Fiche de danse
Laridé de la côte
Mode de Carnac (1890-1915)
Terroir
Pays de Vannes - Pays d'Auray
Vidéos et musiques
Rédacteurs
Une fiche strictement technique est parue dans un Breiz de l’année 1966, elle avait été rédigée par Jean Guihard suivant les données de Roger Pévidic, référent de l’époque.
La nouvelle fiche de danse a été élaborée et rédigée par Morvan Jégou en 2015, à partir d’études et d’informations recueillies auprès d’enquêteurs. C'est donc lui que la confédération Kenleur a désigné comme référent de cette danse pour le Répertoire Commun. Tugdual Jaffré a été désigné personne ressource.
Collection Cartopole de Baud
Famille de danses
Branle simple
Structure de la danse
Danse unique
Accompagnement traditionnel
Chant
Couple binioù / bombarde
Forme de la danse
Appellation
La manière la plus exacte de qualifier cette danse serait « danser (à) Laridé » ou « danser au laridé ». En breton, les anciens disaient « Dam d’er(l) laridé » : « allons au laridé », qu’on peut traduire par « dansons le laridé ». La formulation originelle de la danse en breton : er(l) laridé viendrait de l’usage de ritournelles comme « laridé, lonla laridenn, laridon, larida, etc…» ; lorsque le français s’est généralisé (entre les deux guerres), la première syllabe a été comprise comme l’article français « la » d’où « la ridée » et « une ridée ». Le terme en français « un laridé » est arrivé plus tardivement, notamment avec les cercles. Le laridé étudié ici peut être désigné comme « laridé mod Karnag » (laridé à la mode de Carnac), bien que les communes avoisinantes puissent également le danser.
Situation géographique et historique
La situation géographique des communes où se localise la danse approchée est centrale à la côte sud du Morbihan, entre Lorient et Vannes, de Port-Louis à l’extrême ouest à Arradon à l’extrême est, plus précisément pour la danse présentée entre la rivière du Bono et celle d’Etel. La ville la plus importante de cette région est Auray, de par son administration et son commerce qui ont fait et font d’elle la ville principale de cette partie de la côte sud. Nous sommes en pays bretonnant vannetais, et dans l’aire géographique de la mode des costumes de Vannes et Auray.
Le laridé (dont celui dansé sur la côte) étant une danse très populaire. Il a été pratiqué très largement, avec quelques variantes différentes. Il n’est donc pas aisé de définir exactement son aire, car elle bouge au même titre que la population bouge de commune en commune. Il existe néanmoins un « centre » où la danse s’est pratiquée et où les recherches pour cette fiche se sont portées. Nous noterons donc une zone d’influence de la danse où elle a été dansée, et les communes où la danse est avérée comme dansée à la mode de cette fiche.
Informateurs, témoignages et transmission
Divers témoignages de Philippe Jégou, Jorj Belz, Jean-Paul Rieux, Rémy Kergozien, Joël Paulo, Pierre Kergozien, Tugdual Jaffré.
Occasion de danse
Noce bretonne, la ridée
Collection Cathy Goubil
A cette époque, les kermesses n’existent pas encore, sauf exception. Les danses à la sortie des messes étaient pratiquées uniquement lors de mariages, et loin d’être généralisées, certains recteurs étant récalcitrants. Les danses se pratiquaient alors dans la partie festive du banquet qui s’en suivait. On danse à la fin des battages, dans les veillées d’hiver parfois où on range la table et les bancs pour laisser de la place, bien qu’étaient plutôt privilégiés les chants à écouter. On danse aux anniversaires également, qu’on commence à fêter. Jorj Belz a beaucoup interrogé les personnes nées vers 1880 : leurs témoignages vont tous en ce sens. A cette époque, les danses à la fin des pardons sont à peine tolérées. Mais il commence à y avoir des concours de danse dans des fêtes organisées pour les premiers touristes.
