Fiche de danse
Avant-deux de Long du Pays de Châteaubriant
Terroir
La Mée
Vidéos et musiques
Rédacteurs
Cette fiche de danse a été rédigée en 1978 par le Docteur Tricoire. La confédération Kenleur a désigné David Bourdeau comme référent de cette danse pour le Répertoire Commun.
Famille de danses
Contre-danse
Structure de la danse
Danse unique
Accompagnement traditionnel
Gavottage
Violon
Accordéon
Forme de la danse
La première fiche, dite à l’époque « fiche technique », a été établie par le Docteur Tricoire en 1978 et parue dans le journal Breizh de la même année. Pour satisfaire aux nouvelles exigences de la fiche de danse, et suite à de nouvelles enquêtes et études approfondies, voici à partir des travaux du Docteur Tricoire qui restent totalement inchangés et fondamentaux, une version enrichie de cette danse majoritaire en son pays. La transmission et l’enseignement actuels ont été confiés, par la commission danse de Kendalc’h, à David Bourdeau.
Appellation
Lors de la rédaction de la première fiche relative à cette danse en 1978, le docteur Tricoire a adopté le nom d’ « avant-deux de Châteaubriant ». Sans remettre en cause cette appellation, il nous est apparu important d’ajouter quelques termes pour mieux rendre compte de la forme de la danse et de l’étendue de son aire de pratique : l’ « avant-deux de long du pays de Châteaubriant ». Bien évidemment, le terme « avant-deux » a son origine dans le fait qu’au départ de la danse, seuls un cavalier et son vis-à-vis (femme qui lui fait face) pratiquent la partie majoritaire de la danse (à savoir avant-deux et traversez). On peut ajouter aussi, puisqu’il s’agit d’une danse « en ligne sur deux fronts » (dixit docteur Tricoire), seuls pratiquent la partie avant-deux et traversez un front d’hommes et le front des femmes qui sont en vis-à-vis, les autres étant immobiles ; lorsque la danse redémarre, ce sont les autres qui dansent … et ainsi de suite alternativement. D’après la définition du docteur Tricoire, nous avons apporté la notion « de long » par opposition à « de travers » utilisée pour décrire l’avant-deux dansé en limite sud. Enfin, malgré toutes les imprécisions que cela comporte, il nous a semblé plus juste d’inclure le mot de « pays » à l’appellation de la danse, celle-ci n’étant pas pratiquée uniquement à Châteaubriant mais plutôt dans les campagnes allant de 10 à 30 kilomètres autour de la ville (la notion de « pays » est donc ici purement géographique). Malgré tout, il est bien entendu que cette danse, au moment de sa pratique, n’était connue dans l’ensemble de son aire d’extension que sous le nom d’ « avant-deux » !
Situation géographique et historique
Pays de la Mée ou pays de Châteaubriant ?
Bien que souvent employée pour désigner le pays de Châteaubriant, nous n’utilisons pas la notion de pays de la Mée dans cette fiche pour deux principales raisons. Tout d’abord, selon les pouvoirs concernés (féodal, ecclésiastique ou judiciaire), la Mée couvre au cours de son histoire des territoires différents allant jusqu’à Redon ou Guérande, c’est-à-dire bien au-delà de notre aire de danse. Au contraire, certaines communes pouvant être apparentées au pays de la Mée moderne (Les Auvernés, Vritz, etc.) ne semblent pas avoir pratiqué l’avant-deux de long.
