* Le terroir présenté sur cette carte correspond aux limites connues dans le courant du XXe siècle

Le pays Glazig (petit bleu : nom provenant de la couleur de l’étoffe des gilets masculins) est un terroir important puisqu’il regroupe une petite trentaine de communes. Cette zone géographique de forme triangulaire est délimitée par les Montagnes Noires, le Menez Hom, le plateau de Scaër, le cours de l’Odet, du Jet, du Ris et la ria de Combrit. L’histoire du terroir Glazig est fortement marquée par celle de Quimper, capitale de la Cornouaille.
Débutons nos pérégrinations par Quimper. Tout au long de son histoire, cette ville a été un lieu de passage. C’est à l’époque gauloise qu’elle fut fondée ainsi que son port, sur le site actuel de Locmaria. Au Moyen Âge, le centre urbain se déplace en amont au niveau du confluent de l’Odet et du Steir, d’où son nom. Tout comme les remparts, la construction de la cathédrale Saint-Corentin débuta au XIIIe siècle. Cet édifice fut achevé qu’au XIXe siècle par ses deux flèches de 76 mètres. Entre celles-ci trône le roi Gradlon sur son cheval dont la légende, ainsi que celle de Saint-Corentin moine ermite, est liée au terroir glazig. Après la Révolution, l’activité économique s’intensifie. Le port, de plus en plus fréquenté, voit l’aménagement de ses quais. C’est également à cette époque que la ville est choisie en tant que chef-lieu du département. De même au XIXe siècle, les industries sont florissantes, notamment celles des faïenceries implantées depuis 1690. Pendant de longues années, elles seront le fleuron des entreprises quimpéroises. Les faïences sont décorées selon la technique du décor dit « à la touche » basé sur cinq couleurs : le bleu, le vert, le rouge, le jaune et le violet de manganèse. C’est d’ailleurs ce style si particulier, ces personnages bretons et ces décors floraux qui font la réputation de ces faïences à travers le monde. Au cours du XXe siècle plus de 250 artistes y travaillent ou s’y côtoient (M. Méheut, R. Quillivic, R.Y. Creston, R. Michau-Vernez…). Quimper accueille également de nombreux marchés autour de la cathédrale Saint-Corentin et sur les différentes places de la ville. Leurs noms évoquent d’ailleurs l’activité qui s’y tenait (place au beurre, rue des boucheries…). Les halles bâties en 1847 abritent principalement des commerces alimentaires. Le premier train entre en gare à Quimper en septembre 1863 et modifie l’environnement économique (arrivée des touristes, de marchandises). Paris n’est plus qu’à 17 heures de Quimper, alors qu’en diligence, il fallait plusieurs jours. Le port de la ville perd alors de son activité, les pinardiers se font de plus en plus rares. Au cours du XXe siècle, d’autres industries ont vu le jour dans le secteur alimentaire (fabrication de crêpes dentelles, recette élaborée par Katell Cornic, Kerfeuntinoise notamment) et du textile (Fileuses d’Arvor, Armor Lux). En aval de Quimper, l’Odet marque la frontière entre le pays glazig et le pays de Fouesnant. Sur ces rives, au fil des siècles, les riches négociants et les nobles quimpérois ont bâti de nombreux manoirs. Cette partie de la rivière, soumise au rythme des marées, est encaissée entre des berges verdoyantes bordées de pins et de châtaigniers. Sur les rives de Plomelin, l’Odet aborde un passage plus étroit et sinueux appelé les Vire-Court en raison des manoeuvres que devaient faire les navires à voile pour franchir les coudes de la rivière. L’Odet arrose, également, presque toutes les communes du terroir glazig situées au nord-est de Quimper : Ergué-Gabéric, Briec-de-l’Odet, Landudal, Langolen, Coray, Trégourez et Leuhan. Tous ces villages ruraux peuvent s’enorgueillir de leur patrimoine architectural religieux. Ainsi de nombreuses chapelles, calvaires, fontaines, ponctuent le paysage de bocage verdoyant. Briec en tant que chef-lieu de canton s’animait particulièrement les jours de marchés. Les papeteries Bolloré installées en 1822 à Odet sur la commune d’Ergué-Gabéric participent également à l’activité économique du territoire. Une gouvernance paternaliste, la construction d’un village ouvrier, l’accès à l’école et aux soins modifient profondément la vie d’anciens ouvriers agricoles. Kerfeunteun, autrefois commune rurale, rattachée aujourd’hui au grand Quimper abrite la chapelle de Ty Mamm Doué. Celle-ci, bâtie dans un écrin de verdure, n’a pas laissé indifférent François-Hyppolite Lalaisse et Olivier Perrin. Ce dernier, artiste peintre, qui vécut au manoir de Kerlividic sur la route de Plogonnec a peint dans cet édifice l’Assomption de la Vierge en donnant à celle-ci les traits de sa fille. Un peu plus au nord, au lieu-dit de Quilinen en Landrévarzec, il est possible d’admirer un calvaire très représentatif de l’art rural de Cornouaille. Celui-ci surprend par sa conception sur deux bases triangulaires superposées à pointes inversées. Il représente une mère et ses enfants priant au pied du calvaire. L’originalité de sa structure en étoile à six branches en fit le sujet d’une toile du peintre Yan D’Argent.
Locronan, sur la porte du Porzay est incontournable dans le paysage de ce terroir. Ses maisons en granit, reflet de sa richesse d’antan, en font aujourd’hui l’un des plus beaux villages de France. Cette fortune s’est établie grâce à l’industrie toilière (lin) à partir du XVe siècle. L’église de Saint-Ronan est l’un des plus beaux exemples de l’art gothique breton flamboyant. On ne peut pas évoquer Locronan sans parler de sa troménie. Tous les six ans, la Grande Troménie est organisée. La procession de douze kilomètres traverse la campagne, et correspond au tracé des parcours initiatiques druidiques. La tradition veut qu’une Grande Troménie vous assure le paradis. De même, le pardon de Sainte-Anne-la-Palud est réputé bien au-delà de la Cornouaille. Il aurait été établi au début du VIe siècle par Saint-Corentin et Saint-Gwénolé. La chapelle s’abrite au revers de la dune rase, au bord de la plage de Plonévez-Porzay. Tout comme cette commune, les plages de Kerlaz, Ploeven et Saint-Nic forment le front de mer de la baie de Douarnenez. Du fait de cette géographie, l’activité maritime n’est pas prépondérante d’autant plus que la plaine du Porzay est une terre riche. C’est d’ailleurs la culture de la pomme de terre qui en fit sa réputation. Plus à l’est, Plomodiern se trouve sur le flanc du Menez Hom recouvert de landes rases. Pour la petite histoire c’est ici que se situait l’ermitage de Saint-Corentin. Dans une fontaine se trouvait un poisson miraculeux qui se reconstituait bien que l’ermite en prît un morceau quotidiennement. À Cast, la chasse de Saint- Hubert ornait sans doute un calvaire aujourd’hui disparu. Ce type de sculpture est unique en Bretagne. Les personnages de Kersanton sont particulièrement élégants, les animaux bien rendus et les costumes d’époque très réalistes. Depuis le début du XXe siècle, Quimper s’est aussi imposé comme capitale de la culture bretonne avec des festivités comme la Fête des reines, devenue Fêtes puis Festival de Cornouaille. Le nombre très important de bagadoù et de cercles celtiques sur le territoire sont le reflet de ce dynamisme culturel.