Origine et famille de danse
Le laridé trouve son origine dans le branle simple de la Renaissance, qui lui-même aurait une origine plus lointaine, retrouvant traces par quelques textes au XVe siècle, voir avant (cf. Guilcher p. 333-335). En effet, Thoinot Arbeau dans son œuvre « l’Orchésographie », décrit cinq branles majeurs dont les structures de trois d’entre-eux paraissent-être fondamentales (branle double, branle simple, branle gai). Le branle simple, dansé partout en France et dans une partie de l’Europe, arrive en Bretagne par l’est vers l’ouest. Il en découle bon nombre de danses, et semble s’être particulièrement implanté dans le pays vannetais large, gallo et bretonnant. On retrouve aujourd’hui des airs de marches ou de mélodies qui viendraient de cette danse et permettent de mettre en lien l’origine commune de la danse. Cette danse a évolué en Bretagne pour donner une formule archaïque de l’hanter-dro, d’un style assez dynamique avec une tenue par les bras ou par les mains, qui implique déjà l’idée d’un mouvement ou du moins d’un balancement des bras, volontaire ou non. Elle évolua de manière à devenir l’hanter-dro, tricotets ou tricot, et ses dérivés. Basée sur 6 temps, la danse s’est pourvue d’un mouvement de bras volontaire et novateur la plaçant au rang de ridée. La première mention connue date de 1860 (cf. Guilcher p.360). Ce qui démontre l’essor de ces danses dans le dernier tiers du XIXe siècle. Ce fameux mouvement original de bras viendrait de la région pontivienne avec le laridé-gavotte pontivien de type cornouaillais, et sa propagation aurait rayonné sur une large étendue (sud-ouest, sud, sud-est), en y adaptant le phrasé dansé et tempo gavotte de la région pontivienne. Cette propagation fait apparaître des laridés ou ridées sur phrasés à 8 temps aux structures différentes du nord au sud, de Pontivy à Vannes, et son aire s’élargit vers l’est depuis Pontivy jusqu’à englober Josselin. Les versions des zones latérales à cet axe gardèrent la structure du pas à 6 temps et adoptèrent le mouvement de bras où réside l’essentiel de la nouvelle danse. Différentes sources permettent de situer l’apparition du laridé sur la côte entre 1880-1890 (sources Jean-Michel Guilcher et Jorj Belz) où une danse ancienne est déjà bien implantée : l’en-dro (possédant comme origine probable le branle double), celle-ci évoluant dans sa forme entre autre pour donner l’en-dro « daou ha daou »… Néanmoins, le laridé gardera cette forme en ronde, supplantera la forme ancienne de l’en-dro, et se caractérisera pour les danseurs par l’attrait du jeu de bras dynamique. La dernière évolution fait état d’un léger recul des formules à 8 temps sur les zones tampons aux abords de cet axe au profit de la formule sur 6 temps, et de variantes type danses jeux, qui gardent la base du pas et des bras en laridé.
Collection Catoploe de Baud
Forme et structure de la danse
C’est une ronde composée d’une succession homme/femme, voire femme/femme, jamais homme/homme. La progression de la ronde se fait toujours vers la gauche. Traditionnellement, il n’y a pas de rondes concentriques. La formation consiste en une seule et même ronde, avec un ajout possible de personnes au fur et à mesure de la danse avec un départ soit direct du meneur (la ronde devant se caler sur ce départ), soit compté, ou lancé après le démarrage du chant (souvent une reprise de phrase musicale).
Technique de pas
Pour toutes les formules, le buste reste face au centre de la ronde, les bras légèrement écartés du corps. Les genoux jouent un rôle pour l’amorti, notamment aux temps 5 et 8. La prise des mains se fera majoritairement par les majeurs (parfois par la petite main), façon la plus courante chez les danseurs nés avant 1914, puis plus fréquemment par les petits doigts après cette période.
Formule classique :
Temps 1 : Déplacement du pied gauche vers la gauche, bras allongés vers l’avant entre la poitrine et le bassin.
Temps 2 : Rapprochement du pied droit vers le gauche jusqu’à l’assemblé. Les bras allongés redescendent vers l’arrière et peuvent dépasser légèrement le bassin.
Temps 3 : Déplacement du pied gauche vers la gauche, bras allongés vers l’avant entre la poitrine et le bassin
Temps 4 : Rapprochement du pied droit vers le gauche jusqu’au joint, les bras continuent leur progression en montant à la hauteur des épaules avec énergie. Les mains se retrouvent au niveau des épaules à la fin du mouvement (suite à un léger enroulement).
Temps 5 : Les talons décollent légèrement du sol sous l’impulsion des bras, les genoux se déplient naturellement sous l’impulsion des bras. Les bras repartent légèrement vers le haut pour redescendre en avant du corps (chemin inverse de l’enroulement).
