Fiche de danse

Jabadao de Locquénolé

Terroir

Trégor

Vidéos et musiques

   

Rédacteurs

Cette fiche de danse est le fruit de travaux réalisés à partir de diverses recherches et des sources citées dans la fiche elle-même. Françoise Kervellec en donne ici une version attestée, travaillée en coopération et sous la responsabilité de la commission danse de Kendalc’h. Françoise Kervellec a été désignée référente pour l’enseignement de cette danse.

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Famille de danses

Branle Ancien
Contredanse

Structure de la danse

Danse unique

Accompagnement traditionnel

Vielle
Clarinette
Tambour
Couple Biniou/
Bombarde

Forme de la danse

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Situation géographique et historique

Locquénolé est la plus petite commune du Finistère située face à l’embouchure du Dourduff dans la rivière de Morlaix. Jusqu’à la Révolution, Locquénolé faisait partie du doyenné de Lanmeur relevant de l’évêché de Dol. Elle est cependant « située sur la rive gauche de la rivière de Morlaix, du côté du Léon par conséquent, mais pourtant sur la limite de Tréguier ». M. de La Borderie (Annuaire de Bretagne, 1862 p. 222)

Locquénolé : zone connue de pratique de la danse
En rose clair : zone possible d’extension de la danse

Informateurs, témoignages et transmission

Le jabadao a été recueilli à Locquénolé par Jean-Michel Guilcher auprès de madame Marie-Jeanne Geffroy née en 1864, de madame Françoise Guilcher née en 1876 et François Merett de Taulé, né en 1876. Ces danseurs rapportent qu’ils ont eux-mêmes dansé ou vu danser le jabadao dans leur jeunesse. Il semble que la génération suivante ne l’ait plus pratiqué. Il est possible que le jabadao ait été dansé à une certaine époque sur un territoire plus large que celui de Locquénolé c’est à dire sur les communes de Taulé, Henvic, Carantec. Anatole Le Braz parle aussi de ce jabadao dans un de ses carnets de notes (déposés au Centre de Recherche Bretonne et Celtique de Brest). « Au bas de la rivière de Morlaix, à Locquénolé, danse très originale, le jabadao, vers 1879-1880. Ils levaient les bras en l’air, en mesure, la musique s’arrêtant brusquement, et il y avait alors une pause très curieuse, puis la vielle reprenait, nouveaux mouvements cadencés ».

Origine et famille de danse

Le Morlaisien Emile Souvestre mentionne le mot « jabadaos » en 1836 dans son ouvrage Les derniers Bretons (p. 58) : « Le Léonard ne connaît point les danses folâtres des montagnes ni les vifs jabadaos du pays de Tréguier.» Mais, Emile Souvestre ne faisant aucune description précise des jabadaos qu’il a vus, on ne peut donc affirmer qu’il parle de telle ou telle danse. Dans son ouvrage La tradition populaire de danse en Bretagne, Jean-Michel Guilcher rapporte que le mot jabadao est employé en Trégor à la fin du XIXe siècle, le plus souvent pour désigner des rondes-jeux du type tourbillons, mais aussi des « figures ou agencements de figures semblables à celles qui composaient les contredanses et les quadrilles » et recueillies « fréquemment qu’autour de Morlaix et à proximité du littoral ». Le principe d’agencement du jabadao de Locquénolé correspond bien à celui de la contredanse française de XVIIIe siècle : ronde pour commencer et pour finir, « couplets » ou figures, alternant avec un « refrain ».

Forme et structure de la danse

À Locquénolé, le jabadao est placé en troisième terme de la suite des danses trégorroises après la dañs-tro et le bal. Le jabadao est dansé par deux couples. Il est constitué de huit figures. La première et la dernière sont les mêmes. Les figures 2 à 7 ont une partie B (le refrain qui se danse toujours de la même manière).

Figures

Figure 1 : Ronde et gerbe

Partie A (16 temps) : Les quatre danseurs, hommes et femmes alternés se donnent la main et font une ronde tournant vers la gauche ; les bras balancent d’avant en arrière.

Partie B (16 temps) :  Sans se lâcher, les danseurs avancent vers le centre (4  temps) et reculent (4 temps), le tout deux fois : posé du  pied droit sur la ronde ou légèrement devant au temps 1,  changement de pas (gauche-droite-gauche) vers l’avant.
Au temps 4, le pied droit est soulevé ; même chose en  reculant. Les bras montent pendant que les danseurs  avancent, descendent pendant le recul. À la fin du second  recul, les danseurs se lâchent et, sur la dernière note de  la phrase musicale, frappent dans leurs mains. À ce moment,  ils occupent les « sommets d’un carré », les deux  filles se font face sur une diagonale, les deux garçons se  font face sur l’autre diagonale.

