint-Cast) rappel du temps où les toits étaient recouverts de chaume, très répandu en haut-Penthièvre.
2 - Fenêtre dans mur en madraï Ruca. 3 - Une simple croix entre La Bouillie et Plurien juillet 2018. Clichés Michel Guillerme

Danses principales

Le haut-Penthièvre est riche de danses. Il faut saluer en cela nombre de jeunes instituteurs (Henri Thomas à Pléhérel-Plévenon et Édouard Esnault à Saint-Cast notamment), qui dès les années 1950, créant les premiers cercles celtiques de la région, ont effectué de sérieux collectages, cette collecte s’est poursuivie jusque dans les années 1970-1980.
On peut remarquer la grande homogénéité des danses, à la fois dans le pas et dans la forme. Il y a fort à parier que le pas de branle ancien (branle gai du XVIe siècle) était pratiqué dans tout le haut-Penthièvre jusqu’à la côte sous sa forme ancienne, en ronde, ainsi qu’il est resté dans le sud du Penthièvre (pays de Loudéac). La mode des contredanses ayant supplanté la forme ronde, on assiste dès la seconde moitié du XIXe siècle à une pratique généralisée des « avant-deux ». Il est vraisemblable qu’au départ, le visage de ces danses a été celui de danses en double-front (on en garde la mémoire dans l’alignement des danseurs) mais qui s’est morcelé en autant de « quadrettes », alignées ou non. Techniquement la structure de ces danses est celle d’avant-quatre, les danseurs et danseuses se tenant par couples. Deux parties composent ces danses :
• un avant-quatre ou les danseurs pratiquent ce pas de branle ancien en quatre temps subdivisé en 1 et 2
• et une seconde partie, très souvent une chaîne anglaise (apport supplémentaire de la contredanse) sachant que chaque danse possède sa propre chaîne anglaise, et qu’on n’en retrouve pas deux identiques.
Ce qui apparaît immédiatement est le style sobre de ces danses, des prises d’appui toujours à plat, de la souplesse mais en retenue, pas fioritures, pas de regard appuyé.
En tout premier lieu, on citera la conterdanse ou kerouézée (Plénée-Jugon) où les hommes et femmes qui ne se tiennent pas, pratiquent un pas inversé (comme dans la maraîchine en pays de Retz, le pas de branle a la même origine) et le double-front est strictement conservé.
Et puis en suivant la vallée de l’Arguenon et jusqu’à la côte en redescendant vers le centre du territoire, on retrouve appelés ainsi les avant deux de Saint-Ygneuc et Jugon, Plancoët (Nazareth), Pléboulle, Plévenon, Pléhérel, Erquy, Saint-Aaron, Saint-Alban, Maroué… Un avant-deux est localisé à Saint-Cast, c’est une danse de création folklorique (il ne possède d’ailleurs pas le pas de branle ancien). Certaines danses se sont vu attribuer des sobriquets, mais ce sont les mêmes danses : périgourdine, partez-quatrechaînez, espagnolettes (de Montbran, Pléhérel, Saint- Cast), chaîne des dames, moulinet…
Une Pastourelle existe à Le Gouray.
Peu de danses ont été conservées en forme ronde (car supplantées par la forme contredanse) si ce n’est les très intéressantes guédennes d’Erquy car, résiduelle, cette danse peut apporter la preuve que la suite telle que pratiquée à Loudéac était anciennement de mise ici, la seconde partie de la danse au niveau du pas n’est pas sans rappeler la riqueniée ainsi que son identique mouvement de bras même s’il est un peu plus développé vers le bas.
Dans sa partie occidentale, le haut-Penthièvre est un pays de dérobées (dérobée-tourniquet, à Maroué, Pléneuf…) Le pas de polka, dont la structure de base pouvait techniquement rappeler le pas du branle ancien, a facilement pu se répandre, mais sans jamais supplanter ce dernier chez les bons danseurs. C’est ainsi que la mode au début du XXe siècle de « l’aréoplane » s’est largement diffusée : Pléboulle, Saint-Aaron, Jugon, Erquy… Le pas de polka que l’on retrouve dans de nombreuses autres danses de tradition récente, souvent en couples : détournons les allumettes, les sonnous de Lamballe…

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L’accompagnement musical

En plus de la voix, présente à tous moments et surtout quand un accompagnement instrumental faisait défaut, les deux instruments qui ont marqué et été en osmose avec le répertoire dansé en haut-Penthièvre sont le violon et la vielle. Lorsqu’on dansait pour de simples rassemblements, à l’issue de travaux et qu’on n’avait pas d’instrumentistes, ce qui était souvent le cas hors les noces, les foires locales (comme La Montbran) et autres, on chantait, souvent sur des mêmes paroles, répétitives, toujours humoristiques, souvent ambiguës, « lestes », voire triviales dans les évocations.
Comme un peu partout, au moins en haute-Bretagne, le violon a été présent au cours du XIXe siècle ainsi que dans la première moitié du XXe siècle où son déclin s’est amorcé. Citons César Charles qui menait les danses au
violon sur la côte à Pléhérel, Plévenon… Très introduit parmi la population, ce musicien a permis lorsqu’il en était encore temps de collecter bon nombre de danses sur cette frange maritime. A Saint-Cast officiait un certain Jean Duval, il est présent sur certaines photographies de noces. Légende ou réalité ? On raconte qu’au début de la seconde moitié du XIXe siècle, l’horloger Clôteaux de Lamballe exposa pour Noël dans son échoppe une vielle provenant de Mirecourt, instrument inconnu localement et… À peine cinquante ans plus tard, le nombre de vielleux atteignait la presque centaine !
Le jeu du violon et peut-être encore plus celui de la vielle, lorsqu’il est régulier, sobre, « efficace » est parfaitement adapté à la pratique principalement des avant-deux de ce territoire.
Et si la vielle a quelque peu détrôné le violon, elle-même n’a pas reculé devant l’accordéon. Cet instrument, l’accordéon diatonique ou chromatique, ne s’est pas imposé comme instrument d’accompagnement des danses traditionnelles. Sur les photographies de groupes de noces, rares sont les joueurs d’accordéon, et quand ceux-ci sont présents aux noces, c’est pour essentiellement entraîner à la valse, les java et autres danses à la mode (témoignages entre autres de Colette Méheust du vieux bourg de Pléhérel, Jeanne Boulet et Jeannine Lemaître d’Hénansal). Certainement les vielleux les plus célèbres restant dans les mémoires sont Henri Gouault dit « Villedieu » de Planguenoual, Adrien Cardin de Pléneuf, Jean-Louis Jugan de Pléherel (liste exhaustive dans « Musique bretonne »).