Diversification des formes
Par rapport à l’avant-deux tel qu’il fut dansé au moment de son implantation (vers 1870 ?) dans la région de Châteaubriant – et tel qu’il s’est maintenu dans tous les avant-deux qui entourent cette zone – l’avant-deux du pays de Châteaubriant classique (objet de cette fiche) s’est réduit vers 1890 à trois phrases musicales (de 16 temps) au lieu de quatre auparavant. Il ne se maintiendra sous sa forme archaïque qu’à la Chapelle-Glain, Saint-Sulpice-des-Landes, Bonnœuvre et Saint-Mars-la-Jaille. En ce qui concerne la forme classique, les deux dernières phrases musicales ont été ramenées à une seule phrase de 16 temps. Les deux va-et-vient du « rencontrez » ont été réduits à un aller de 4 temps en couple ouvert ou fermé, les 12 temps qui restent servant pour le « balancez ». Cette façon de danser s’est rapidement étendue à toute l’aire de l’avant-deux du pays de Châteaubriant (sauf les communes précédemment citées).
Interrogé par le docteur Tricoire, François Vignais, né en 1881 à Villepôt, explique que les danseurs de sa génération avaient cessé de faire le rencontrez à 16 temps (qu’il nomme la double-rencontre) parce qu’ils considéraient cette figure comme une perte de temps, empêchant les acharnés de l’avant-deux de se mettre en valeur sur le pas individuel. Par contre, ses parents effectuaient cette double-rencontre. Entre 1900 et 1914, depuis les confins du pays rennais, le changement de cavalière s’est introduit sur l’avant-deux, par le biais de danseurs sachant mal exécuter le pas (eux-mêmes l’ont précisé). Dans une même noce, les bons danseurs exécutaient le pas d’avant-deux sur les deux premières phrases de 16 temps, tandis que les moins bons valsaient avec la cavalière d’en face (celle qui vient à leur rencontre pour l’avant-deux) pendant la deuxième phrase de 16 temps, (au lieu du traversez par conséquent). C’est cette variante que le cercle celtique de Châteaubriant a baptisée « avant-deux de la Chère » puisqu’elle est centrée autour de cette rivière. Cette forme moderne s’est répandue du nord-est vers le sud-ouest, mais n’a pas gagné les communes de Sion-les-Mines, Lusanger ou Treffieux. Enfin, l’aire de pratique de l’avant-deux s’est réduite entre les deux guerres sur ses franges ouest et nord, au profit de danses au pas marché.
Multiplication des formules de pas
Les enquêtes du docteur Tricoire tendent à démontrer que le pas basé sur quatre temps est le plus ancien connu dans la région (ces informateurs étaient de communes aussi éloignées que Châteaubriant, Héric, la Chapelle- Glain ou Saint-Sulpice-des-Landes). Ces formules d’appuis à quatre temps correspondent tout d’abord aux phrases musicales (16 temps), ce qui peut paraître logique, mais sont également conformes aux structures de pas que l’on retrouve sur d’autres avant-deux de long au nord de Redon ou sur les avant-deux de travers. Ces formules sont basées sur un changement de pas, un posé et un saut et inversement. Même si le docteur Tricoire y voit une origine dans les branles anciens ayant pu être pratiqués dans la région, il est fort probable que l’arrivée de nouvelles danses en couple (valse, mazurka, etc.) aux pas complexes et la volonté de se distinguer, de mettre en avant un style, ont pu conduire les danseurs du pays de Châteaubriant à adopter des formules de pas à trois temps. Ces formules constituées d’un changement de pas et d’un posé (ou un saut) - là aussi on peut les retrouver dans l’ordre inverse
- se sont généralisées auprès des danseurs. Une de ces formules est l’objet de cette fiche. A côté de ces deux formules, des enchainements complexes ont également été relevés et filmés par Jean Tricoire. Ceux-ci doivent être considérés sur huit temps plutôt que trois ou quatre. Enfin, il convient de préciser qu’au moment des enquêtes, dans les années 1960, les plus jeunes dansaient fréquemment sur un pas marché ou un pas de polka.
