Fiche de danse

Contredanse d'Hillion

Terroir

Pays de Saint-Brieuc

Vidéos et musiques

   

Rédacteurs

Cette fiche a été rédigée en 2019 par Michel Guillerme suite à un collectage à Hillion en 1973. La commission danse l’a désigné comme référent de cette danse.

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Famille de danses

Contredanse

Structure de la danse

Danse unique

Accompagnement traditionnel

A la goule (voix)
Violon
Vielle

Forme de la danse

 

Contredanse d’Hillion par le cercle celtique de Penthièvre de Saint-Brieuc, copie d’écran de Danses de toutes les Bretagnes - vol. 1 - Le Penthièvre. Collection Kendalc’h
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Appellation

Le nom de contredanse est celui qui était employé par les personnes auprès de qui la danse a été collectée. Le nom de la commune d’Hillion lui a été accolé pour la localiser au moment de l’étude de la danse.

Situation géographique et historique

Cette contredanse a été collectée dans la commune d’Hillion, plus précisément à la Ville Orin. Il est très vraisemblable que cette danse n’ait été pratiquée que dans cette commune. Hillion se présente comme une presqu’île au fond de la Baie de Saint-Brieuc, côté Penthièvre. On ne
retrouve aucune trace de cette danse dans les communes limitrophes, Yffiniac notamment où se portaient cependant la même mode vestimentaire et surtout la même coiffe.

Informateurs, témoignages et transmission

« C’était en 1973, Nicole Taillard, une de mes amies du cercle de Penthièvre-Saint-Brieuc, me présenta Cécile Urban. Nous étions tous les trois à l’Université de haute-Bretagne, à Rennes. Cécile, qui habitait à Hillion, me dit que ses parents chantaient et pratiquaient une danse qu’ils appelaient contredanse. Rendez-vous fut pris. Monsieur et madame Urban, cultivateurs, Jean âgé alors de 58 ans et Louise née Guernion âgée de 59 ans, « en pleine forme » et vifs, m’ont offert une version précise et alerte de la contredanse que nous avons pratiquée tout un après-midi pour que je puisse la connaître et, sous leurs conseils, en noter tous les éléments. J’ai fait un enregistrement de deux chants par la mère de Cécile ce jour-là. L’ambiance était chaleureuse.»
Michel Guillerme

Occasion de danse

Ce sont celles que l’on retrouve un peu partout en Bretagne,  dès lors qu’il y avait des rassemblements, mêmes modestes,  de population. Ce sont au premier titre, les noces qui étaient  de belles occasions de réjouissances et où la communauté à  la fois familiale et du voisinage aimait à se divertir. Ces jourslà,  il y avait des musiciens que l’on ne vo ait pas pour des  occasions plus fréquentes et plus simples, telles à l’issue de  travaux qui s’effectuaient aussi de façon communautaire :  ce sont les buées, les « batteries », les « pileries d’piace »  et toutes les activités paysannes en commun qui ponctuent  l’année de travail. Ces jours-là on dansait « à la goule ».

Groupe familial du fond de la Baie (Hillion, Yffiniac) On y voit que les jeunes femmes ont adopté le Bonnet de Saint-Brieuc tandis que les femmes plus âgées ont conservé le Bonnet carré (deux femmes portent le Dalais, la coiffe voisine). Collection Michel Guillerme
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Origine et famille de danse

Il est assez surprenant de trouver l’appellation contredanse (prononcé aussi « conterdanse », effet de la métathèse, courant en gallo) surtout de façon isolée. Dans les localités voisines, Langueux, Plédran, Plaintel, Saint-Carreuc, on parle de guédaines ou de balancières. Pour ce qui est du Penthièvre, il faut aller à Plenée-Jugon (« conterdanse » est le nom usuel par la population de la kerrouézée) et Plessala pour retrouver ce nom de contredanse. Le nom de « contredanse » est apparu pour la première fois en France au château de Fontainebleau en 1684. C’est une déformation phonétique du nom anglais « country dance ». Cette appellation désignait une toute nouvelle manière de danser, importée donc des îles britanniques. Le total engouement qui sévissait outre-Manche n’a pas tardé à vite se répandre en France, et plus tard en Bretagne. Les raisons en sont connues : de la danse festive, au caractère fortement communautaire, qui intègre facilement des différentes composantes de la société, simple, où importe plus le déplacement et la forme que la qualité ou la complication du pas : c’est un peu tout cela  nous allons retrouver dans notre contredanse du bord de la mer, la Manche !