Temps 6 : Les talons se reposent au sol, bras allongés redescendent vers l’arrière. Ils peuvent dépasser légèrement le bassin.
Temps 7 : Le pied droit se lève pour se reposer légèrement en arrière ou légèrement à droite du pied gauche qui est décollé du sol. Le pied droit amorce une légère surrection sur la plante. Les bras sont allongés vers l’avant entre la poitrine et le bassin
Temps 8 : Le pied droit termine la surrection, le genou se déplie naturellement sous l’impulsion du pied. Les bras allongés redescendent vers l’arrière, ils peuvent dépasser légèrement le bassin
Variantes
Pour ce qui est des variantes, elles diffèrent suivant les danseurs et sont non obligatoires sur la totalité de la danse. Elles sont une forme d’expression personnelle dans la danse collective. La plus spécifique et usitée pour cette zone est un croisé du pied droit devant la jambe gauche sur le temps 2 de la danse, marquant l’appartenance de cette formule à ce territoire. La partie sur place permettait l’expression individuelle au sein de la ronde. Plus pratiquée et plus voyante chez les hommes. « Ema ret gounid hur bouid » : il faut gagner sa croûte. Cette expression a été entendue par Jorj Belz auprès d’une de ses sources parlant de ses parents et qui évoquait la recherche de pas et la peine qu’on pouvait se donner dans la danse en remuant des pieds. Il s’agit là de formules liées à des individus, et non partagées par l’ensemble de la ronde. Ainsi, il était possible de voir un petit arrondi ou un/des tapé(s) du pied libre sur le temps 4.
Style
Il est primordial de considérer cette danse comme une danse communautaire, de campagne, et donc dansée par une population majoritairement rurale. Le plaisir et la beauté de cette danse réside dans l’harmonie générale et l’énergie du mouvement de bras. Ce mouvement de bras est prédominant, ample et énergique, mais non raide.
L’allure de la ronde est posée, avec un déplacement latéral important (de l’ordre d’une à deux places dans la ronde selon l’écartement des bras), mais non forcé. Les prises d’appuis se prennent à plat sur les déplacements (excepté pour les formules avec fioritures.) La souplesse du corps réside essentiellement dans les genoux et ne doit pas être exagérée.
Modes vestimentaires
Collection Cathy Goubil
Pour cette région de la côte, le costume de fête féminin se compose d’une longue robe généralement de mérinos noir enrichie d’une bande de velours dans le bas et sur les manches, accompagnée d’un tablier caractérisé par une grande bavette de forme triangulaire, et d’une guimpe au bord supérieur travaillé se plaçant dessous. Nous trouvons également une mode à châle, plié de façon triangulaire avec une pointe vers l’arrière et deux pointes vers l’avant croisées sous la bavette qui est plus petite, et laissant découvrir la guimpe travaillée de broderie blanche ou noire selon les affinités. La coiffe de cérémonie en mousseline ou en gaze, possède un pli central sur sa largeur. Ce pli a trois « éperons » (er houif tri kintr). Pour la vie courante, les femmes portent un chemisier uni, à rayures ou carreaux, mais souvent noir (le caraco), une jupe et un tablier sans bavette. La coiffe est de velours. Certaines préfèrent un fichu blanc noué sur la tête de façon triangulaire, la pointe vers l’arrière.
Le costume de cérémonie masculin se compose d’un chapeau de forme ronde agrémenté d’une bande de velours cousue sur sa partie supérieure et laissant tomber deux pans vers l’arrière. Les hommes ont conservé une silhouette ancienne avec une ceinture de flanelle portée sur les hanches, un pantalon à pont uni ou rayé selon les modes nouvelles, et des cols de vestes et de gilets très hauts sur le cou.
Collection Cathy Goubil
Accompagnement musical
L’accompagnement le plus usité était le chant, à répondre au meneur au sein de la ronde. Il est intéressant de noter que de nombreux airs de laridés sembleraient être des airs de marche à l’origine. Ceci donne pour beaucoup d’entre eux une structure très bien découpée. Bien que chants à raconter et chants à décompter existent, ces derniers semblaient moins estimés. Les chants en breton étaient majoritaires, les chants bilingues rares et les chants en français assez nombreux (beaucoup chantaient en français sans trop comprendre les paroles et en les déformant beaucoup, mais ils chantaient quand-même...). C’est environ à partir des années 1930, du fait d’un apprentissage plus poussé (voir obligatoire et punitif) du français à l’école, que les jeunes générations se mettent à chanter principalement en français. Cette évolution peut également avoir un lien avec le déclin de la population du fait de la première guerre mondiale. Le couple biniou koz/bombarde était également très prisé, et certains très réputés. On retrouvait les sonneurs plutôt lors des noces, car leurs services étaient onéreux. A tel point que très vite, les familles modestes remplacent le couple de sonneurs par un unique joueur d’accordéon diatonique, moins cher. Le chromatique fera son apparition un peu avant la seconde guerre mondiale.