Informateur, témoignages et transmission
Les principales enquêtes sur le territoire du pays de Châteaubriant ont été réalisées par le Docteur Jean Tricoire entre 1960 et 1965, complétées par les collectages de Patrick Bardoul dans les années 1980. Les enquêtes filmées du docteur Tricoire pendant les années 60 permettent d’avoir un aperçu de la variété des formes existantes et des pas utilisés pour danser cet avant-deux. Les images de Pierre Leroux de Noyal sur Brutz filmé en 1963 (âgé de 69 ans et détenant son pas d’Eugène Chevallier né en 1865) et de Clémentine Poulain de Saint-Aubin-des-Châteaux filmée en 1964 (âgée de 84 ans) dansant sur un pas à trois temps, servent de base à la description réalisée dans cette fiche. Les images des frères Houssais (Erbray), de Jeanne Jouan Raimbaud et André Peslherbe (Saint-Aubindes- Châteaux et Saint-Vincent-des-Landes), Céline Leblais (Moisdon-la-Rivière, Issé), tous en situation de danse sont également riches d’enseignement sur le style adopté.
Occasions de danse
Cette danse se pratique bien évidemment lors des grandes réjouissances communautaires comme les noces, batteries, etc. Interrogée par Jean Tricoire, Clémentine Poulain, née en 1880 et domiciliée à Saint-Aubin-des-Châteaux, cuisinière de noces avec son père depuis l’âge de douze ans, précise qu’au début du bal de noces, en 1900, on jouait successivement l’avant-deux, la chaine anglaise, la pastourelle, l’avantquatre (en voie de disparition), la poule, la polka simple, la polka piquée, la valse, la bourrée (ou badoise). Le reste du bal était à la demande des danseurs, mais l’avant-deux occupait plus de la moitié du temps. Mais on danse également l’avant-deux de façon plus quotidienne, en famille, lors des veillées d’hiver notamment. Interrogé par Patrick Bardoul, Francis Lemaître de Sion-les-Mines précise par exemple : « quand on voulait danser comme ça, on gavottait avec les pinces à palettes, puis allez ... saut’ lui d’sus !! ».
Origine et famille de danse
Nous sommes là en présence d’une contredanse, cette appellation était d’ailleurs usitée par les danseurs anciens (Clémentine Poulain, informatrice du Docteur Tricoire). Cette terminologie renseigne sur l’origine de la forme en double front en vis-à-vis de cette danse. D’autre part on peut aisément avancer que cette danse devenue autonome dès le dernier quart du XIXe siècle ait pu être une figure d’un quadrille démantelé (Patrick Bardoul parle d’éclatement des quadrilles). Cet avant-deux, deuxième figure du quadrille, appelée été (terminologie que le docteur Tricoire a retrouvée chez des informateurs) était celle où les bons danseurs se valorisaient en exécutant les pas « techniqués » que l’on connait. La tradition a agi un peu comme un phénomène d’érosion en délaissant les autres figures de ce quadrille. Ainsi on retrouve bien en pays de Châteaubriant une poule, une pastourelle entre autres qui elles-mêmes sont devenues par force des danses autonomes, mais moins appréciées des bons danseurs et dès le début de la Grande Guerre, elles tombent en désuétude laissant la place comme danse majoritaire voire exclusive à l’avant-deux.
Forme et structure de la danse
C’est une contredanse autonome (c’est à dire non intégrée à suite de figures, comme dans un quadrille par exemple) se pratiquant en ligne sur deux fronts, avec au minimum deux couples de danseurs (une quadrette) qui se font vis-à-vis à deux bons mètres de distance, chaque cavalier étant à gauche de sa cavalière. Sur les quatre danseurs, deux seulement démarrent la danse, d’où le terme « En avant-deux ! ». A la reprise, ce sera le tour des deux autres, et ainsi de suite. Il faut s’entendre pour que tous les hommes partent de la même ligne de danse (et les femmes de même). Naguère le meneur (chanteur ou musicien), qui se tient généralement au bout d’une ligne de danseurs, précisait : « départ de mon côté ! du côté de la mariée ! » ou comme l’annonçait le violoneux Pierre Leroux : « en honneur à madame, commencez, en avantdeux ». En fonction du nombre de danseurs, plusieurs lignes en double-front sont disposées parallèlement les unes aux autres. La majorité des meneurs rencontrés préféraient avoir les meilleurs danseurs devant eux ; ceux-ci préféraient aussi se placer non loin de la musique. L’avantdeux du pays de Châteaubriant est un avant-deux « de long », c’est-à-dire que les danseurs croisent leur vis-à-vis rejoignant ainsi la ligne de danse opposée et traversent à nouveau pour regagner leur place initiale. Il se distingue des avant-deux limitrophes par des formules de pas spécifiques,
un répertoire d’airs qui lui est propre et un style (attitude corporelle des danseurs) particulier, malgré des évolutions spatio-temporelles.