Henri Gouault, dit « Villedieu ». Collection privée

Modes vestimentaires

Concernant les pièces vestimentaires (hormis les coiffes), on est face à une très grande homogénéité sur tout le territoire, homogénéité qui rejoint d’ailleurs celle présente
sur tout le Penthièvre. À peu de choses près, ce qui est
vrai ici l’est aussi là…
Les hommes, comme à peu près partout en haute-Bretagne ont commencé à quitter les mises dites traditionnelles spécifiques dès les années 1860 pour suivre la mode générale en vigueur. Ce n’est pas vraiment le cas pour les femmes, même là encore il y a accord avec tout ce qui se passe quasiment en haute-Bretagne, de Saint-Brieuc à Nantes en passant par Saint-Malo et Rennes, à savoir que les femmes suivent la mode qui leur est contemporaine pour la base du costume. Ce qui va totalement identifier le costume, ce sont les pièces spécifiques : le châle (et sa pose) et la devantière pour au moins les costumes de fête et de cérémonie.
Nous sommes dans un territoire de grands châles, qu’ils
soient en mérinos, brodés ou non, de couleur ou noirs,
ou aux motifs cachemire principalement sur la frange
côtière. Les devantières sont de taille moyenne, toujours de couleur noire (après environ 1880) avec des petites bavettes qui elles-mêmes disparaissent sur la frange côtière. Et comme dans le reste du Penthièvre, contrairement au costume proprement dit, en haut-Penthièvre, on admire une belle richesse, par le nombre, de coiffes. La coiffe, de loin la plus emblématique, est le dalais ou dallet. Vingt-cinq communes (totalement ou en partie) l’arborent.

Couple Quéma en 1902 à Plévenon. Pose croisée du dalais.
Collection Michel Guillerme
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À gauche : pointe de Châle vert Pléhérel. À droite : devantière en moire ayant appartenu à Jeanne-Marie Péan de Saint-Cast.
Collection Michel Guillerme
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Dans les communes plus à l’ouest, Lamballe y compris, la mode des bonnets carrés est très bien représentée.
Les coiffes dites « à cocarde » sont de ce terroir, c’est làqu’elles ont leur origine. On les trouve au sud et à l’est,Jugon y compris.
On trouve des coiffes plus minoritaires car, naissant enhaut-Penthièvre, elles ont en fait essaimé vers le Poudouvre,telle la cônette.
Et puis dans l’extrême sud-est, des coiffes sont venuescoloniser quelques communes, issues du Poudouvre tellela « barque renversée ».
On pourrait évoquer les capots, fanchons et autres coiffures,on retrouvera en plus de détails tout cela dans lafiche costume.

À droite : capeline blanche et dalais. Collection privée
Ci-dessous : coiffe à cocarde de Le Gouray. Collection Michel Guillerme




 
Au-dessous à gauche : femme en bonnet carré de Lamballe (pas de jugulaires).
Collection privée
À droite : Femme de Quintenic en dalais dans les années 1920. Collection Michel Guillerme
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Bibliographie

• Bulletin 2016 - n°43 - Amis de Lamballe et du Penthièvre - Le Costume traditionnel de Saint-Cast, Matignon, Plurien, Pléhérel, Plévenon, Pléboulle
• Musique bretonne - Histoire des sonneurs de tradition - éditions Le Chasse-marée Armen
• Buffet Henri-François - En haute-Bretagne - Librairie Celtique Paris
• Rochereau Pierre - Coiffes et costumes des bords de Rance (région côtière Erquy-Matignon) - éditions Le Carrouge
• Fiche de danse Partez-quatre-chaînez - collection Heritaj - éditions Kendalc’h
• Henri Frotter de la Messelière - Le pays de Lamballe (de Saint-Brieuc à Saint-Cast et de Plancoët à Moncontour) - GP impressions - Kervaux - 22170 Plouagat
• Daniel de la Motte Rouge - Vieux logis vieux écrits du duché de Penthièvre
• Morin Stéphane - Trégor, Goëlo, Penthièvre Le pouvoir des Comtes de Bretagne du XIe au XIIe siècle
• Mariages en Bretagne - éditions Coop Breiz Kendalc’h - 2014

DISCOGRAPHIE

• Sonneurs de violons traditionnels en Bretagne. Vol V - Anthologie des chants et musiques de Bretagne
• Sonneurs de vielle traditionnels en Bretagne 2 Anthologie des chants et musiques de Bretagne

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Noces en haut-Penthièvre. Collection privée