Forme et structure de la danse

La forme originelle de la contredanse est le double-front : un front d’hommes face à un front de femmes, devenu alterné en Bretagne, et un seul double-front. En Penthièvre, ce doublefront n’est plus qu’un lointain souvenir et d’autant plus pour cette contredanse d’Hillion où la référence à un pas « techniqué » (tel celui du branle ancien que l’on retrouve dans les avant-deux du haut-Penthièvre), est absente. L’importance donc dans cette contredanse tient surtout dans sa forme qui s’exprime par le jeu du déplacement à quatre personnes. Ici, l’unité de danse est la « quadrette » où deux couples se font face. La danse fonctionne comme un avant-quatre : dans chaque couple, l’homme tient sa cavalière à sa droite par la main. Les quadrettes sont totalement indépendantes les unes des autres. Il est notable que cette contredanse unique, par  son déplacement, son allure générale, se termine comme  toutes les danses du pays de Saint-Brieuc. À l’instar des balancières,  guédaines et autres voisines, le « haossé » des cavalières  est de mise, d’ailleurs en lui donnant encore plus de panache.

Technique de pas

48 temps sont nécessaires pour effectuer une formule complète de la danse. Elle se compose d’un double avantquatre (ce qui signifie que cavalier et cavalière se tiennent par la main), d’un croisé, d’un nouvel avant-quatre, d’une chaîne anglaise qui se finit à deux et d’un haossé des cavalières.

Premier et deuxième avant-quatre

Le premier avant-quatre s’effectue sur 8 temps, 4 pour avancer, 4 pour revenir à sa place de départ en reculant. Le pas est celui d’un pas de quatre simple, succession d’appuis gauche droit gauche et appui continu avec légère surrection aux temps trois/quatre. Le départ se fait en partant du pied gauche, le retour en partant du pied droit. Les prises d’appui se font strictement pied à plat d’emblée, à savoir que le pied pose au sol sur toute la plante dès la prise d’appui. L’homme tient la main de sa cavalière, le mouvement est un balancé affirmé, départ bras en bas, sur les temps impairs les bras tendus, mais souples, vont vers l’avant, sur les temps pairs les bras redescendent vers l’arrière mais ne dépassent pas ou peu l’axe du corps.
Le deuxième avant-quatre est la répétition exacte du premier, excepté pour les bras. Au temps 7 lorsque chacun se tient sur le pied droit, les bras (le droit pour l’homme, le gauche pour la femme) se plient en remontant, le poing à la hauteur des épaules.

Croisé

Le croisé (8 temps) sert à chaque couple pour changer de  place avec son voisin. Il se fait en six temps marchés. Au  septième temps, le pied gauche se pose à l’assemblée du  pied droit et au huitième temps, surrection, appui double  gauche/droit. Il se fait selon deux possibilités :

• Croisé de face : les deux couples se font face et décrivent une sorte de demi-lune pour prendre la place du couple voisin au temps 6. Les deux temps suivant se font de préférence en place. Les bras qui sont restés relevés, s’abaissent au temps 8.
• Croisé en pont : le pas est le même que précédemment, un couple fait le pont en levant les bras, l’autre passe en dessous en gardant les bras pliés et relevés. Une fois croisés, vers le temps quatre, chaque couple continue sa trajectoire pour prendre, dans la même position la place du couple voisin. Au temps huit, les bras s’abaissent au moment de l’appui double et de la surrection.

Troisième avant-quatre

Le troisième avant-quatre se fait comme le deuxième (pieds et bras).