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Les danseurs : Raymonde Barbet - Edith Branchet - Vianeytte et Jean Paul Bossé - Anne Gaborit - Noël Monnier
Lydie Pécot - Lionel Perrin - Jean Paul Peltier - Jean Pierre Ramette - Alain Rimbert - Jacqueline Suriray
Technique de pas et déplacements
Comme le précise Jean Tricoire dans sa première fiche de danse : « Parmi les variantes de forme et de style, nous avons retenu l’avant-deux le plus pratiqué dans la région de Châteaubriant dans le premier quart du XXe siècle ». La forme classique que nous avons ici choisi de décrire, est composée de trois types de pas sur les quatre figures suivantes :
- En avant-deux ! et Traversez ! sur 2 x 16 temps
- Rencontrez ! sur 4 temps
- Balancez ! sur 12 temps
Le passage de l’ « avant-deux » au « traversez » se fait sans arrêter le pas pour la forme décrite ici.
L'avant-deux et le traversez (2 x 16 temps)
La formule du pas à 3 temps se décompose en deux phases : « posez - petits pas ». Les appuis se font sur la demi-pointe, le talon ne portant jamais au sol, et le « posez » se fait alternativement du pied gauche et du pied droit. Le démarrage se fait pied gauche pour l’ensemble des danseurs et danseuses.
Temps 1 : Sur le premier temps, pour reprendre les mots du docteur Tricoire, il s’agit d’un « Pointez qui est beaucoup
plus qu’un simple « pointé » ! Nous préférons ici utiliser le terme de «posez» dans le sens où il s’agit d’un véritable appui double (ce qui distingue les avant-deux de long et les avant-deux de travers). Le cavalier, tout en se soulevant sur la pointe du pied droit (mais sans sauter), fait exécuter à la jambe gauche un petit rond de jambe externe pour poser la pointe du pied gauche à environ 30 cm en avant (un peu en dehors ou franchement
croisé) du pied droit. La pointe du pied gauche doit toucher le sol sur le premier temps du thème musical. Il est nécessaire de porter le buste en avant en même temps qu’on « pose », de façon à ce que, à la fin du mouvement, le corps soit en équilibre sur les deux pieds (et non appuyé seulement sur le pied arrière ou le pied avant). Le danseur se tient les genoux écartés (hanches assez ouvertes) et doit fléchir les genoux en même temps qu’il « pose » (étant entendu que les pointes de pieds seules touchent le sol). Le pas des femmes est proche de celui des hommes cependant, le posé au premier temps (qui se fait là aussi quelques centimètres en avant du pied resté en place, et un peu en dehors de lui) s’accompagne d’un déplacement de la hanche soulignant le rond de jambe. Par conséquent, le bassin ayant tourné, l’extrémité du pied qui « pointe » en avant se pose en biais (talon vers l’extérieur et ne touchant pas le sol, bien entendu), et, là aussi, le poids du corps se porte en partie sur elle.