Les danses du pays de Quimper, aujourd’hui de style modéré, ont bien évolué à travers le temps et sont décrites en ces termes : « Hurlant, bondissant, s’agitant comme un possédé qu’on exorcise. » Description d’un danseur quimpérois par Bouët – début du XIXe siècle. « À Châteaulin, Pleyben, Quimper, Quimperlé, le pas est vif, fougueux, souvent furieux à la fin de la journée » - Frédéric Le Guyader – fin du XIXe siècle.

• La forme de la gavotte – rond, chaîne ouverte, chaîne courte, couple

Le terroir est précurseur. Dès le XIXe siècle, on constate que la ronde se transforme en chaîne ouverte. Ainsi en 1855, Bouët décrivait la gavotte du pays de Quimper : « La gavotte qui est l’ancien red an dro, a un mouvement très vif et consiste à tourner d’abord en rond, en se tenant par la main et le plus souvent par le petit doigt, et puis à décrire mille tours et détours, suivant le caprice et l’habileté du meneur qui de temps en temps s’arrête pour sauter devant sa danseuse en arrondissant le bras gracieusement ». A priori, cet usage pour cette époque est exceptionnel. À la fin du XIXe siècle, la gavotte se danse en chaîne courte de 4, 6, 8 ou 10 personnes. Cette pratique de perpétue dans le Porzay jusqu’à la fin de la tradition alors que dans le pays de Quimper, elle évolue. En 1907, Le Guyader expliquait : « Elles [les femmes] viennent prendre leur place dans la chaîne qui, quelquefois, comprend une centaine de danseurs se tenant par la main. Le plus souvent pourtant, surtout aujourd’hui, la chaîne se fractionne en plusieurs tronçons, ce qui permet aux beaux danseurs de se montrer. Car le grand art consiste à savoir conduire la gavotte, et plus il y a de tronçons à se former, plus il faut de chefs pour les conduire. Aux fêtes de la Pomme à Quimper le 31 juillet 1905, pour le prix de la danse, on dansait par groupe de quatre ». Ce n’est qu’à partir des années 1920 que la forme en couple apparaît pour les concours dans le sud du territoire, les couples dansant les uns derrière les autres en cortège voire sur toute l’aire à danser.

• Le pas

Formule de gavotte en 3 et 4, les gavottes du pays de Quimper se sont ornées pour la majorité d’un paz dreon qui est différent de celui des gavottes de l’Aven. Cette fantaisie était de pratique courante en terroir glazig un peu avant la fin du XIXe siècle comme écrivait Du Laurens de la Barre : « Mais souvent pour le pas de la deuxième partie (temps 5), on place le pied droit derrière le gauche ». Dans le Porzay, cette fioriture n’est, a priori, pas usitée. Diverses modes de gavottes sont pratiquées : Quimper, Landudal, Coray, Plogonnec-Locronan.

• La structure de la suite

Vraisemblablement à l’origine, la suite de danses de ce terroir se composait d’une gavotte, d’un bal (de forme ancienne) et d’une gavotte. Au cours de la première moitié du XIXe siècle, la suite devient bipartite : gavotte et bals. Vers 1880, de nouvelles formes de bals apparaissent de même base que ceux pratiqués actuellement. Ces principes sont repris dans les terroirs environnants. Ceux-ci peuvent également être appelés 2e figure. Ces bals tombent en désuétude dans le terroir Glazig un peu avant la fin du XIXe siècle et seront remplacés par le fameux jabadao.

• Le jabadao

Cette danse, emblématique de la Cornouaille, trouve ses racines dans les contredanses. La trace la plus ancienne de cette danse est évoquée, à notre connaissance, dans La Galerie Bretonne. Aussi dès 1835 les paysans Kerfeunteunois dansent ce jabadao endiablé. Bouët le distingue clairement des bals également évoqués dans ses textes (chapitre ouverture de la danse). Ces derniers commencent par un « mouvement plus lent et solennel ». Ernest Du Laurens de la Barre (1819 – 1881) signale également la coexistence des bals avec la ronde en avant et en arrière. Cette danse enlevée gagne en popularité au détriment des bals attirant par la même les foudres du clergé. Elle correspond bien au profil des Glazigs. Ils aiment la danse. Bouët note « Les femmes partagent avec les hommes ce goût si vif pour la danse, si même elles ne le portent encore plus loin, cependant à les voir on ne s’en douterait guère : elles sont sérieuses, réservées, tristes même en dansant…. ». De manière traditionnelle, ce jabadao débute par une figure dite « la gerbe », se poursuit par une autre figure unique plus ou moins élaborée suivant l’époque et les communes (avant – arrière ou à permutation). Cette ronde se conclut par un stoupig et/ou un jibidi. Avec la multiplication des concours de danses, les gavottes d’honneur apparaissent au cours du XXe siècle. Elles priment l’agilité et la dextérité des meilleurs danseurs et la prestance de leurs cavalières. La danse « dañs a gren », gavotte pratiquée dans le Porzay, est réservée aux meilleurs danseurs.