Chaîne anglaise

La chaîne anglaise, y compris le tourné à deux et le haossé des cavalières, se fait sur 16 temps. Le pas est celui d’un couru plus net et vif sans qu’il soit vertical. Chaque cavalier s’avance vers son vis (cavalière en face) et très rapidement les deux se tiennent bras droit dans bras droit pour commencer à effectuer donc une chaîne anglaise. Les femmes restent sur place, puis les deux hommes ayant accompli un demi-tour avec le vis-à-vis reviennent vers la cavalière de départ en se passant quasiment de dos et en tendant cette fois le bras gauche. La chaîne continue et chaque cavalier la termine en recroisant et en récupérant celle qui était le vis-à-vis, ceci s’effectue sur environ 12 temps. Il reste donc 4 temps où les couples formés, l’homme tenant la femme par les avant-bras, ceux de la cavalière sur ceux du cavalier, continuent la rotation d’un demi-tour sur 2 temps face à face, et en terminant l’homme à droite par rapport à la position de départ, la femme à gauche. Sur les deux temps
suivants (qui clôturent la danse) l’homme, sur un demitour procède au haossé de la cavalière afin que chacun(e) se retrouve en bonne place pour redémarrer la danse.

Haossé

Le haossé se fait sur deux temps (temps 15/16 de la chaîne anglaise). Le temps 15 est musicalement un point d’orgue, le cavalier est en appui double, les deux (homme et femme) fléchissent les genoux en une sorte d’appel, et c’est la cavalière qui s’appuyant sur les avant-bras du cavalier, se projette vers le haut en se penchant, jambes droites, sur le cavalier qui lui, fait en sorte de poursuivre la montée et surtout de freiner la descente tout en procédant au demi-tour. Au temps 16, la cavalière, pieds joints, se rétablit au sol. Les quadrettes sont recomposées, ce sont les cavalières qui ont changé de côté à chaque fois, la danse recommence sans temps d’arrêt.

Style

La population concernée, même vivant près de la côte, est très majoritairement rurale. Le style de cette danse est celui d’une danse « en contact » fort avec la terre. Sans qu’il y ait de la violence, naturellement, une certaine rudesse est présente dans les contacts. Un style faussement élégant et compassé est totalement hors de mise ici. Dans les contredanses anglaises du XVIIIe siècle (cf le film « Pride and Prejudice » 2006), cette forme de rudesse est visible. Le mouvement des bras dans les parties avant-quatre est vif et marqué. Les prises d’appui au sol sont elles-mêmes affirmées. Lorsqu’on se saisit pour la chaîne anglaise, on le fait avec une certaine force, et ceci autant de la part des femmes que des hommes. Le plaisir à danser passe par ce contact direct sans sophistication, il est d’ailleurs rare que l’on se regarde. Je me souviens très bien de la réaction de  Louise Guernion qui devait me trouver trop « ampoulé » dans  mon attitude, pour elle, il fallait un vrai contact, une vraie prise  de bras pour la faire tourner dans la chaîne et voilà ce qu’elle  me disait à plusieurs reprises : « mé, pogne don, hal’ don sû  maï ! » pour qui connait le gallo, cela veut tout dire…

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Mode vestimentaire

À l’époque où j’ai collecté cette danse, il y avait des décennies qu’une mode vestimentaire dite traditionnelle n’était plus qu’un lointain souvenir. Le costume féminin dans ce qu’il avait de spécifique a disparu aux alentours de la première guerre mondiale, celui de l’homme dès le milieu du XIXe siècle. La coiffe a perduré pour certaines femmes jusqu’à l’entre-deux guerres, rares sont les femmes qui l’ont conservée ensuite, jusqu’au tout début des années 1970. Pour ce qui est du costume féminin de cérémonie à son apogée maximum (de la fin du XIXe siècle à la Grande Guerre) à Hillion, il ne diffère que très peu de celui du reste du Penthièvre. Jupes et caracos sont à la mode de leur époque, devantière toujours à petite bavette, de couleur noire et grand châle de mérinos brodé ou non, de couleur (vert, brun, ocre soutenu, principalement, « lie de vin » quelquefois, très souvent noir) viennent compléter la mise. La coiffe est très particulière, c’est un bonnet carré, portant quelquefois le sobriquet de « boîte à laver » (par ressemblance à cet objet). Elle est la forme mère de tout un ensemble de coiffes que l’on retrouve dans tout le Penthièvre central, Moncontour et Lamballe pour les villes principales. Si l’on adhère à l’étude théorique de René-Yves Creston, elle est à l’origine des coiffes constituant la région qu’il a intitulée « la Bretagne médiane » qui se poursuivrait jusqu’à Guérande en passant par le Vannetais-Gallo.