Temps 2 et 3 : Sur les deuxième et troisième temps s’effectuent les petits pas. Après avoir «posé» sur le temps 1, tout en redressant les
jambes à l’aide d’une détente du mollet gauche (aidé par le droit), on ramène le pied gauche en arrière pour le reposer (en demi-pointe) sur le temps 2. Une fois les deux pointes de pieds au sol, on fléchit de nouveau les jambes. NB : Le mouvement entre les temps 1 et 2, permet aux danseurs de se déplacer, si bien que le pied se posera en réalité soit plus ou moins en arrière, soit un peu en avant et en côté du pied d’appui, selon les besoins du déplacement à exécuter au cours de la danse. S’en suivent deux appuis brefs, d’un demi-temps chacun : pied droite sur le «et» puis pied gauche sur le temps 3. Les talons toujours décollés, ces petits pas s’exécutent, les pieds parallèles, légèrement écartés, accompagnés d’une flexion des genoux sur chaque appui. A la fin du temps 3, vous êtes en appui sur votre jambe gauche, prêt à poser votre pointe de pied droit pour effectuer le même schéma avec le pied opposé.
Formule d'appui
Description des déplacements
Les formules de pas à 3 temps s’enchainent comme suit :
• « Avant-deux »
- 1ère formule : déplacement en avant vers le vis-à-vis au centre de l’aire de danse
- 2e : léger déplacement en arrière
- 3e : léger déplacement en arrière pour revenir sur sa ligne de départ
- 4e: déplacement dans la diagonale gauche pour arriver à hauteur de son vis-à-vis épaule droite contre épaule droite au centre de l’aire de danse. Ce déplacement nécessite une légère torsion du buste dans le sens inverse des aiguilles d’une montre
- 5e : déplacement dans la diagonale droite afin de rejoindre la ligne de danse opposée tout en pivotant dans le sens horaire (sur son côté droit) afin de se retrouver de nouveau face à votre vis-à-vis.
• « Traversez »
- 6e : déplacement en avant vers le vis-à-vis au centre de l’aire de danse
- 7e : léger déplacement en arrière
- 8e : léger déplacement en arrière et retour sur la ligne de danse opposée
- 9e : déplacement dans la diagonale gauche pour arriver à hauteur de son vis-à-vis épaule droite contre épaule droite au centre de l’aire de danse. Ce déplacement nécessite une légère torsion du buste dans le sens inverse des aiguilles d’une montre
- 10e : déplacement dans la diagonale droite afin de rejoindre votre ligne de danse primitive tout en pivotant dans le sens horaire (sur son côté droit) afin de se retrouver dans le sens de départ. Vous passez à ce moment à proximité de votre cavalier(ère).
- 11e : déplacement en arrière et retour à sa place sur une formule écourtée (2 temps) c’est à dire « pose + pieds rassemblés »
Avec l’utilisation de ce pas à trois temps, on peut remarquer un décalage entre les déplacements et l’accompagnement musical construit sur huit temps. Il en résulte deux particularités :
- Le premier pas (posé du pied droit) de la figure du «traversez» démarre sur le 16ème temps de la phrase musicale de l’»avant-deux», c’est à dire un temps avant que l’accompagnement musical ne démarre le «traversez».
- Il est impossible d’effectuer la formule à trois temps complète sur le dernier déplacement du «traversez». En effet, il ne vous reste plus que deux temps musicaux pour effectuer un pas à trois temps. Les danseurs «posent» donc leur pied gauche sur le premier temps et viennent directement se placer pieds rassemblés sur leur ligne de danse sur le deuxième temps (sans effectuer par conséquent de petits pas).
Enfin, comme le précise le docteur Tricoire, « vous vous rendrez compte qu’il n’est pas possible avec le pas à 3 temps, de suivre rigoureusement les déplacements avantarrière. Ce qui compte, c’est la ligne générale de la figure et le soin que vous prenez à rester en liaison avec le (la) partenaire vis-à-vis ». Au final, ce décalage constant entre pas, déplacements et musique fait naître un mouvement
flottant, propice à l’expression et la mise en valeur du danseur.