Figure 2 : Tournant à deux + refrain

Partie A (16 temps) : Aussitôt, chaque couple fait un tournant sur place dans le sens de la montre (1 ou 2 tours). Le garçon prend sa cavalière à la taille â deux mains. Elle pose les mains sur

Partie B ou refrain (32 temps) :
• 8 temps : Les deux filles s’avancent, se croisent sans se toucher, épaules droites en regard et continuent leur chemin sur leur diagonale. Elles sont accompagnées, non par leur partenaire, mais par le cavalier de l’autre couple. Les danseurs ne se touchent pas. Les filles sont à gauche des cavaliers. Ils font demi-tour en se retournant ensemble sur les 2 derniers temps (changement de pas gauche-droite-gauche), la fille vers la droite, le garçon vers la gauche.
• 8 temps : La fille est maintenant à droite du garçon. Les danseurs retournent vers leur place de départ mais les garçons font un quart de tour vers la gauche sur les 2 derniers temps (changement de pas gauchedroite- gauche) et se tournent donc le dos. Pendant ce temps, chaque cavalière passe derrière son cavalier, fait un quart de tour vers la droite sur les deux derniers temps (changement de pas gauche-droitegauche). Elle se retrouve maintenant dans la même direction que son cavalier et à sa gauche (diagonale des garçons).
• 8 temps : Les couples avancent ensemble sans se toucher, les cavalières à gauche des cavaliers. Ils font demi-tour ensemble sur les 2 derniers temps (changement de pas gauche-droite-gauche).
• 8 temps : Les danseurs reviennent à leur place, chaque cavalier ayant sa partenaire à sa droite. Ils occupent à nouveau les sommets d’un carré. Tout au long de la figure, les bras restent souples le long du corps.

Figure 3 : Tournant à deux + refrain

Figure 4 : Tournant des filles + refrain

Partie A (16 temps) :
Les danseuses se rapprochent, s’accrochent par les bras droits repliés, tournent dans le sens de la montre (1 ou 2 tours). Le bras gauche est abandonné à son poids. Elles sont entre les cavaliers. À la fin des 16 temps, elles reprennent leur place au sommet du carré pour enchaîner avec le refrain. Pendant que ce temps, les hommes sont immobiles à leur place.

Partie B (32 temps) : refrain.

Figure 5 : Tournant des garçons + refrain

Partie A : Même tournant, effectué par les garçons. Les filles restent immobiles. 

Partie B (32 temps) : refrain.

Figure 6 : Tournant des filles + refrain

Figure 7 : Tournant des garçons + refrain

Figure 8 : Ronde et gerbe

Partie A (16 temps) : A la fin du refrain de la figure 7, les danseurs reforment la ronde, tournent vers la gauche en balançant alternativement les bras d’avant en arrière.
Partie B (16 temps) : gerbe comme en figure 1. La danse se termine à la fin du dernier recul.

Technique de pas

Tout au long de la danse et pour tous les danseurs, le pas utilisé est celui des hommes dans la dañs-tro. Il s’effectue sur 4 temps : aux temps 1 - 2 appui sur le pied droit, aux temps 3 et 4 changement de pas (gauche-droit-gauche) égaux en tout sur deux temps. Ce pas composé est issu des branles anciens et pratiqué dans la première partie de la dañs Treger, la dañs tro Plinn, la ronde de l’Oust, les avant-deux du haut-Penthièvre (avant-quatre du partez-quatre-chaînez). Le pas est à plat avec suspension discrète sur les articulations genou-cheville.

Formule d’appui

Style

Les informations manquent pour parler du style du jabadao. Probablement issue d’une contredanse du XVIIIe siècle à la mode à Morlaix, il s’impose comme composante de la suite Treger à Locquénolé probablement dans la première partie du XIXe siècle. Cette danse est sûrement considérée comme une nouveauté et une originalité dans le milieu rural, comme l’a écrit Anatole Le Bras. Boucher de Perthes, en 1831, disait au sujet de la première danse de la suite Treger : « Ils (les danseurs) sont à quelque distance les uns des autres, leurs mains mêmes ne se rapprochent pas. On dirait presque voir une pompe religieuse ». La troisième danse de la suite, le jabadao, décrite par Anatole Le Bras, évoque plutôt une danse plus rythmée avec des « mouvements cadencés ». Le jabadao apporte certainement une relation nouvelle entre partenaires du même couple (tournants à 2), entre couples (petites rondes de 4), entre danseurs de couples distincts (refrain). On peut supposer qu’elle soit dansée de manière plus vive. La nouvelle danse n’a plus le rôle communautaire de la vieille suite qui est en plein déclin dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Cependant, elle ne lui survivra pas car elle semble avoir été abandonnée à la fin de ce même siècle.