Femme d’Hillion. Collection Alain Piriou
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Cette coiffe, qui a assez peu évolué depuis son origine, se  retrouve dans les trois communes de Langueux, Yffiniac et Hillion.
À Langueux les liens de la coiffe sont remontés et croisés  sur celle-ci alors qu’à Yffiniac et Hillion, ils sont pendants à l’arrière).  Comme cela s’est passé pour presque toutes les coiffes
traditionnelles de la proche région de Saint-Brieuc, le bonnet  rond des artisanes de la ville s’est imposé parmi la dernière  génération et ainsi a supplanté la coiffe originelle, seules les femmes âgées et les inconditionnelles l’ont conservée.
A gauche : Bonnet carré d’Yffiniac/Hillion de la première moitié du XXe siècle, monté par Frédéric Raffray.
A droite : Madame Redon, habitante d’Yffiniac vers 1914-1918.
Collection Michel Guillerme
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Accompagnement musical

Comme dans toute la haute-Bretagne, le premier des accompagnements est « à la goule », ce qui signifie que ce sont les danseurs eux-mêmes qui chantent. Puisque l’on dansait souvent à la fin de travaux collectifs et des simples petites fêtes familiales ou entre voisins, il n’y avait pas de musiciens présents. Ce chant n’a pas de structure ni élaborée ni fixe, chacun y va de son gré ou non. Louise Guernion m’a chanté deux airs que j’ai enregistrés :
« Y’a d’la liette dans l’bâs du pré… »
« J’irai bien en un jour de Lamballe… à Moncontour»

Lors des fêtes plus importantes, les mariages notamment, on payait des musiciens pour animer la noce du matin au soir : le matin pour mener le cortège à l’église, la mairie, le lieu du repas, et les « danceries » ou saoutries » qui se déroulaient tout au long pour la suite des réjouissances… Et là se sont soit un joueur de violon, soit un joueur de vielle qui menaient la danse. Nous sommes dans un terroir où la vielle s’est imposée dans la seconde partie du XIXe siècle sans jamais totalement supplanter le violon, mais celui-ci a vu cependant son rôle diminuer.

Joueur de vielle en pays d’Hillion (extrait de photographie) - Collection Michel Guillerme                                              

CD de référence

• 1 - Contredanse d’Hillion - vielle - Pascal Etesse - extrait de Danses de toutes les Bretagnes
• 2 - Voici Jean qui vient - chant - Louise Guernion
• 3 - Y’a d’la liette dans l’bâs du pré - chant - Louise Guernion
• 4 - J’irai bien en un jour de Lamballe à Moncontour - chant - Louise Guernion
Airs collectés par Michel Guillerme en 1973

 

Ressources

• Danses de toutes les Bretagne - volume 1 - Le Penthièvre - Kendalc’h
• Creston René-Yves - Le costume breton
• Mariages en Bretagne - 1921 - Coop Breiz/Kendalc’h

Rappel

La Commission danse de Kendalc’h tient à rappeler un certain nombre d’éléments qui prévalent à l’élaboration de cette  fiche de danse. Il en est strictement de même pour toutes les fiches à ce jour publiées. La version proposée dans une fiche de danse fait suite à une étude longue, profonde et sérieuse qui s’appuie sur des sources et témoignages fiables. Cette fiche qui se veut un témoignage intangible, valorise une version, probablement la plus répandue de cette danse. Mais tout naturellement, même si nous la considérons comme majeure,  cette version ne peut en aucun cas se prévaloir d’être l’unique version, il peut exister des variantes, liées à l’époque de référence, les lieux, l’âge et l’implication des personnes qui ont été porteuses de cette tradition et qui nous l’ont transmise.  Penser différemment, serait totalement contraire à l’éthique qui entoure notre action vis-à-vis de notre environnement patrimonial.