Rencontrez (4temps) ou avant-quatre
A la fin du «traversez», chacun des danseurs est revenu à sa place initiale à côté de son partenaire. Cavaliers et cavalières vont alors, sur quatre temps, venir à la rencontre du couple opposé. Pour cela, le cavalier passe le bras droit dans le dos de sa cavalière afin de la maintenir par la taille et pose la main gauche sur sa hanche (il peut également laisser le bras ballant). La cavalière pose la main gauche sur l’épaule droite de son cavalier et utilise sa main droite pour tenir sa jupe. Cette mise en place se fait instantanément, pour que le couple démarre dès le premier temps de l’air musical du «rencontrez».
Temps 1 et 2 : Il s’agit de deux pas de marche, c’est à dire un appui par temps, en direction du couple opposé. Les cavaliers partent du pied gauche alors que les cavalières partent du pied droit.
Temps 3 : A la fin du deuxième temps, les danseurs amorcent un léger saut afin de retomber sur les deux pieds (quasiment collés) au temps 3. Le pied arrière, c’est à dire gauche pour les hommes et droite pour les femmes) peut toucher le sol un peu avant l’autre (imitant ainsi deux pas très brefs).
Temps 4 : Les pieds à peine posés au temps 3, sautez un peu sur la jambe intérieure par rapport au couple tout en levant alertement l’autre jambe (la gauche pour le garçon, la droite pour la fille), genou légèrement plié. Au temps 4, la jambe d’appui doit retomber au sol alors que l’autre jambe doit être au sommet de sa course.
Il est à noter que les femmes lèvent la jambe modérément, mais beaucoup d’hommes la levaient fortement (et alors sans plier le genou), pour la lancer le plus haut possible, tout en l’écartant un peu en-dehors pour ne pas frapper le vis-à-vis.
Balancez (12 temps) ou valsez
Sans aucune coupure (ni dans le mouvement, ni dans la musique), suit le «balancez» ou «valsé» en couple fermé, sur les 12 temps restants. Il consiste pour chaque couple à exécuter trois tours, tout en retrouvant, par un très faible déplacement, la position de départ de « l’avant-deux ».
Les pas utilisés et la façon de se tenir pour effectuer le « balancez » peuvent varier fortement au sein d’une même quadrette.
Le pas de pivot, pratiqué par tous les hommes, s’exécute ainsi : à chaque temps, se soulever à l’aide de la pointe du pied gauche placée ainsi en arrière et se reposer sur le pied droit à plat, mais en le tournant d’un quart de tour (sens horaire). Ainsi, le mollet gauche propulse, et le pied droit, soulevé par l’effort de la jambe gauche, se contente de se reposer quasiment au même endroit (comme un pivot), bien que tournant d’un quart de tour chaque fois. Une fois le pied droit posé, la jambe droite fléchit immédiatement, ce qui permettra à la gauche de travailler plus en force, et ce qui donne à ce « valsé » un mouvement vertical de soulevé et baissé à chaque temps. La cavalière peut exécuter le même pas de pivot que le cavalier mais elle préfère souvent se laisser soulever à chaque temps par ce dernier (en s’appuyant sur ses épaules), pour se laisser retomber sur les deux pointes de pieds en même temps. Elle saute du pied droit (en repliant la jambe gauche en arrière) au premier temps et retombe sur les deux pointes de pieds joints au deuxième temps. Elle ressaute du pied droit au troisième temps, etc. Cette technique propre à la zone qui nous intéresse était pratiquée par environ les deux-tiers des couples, et de manière quasi systématique, dans toutes les contredanses qui comportent un «balancez». Les autres couples tournaient en pas de pivot identique pour les hommes et les femmes.