Dans ce terroir, l’homme porte le costume Glazig et la femme est appelée borledenn du nom de sa coiffe. Selon Creston, l’utilisation du tissu bleu pour les costumes masculins daterait de la chute de l’Empire. Après les guerres, les marchands de tissus de Quimper auraient acheté en quantité du drap bleu, destiné à faire des uniformes, dont se seraient débarrassés les magasins militaires de Brest. Des études récentes semblent fortement nuancer cette thèse. En tout cas, le surnom glazig apparaît dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le costume homme est composé d’un gilet à manches, d’un chupen (gilet court sans manches porté sur le précédent), d’un chapeau, d’un pantalon ou d’un bragoù bras suivant l’époque. Ses broderies géométriques ou florales de couleur jaune, orange, rouge, blanche, verte, bleue au fil de soie sont les marqueurs de ce terroir tout comme le velours piqué. Au milieu du XIXe siècle, le costume féminin de cérémonie était confectionné de drap de laine de couleur (rouge pour les riches héritières) et orné de galons métalliques. Des broderies, assez discrètes commencent à faire leur apparition. Vers 1880, le drap de couleur est remplacé par un drap noir. Les pièces sont également ornées de galons, les rubans prennent une place de plus en plus importante. Les broderies évoluent : quelques petits motifs en forme de fleurs apparaissent. On note également à cette époque l’apparition du velours.

Bibliographie
• Balbous Paul, Goalès Anne-Marie, Postec Marie-Paule, Le costume glazik, Coop Breizh, Spézet, 2014
• Brumeaux Jean-Philippe (dir.), Quimper, Éditions du Patrimoine, Paris, 2006
• Creston René-Yves, Le costume breton, Tchou, Paris, 1974
• Cuisenier Jean, Delouche Denise, Lossignol Simone, François-Hippolyte Lalaisse : de la Bretagne et autres contrées : aquarelles et dessins, Ouest-France, Rennes, 2002
• Duigou Serge, Le Boulanger Jean-Michel (dir.), Quimper, Palantines, Plomelin, 2006
• Gonidec Jean-Pierre, Costume et société : le monde de Douarnenez, Ploaré vu à travers ses modes vestimentaires, Coop Breizh / An Here, Spézet, 2000
• Guilcher Jean-Michel, La tradition populaire de danse en Basse-Bretagne, Mouton & Co, Paris, 1963
• Kerhervé Jean, Histoire de Quimper, Privat, Toulouse, 1994
• Martin Christian, Tourenne Jean-Louis, Lesacher Alain- François, Simone Morand, la culture bretonne en héritage, Coop Breizh, Spézet, 2012
• Morand Simone, Histoire du costume glazig et bigouden, Bouhet : la Découvrance, 2005
• Pérennès Henri, La grande Troménie de Locronan (illustrations de Mathurin Méheut), Le Goaziou, Quimper, 1923
• Perrin Olivier, Galerie bretonne ou moeurs, usages et costumes des bretons de l’Armorique, I. Pesron, Paris, 1835-1837

Musée
• Quimper, musée départemental breton
• Quimper, musée des Beaux Arts.
• Quimper, musée de la faïence (à Locmaria)

Centres de ressources
• Médiathèque Ti ar Vro – Quimper
• Médiathèque des Ursulines – Quimper
• Archives municipales et départementales – Quimper

Supports vidéos
• Collectage à Plonéis par le musée des Arts et Traditions Populaires, le 8 août 1939
• Film du cercle de Kerfeunteun en 1951
• Vidéos de collectage disponibles à la cinémathèque de Bretagne
• Film réalisé en 1984 par le cercle de Landrévarzec
• Film réalisé en 2001 par la Confédération Kendalc’h à l’occasion du stage dédié au pays Glazig
• E-giz sur le costume du pays Glazig réalisé par la fédération Kendalc’h Penn ar Bed

Dossiers et fiches techniques
• Dossier réalisé à l’occasion du stage terroir « Pays Glazig » (costumes et danses) organisé par Kendalc’h en 2001 avec fiches techniques de danses
• Fiche technique sur les danses de Plogonnec (1978)