Tempo
Il est difficile de donner un cadrage précis du tempo, car suivant les sources, les témoignages divergent. En effet, le tempo changeait en fonction de l’interprète, de l’ambiance, etc... Nous savons qu’il est moins rapide que les airs à danser de la région de Baud. Il en ressort tout de même aux vues des enregistrements sonores et des danses visionnées que le tempo est plutôt posé. Nous pouvons prendre une fourchette entre 100/105 noires/minute et 140-145 noires/minute. Un tempo pris au début du morceau se devra d’être préservé, en se permettant une légère variation non volontaire (pas plus de 10 noires/minute).
Laridé 1 - air traditionnel
Laridé 2 - air traditionnel
CD de référence
Pour cette fiche, Morvan Jégou s’est basé sur les retranscriptions et informations des personnes-ressources. Elles ont ainsi pu lui transmettre des références musicales aussi bien en chant qu’en musique. Malheureusement, des enregistrements d’origine faisant défaut, nous retrouverons ici un travail de qualité réalisé ultérieurement à l’époque indiquée de la fiche. Comme écrit dans la fiche, les enregistrements du CD font la part belle aux chants et couples koz, instruments les plus usités durant cette période.
Musiciens et chanteurs présentés sur le CD
Chant : Les Trouzerion (Job Kerlagad (1902-1996), Jean Le Meut (1925-2012), Jorj Belz, Jean-Paul Rieux, Alain Le Goulven, Jean-Michel Le Bourdiec)
Couple kozh : Enregistrements sonores de Dastum avec Jean Magadur (1908-1981) à la bombarde, Joël Paulo et Pierre Kergozien, Remy Kergozien et Didier Durassier
Airs présentés sur le CD
-
Sonnen er melinèr - chant - Trouzerion
-
An douar neuè - chant - Trouzerion
-
Enregistrement d’une veillée dans les années 1970 - chant - Job Kerlagad et les Trouzerion
-
Felalura - chant - Trouzerion
-
Er familh Geriginenn - chant - Trouzerion
-
Enregistrement de Jean Magadur
-
Enregistrement de Jean Magadur
-
Enregistrement de Jean Magadur
-
couple kozh - Kergozien et Durassier
-
couple kozh - Kergozien et Durassier
-
couple kozh - Kergozien et Durassier
-
couple kozh - Paulo et Kergozien
-
couple kozh - Paulo et Kergozien
Collectage Dastum
Collection Joël Paulo
La ridée
Collection Cartopole de Baud
Ressources
- Guilcher Jean-Michel, La tradition populaire de danse en Basse-Bretagne, Coop Breizh - Chasse-Marée/Armen, 1995 (première édition : 1963)
- Douar Alré, danses et chants du Pays d’Auray, édité par Douar Alré
- Vidéos de collectage sur un pardon en pays de Mendon et sur Job Kerlagad et le groupe Trouzerion.
- Enregistrements sonores et vidéos réalisés par le cercle « Kerionned Lann Karnag » et Georges Paugam dans les années 1970
- DVD Apprenez les danses bretonnes, volume 2, Kendalc’h
- Liste non-exhaustive de personnes entendues de cette époque et dont on peut retrouver des enregistrements :
- Chant : Josef Guillam dit « Job Kerlagad » de Carnac, Pierre Thomas de Ploemel, Marie-Louise Le Daniel de Mendon
- Sonneurs : François & Jean Magadur (père & fils) de Carnac, Louis Le Moign dit « Bombardér » de Carnac, Xavier Burgain de Crac’h
Remerciements
- Rédaction de cette fiche : Morvan Jégou
- Responsable danse traditionnelle et relecture : Michel Guillerme
- Transcription des partitions : Loïc Le Cotillec
- Crédits photos : Cartopole de Baud, Cathy Goubil, Joël Paulo