Ainsi, dès la fin du «rencontrez», cavalier et cavalière, dans un mouvement impulsé par la jambe droite, s’orientent l’un vers l’autre afin de se tenir prêts pour valser dès le premier temps. Sur ce temps 1, les pieds droits du cavalier et de la cavalière se trouvent très proches, formant le centre du pivot. Malgré le quart de tour effectué, la cavalière conserve sa main gauche sur l’épaule droite de son cavalier en la faisant simplement pivoter (le pouce se trouve désormais en direction de la tête de son cavalier). Sa main droite quitte sa jupe pour venir se poser sur l’épaule gauche de son cavalier. Si la cavalière est trop petite pour atteindre l’épaule gauche de son cavalier, elle peut saisir le haut de son bras. Si (et seulement si) la cavalière exécute le pas de pivot, elle peut également se tenir bras droit tendu (bien évidemment son partenaire aura lui le bras gauche tendu).
De son côté, l’homme passe sa main droite de la taille vers le bas du dos de sa cavalière et peut conserver sa main gauche sur sa hanche ou saisir le bras droit de sa partenaire.
NB : Beaucoup de sonneurs terminaient par une note finale complémentaire « temps de pause » permettant aux danseurs de reposer les deux pieds à l’assemblée à la fin de ce « valsé » et de repartir pour un nouvel « avant-deux »
du docteur Tricoire
Style
Pour reprendre les termes du docteur Tricoire, le style est « est viril pour les garçons, bien féminin pour les femmes » ! Malgré une prise d’appui sur la demi-semelle, cette danse se caractérise par un « style plat » : le sauté sur le temps fort est remplacé ici par une flexion du genou et un engagement de tout le corps vers le bas, suivi d’une déflexion du pied d’appui sans saut, ce qui procure moins de verticalité à la danse. Les « sauteurs », pourtant très réputés dans le secteur de Candé notamment, étaient d’ailleurs parfois méprisés des autres danseurs dans la région de Châteaubriant.
Les bras des hommes jouent également un rôle important. Ils se balancent naturellement, les coudes un peu écartés du corps, les mains à 20 cm des hanches environ (mi-fermées, paumes vers l’arrière), les épaules étant dégagées (sans forcer). Cela, joint à l’écartement des genoux, donne de la prestance aux hommes.
Pour les femmes, la façon de tenir la jupe est la suivante : paume des mains en arrière, en pinçant la jupe entre le pouce et l’index. Dans cette position, les coudes sont déjetés en avant, ce qui favorise et souligne le balancement du corps de droite à gauche et de gauche à droite au « posé » qui débute chaque pas.
Accompagnement musical
L’avant-deux présenté ici est basé sur un pas de danse à trois temps, accompagné par des phrases musicales qui en comportent huit, d’où ce « décalage » quasi constant du temps fort de la danse par rapport à celui de la mélodie. Jean Tricoire précise même : « Bon nombre d’anciens auprès desquels nous collectons encore des ritournelles d’Avant-deux savent « instinctivement » appuyer la mélodie tous les trois temps, faisant fi du découpage musical et métrique des airs. Ceci alors qu’ils n’ont pas pratiqué cette danse depuis des décennies et qu’ils en ont même oublié le pas ». Ce côté « bancal » entre durée du pas de danse et durée de la phrase musicale permet l’utilisation de thèmes musicaux binaires ou ternaires sans distinction (binaire et ternaire étant parfois mélangés au sein d’un même thème). De nombreux airs (environ une vingtaine) servant de support à l’avant-deux ont été recueillis dans le pays de Châteaubriant (dont quelques uns communs à l’avant-deux de travers pratiqué plus au sud). Ces thèmes musicaux sont la plupart du temps composés de deux phrases (jouées le plus souvent AAB et quelques fois ABB ou ABA) mais il existe également quelques thèmes à trois phrases au répertoire des sonneurs d’accordéon (ABC).
L’annonce des figures (« en avant-deux ! », « traversez ! ») permet très souvent au meneur de relancer et redynamiser les danseurs. Ces annonces se font la première fois puis reviennent régulièrement au cours de la danse. Certains meneurs préfèrent arrêter la danse pour placer ces annonces mais la plupart le font tout en jouant ou en gavottant. Par contre, la dernière mesure (à la fin du balancez) est fréquemment prolongée d’un temps appelé « temps de pause ». La durée de celui-ci pouvait être prolongée au gré du sonneur suivant le déroulement de la danse : lenteur dans la remise en place des danseurs, entrée en danse d’une nouvelle quadrette, commentaires du meneur, etc.