Accompagnement musical

On joue de la clarinette à Morlaix dès 1830 pour accompagner les danses locales. Elle est souvent associée à un tambour. On la rencontre à Locquénolé et a probablement accompagné le jabadao. Jean-Michel Guilcher précise aussi au sujet de la dans Treger, que lorsqu’il y a deux clarinettes, elles jouent à l’unisson et ne suivent pas les règles du kan a diskan. Cette règle pourrait être valable pour le jabadao. D’après le témoignage d’Anatole Le Bras cité plus haut, la vielle, (appelée gen a gen ou gidigin), est utilisée à Locquénolé vers 1879-1880. Cet instrument est mentionné dans le pays de Morlaix déjà bien avant. Jean-Michel Guilcher a recueilli à Locquénolé et dans la région les témoignages de personnes nées vers 1870 qui se souvenaient avoir entendu des vielleux dans leur jeunesse. (Musique bretonne histoire des sonneurs de tradition page 176). Des témoignages et des photos permettent d’affirmer aussi que clarinettes, tambours et vielles ont joué ensemble pour accompagner les danses dans la région de Morlaix. Mais les vielleux seront supplantés par les clarinettistes et cesseront toute activité à la fin du XIXe siècle. Rien ne permet d’affirmer que le couple biniou bombarde ait accompagné le jabadao à Locquénolé. Anatole Le Bras évoque souvent le chant à danser dans cette région mais rien n’a été trouvé en ce qui concerne le jabadao.

Cet air est joué huit fois en tout. M.J. Geffroy et F. Guilcher, Locquénolé, 1949

CD de référence

1. Jabadao - couple kozh - Michel Savidan et Daniel Launay
2. Jabadao - vielle - Ingrid Blasco
3. Jabadao - clarinettes et tambour - Fañch Perennes,
Guillaume Laizet et Killian Goareguer
4. Jabadao - clarinettes et vielle - Fañch Perennes, Guillaume
Laizet et Ingrid Blasco

 
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Mode vestimentaire

Cet article concerne les costumes portés par la classe paysanne dans les années 1860-1880 dans les communes de Locquénolé, Taulé, Carantec et Henvic, c’est-à-dire dans cette presqu’île située en limite entre le Trégor à l’est et le haut-Léon à l’ouest. Cette situation de presqu’île aurait pu entraîner un isolat en matière vestimentaire. Il n’en est quasiment rien, les costumes masculins appartiennent, par leur coupe et par leur aspect général, au style qui s’est perpétué plus longtemps que partout ailleurs dans les habits « à la française » et notamment dans les évêchés de Trégor et du Léon. Les femmes viennent d’adopter la mode des grands châles qui s’étendra sur toute cette Bretagne septentrionale. Sur la période 1860 à 1880, seule la coiffe présente des particularismes constants aux quatre communes de cette presqu’île, conséquence de la fragmentation des coiffes communes au Léon et au Trégor. Cette coiffe appelée « taoledenn » (coiffe de Taule) se compose de deux parties (une passe cousu à un fond), elle enveloppe la totalité de la chevelure montée à l’arrière en chignon. Vers 1880, cette coiffe « taoledenn » évoluera pour présenter un aspect plus ondulant avec une passe aux angles arrondis et absente de tout pliage. Une tendance s’amorce pour un rétrécissement progressif de cette coiffe dans toutes ses composantes.

Taoledenn de 1860. Collection Musée Départemental Breton (Quimper)

Ressources

• Carte des enclaves de Dol : http://eric.havel.free.fr/  dioceses/images/CRTEVCH.jpg
• Clarinettes et anciennes danses populaires du Trégor,  Dastum Bro Dreger
• Creston René-Yves, Le costume breton
• Guilcher Jean-Michel, La tradition populaire de  danse en Basse-Bretagne
• Lasbleiz Bernard, Ma’m bije ket kreion, Dastum
• Le Braz Anatole, Carnets de notes
• Musique bretonne, Histoire des sonneurs de tradition,  Le Chasse-marée-Armen
• Site infobretagne.com - Les bénéfices du diocèse de Dol
• Stage de danses du Trégor animé par Naïk Raviart à  Pédernec Site Locquénolé patrimoine

Remerciements

• Merci à Bernard Lasbleiz pour son aide précieuse  pour la partie accompagnement musical
• Les musiciens du CD de référence
• Merci à Daniel et Réjane Labbé pour la partie mode  vestimentaire.

Rappel

La Commission danse de Kendalc’h tient à rappeler un certain nombre d’éléments qui prévalent à l’élaboration de cette  fiche de danse. Il en est strictement de même pour toutes les fiches à ce jour publiées. La version proposée dans une fiche de danse fait suite à une étude longue, profonde et sérieuse qui s’appuie sur des sources et témoignages fiables. Cette fiche qui se veut un témoignage intangible, valorise une version, probablement la plus répandue de cette danse. Mais tout naturellement, même si nous la considérons comme majeure, cette version ne peut en aucun cas se prévaloir d’être l’unique version, il peut exister des variantes, liées à l’époque de référence, les lieux, l’âge et l’implication des personnes qui ont été porteuses de cette tradition et qui nous l’ont transmise. Penser différemment, serait totalement contraire à l’éthique qui entoure notre action vis-à-vis de notre environnement patrimonial.