Trois principaux types d’accompagnement musical ont été relevés pour mener l’avant-deux et plus généralement les contredanses du pays de Châteaubriant.
Le chant, via la technique du gavottage, est l’accompagnement le plus évident et certainement le plus répandu dans le secteur. Il s’agit d’une technique vocale mêlant l’annonce des figures, des bribes de paroles structurées en vers et des onomatopées. Chaque gavotteur a sa technique propre : il se sert des mêmes genres d’onomatopées pour tous les airs. Les plus courantes ressemblent à des « tideli tidela » ou des « traonla lalaonière ». Certains gavottent en sifflant d’une manière particulière, d’autres s’accompagnent « d’instruments » rythmiques : pinces à bûches, gamelles, grelots… On fait appel au gavotteur quand il n’y a pas de musicien disponible (surtout lors de petites réunions de danseurs). De temps à autres, certains bons gavotteurs accèdent pratiquement au statut de musicien : on les embauche pour animer une bonne partie des bals de noces pouvant parfois rassembler plusieurs centaines d’invités. Mr Delanoë de Ruffigné était par exemple capable de mener des noces de 300 personnes. Gavotter nécessite une bonne puissance vocale et de l’endurance : la dépense d’énergie est importante. Beaucoup accompagnent leur chant de gestes et d’esquisses de mouvements de la danse.
Côté instrument, c’est tout d’abord le violon, venant détrôner la veuze, qui va régner en maître sur tout le pays de Châteaubriant dans la deuxième partie du XIXe siècle. Ainsi, plus d’une trentaine de violoneux ont été répertoriés de la fin XIXe à l’entre deux guerres. Ne sachant généralement lire la musique, ils jouent principalement d’oreille et la plupart du temps seuls ou accompagnés d’un second violon. « A notre noce (vers 1925), il y avait deux violons pour faire danser les 600 convives : le grand père Rimbaud, hongreur, et Gasdoué, tous deux de Saint-Vincent » se souvient madame Roiné de Saint-Vincent-des-Landes.
L’accordéon diatonique s’impose surtout après la première guerre mondiale, renouvelant une partie du répertoire musical et dansé. Jean Barbelivien d’Erbray précise : « mon père a commencé l’accordéon un peu avant la guerre 14, c’était la première mode de l’accordéon, avant c’était le violon qui faisait danser. Il jouait les avant-deux, la pastourelle puis aussi les nouvelles danses comme la mazurka et la scottish ». Les enregistrements sonores en situation de danse étant relativement rares, il nous est difficile d’être précis quant aux tempi utilisés. Cependant, de 100 à 110 noires par minute, nous paraît être une bonne fourchette pour mener l’avant-deux comme il se doit.
Jean Durand de Sion-les-minesCollection : David Bourdeau
Trois airs d'avant-deux de Châteaubriant
1 - Air très répandu, notamment sous le titre « de l'assiette et du poulet » et recueilli entre autres chez Céline Leblais à Issé, Marie Barthélémy à Sion, Jean Barbelivien à Erbray, Françis Lemaître à Sion, etc
2 - Air collecté chez Delanoë à Ruffigné, François Vignais à Villepôt ou encore Lucien Gicquel à Saint-Vincent-des-Landes
3 - Air joué par l'accordéoniste Jean-Baptiste Valin et collecté à Jans
Modes vestimentaires
A l‘exception de ce que l’on peut trouver en pays guérandais (et en partie seulement), l’ensemble des modes vestimentaires en usage dans l’ancien Comté nantais présente une très grande homogénéité. Le passage du XIXe au XXe siècle a vu le déclin sinon la fin du port du costume féminin dans ce qu’il a de spécifique (notamment coiffe, châle et tablier). Plusieurs coiffes ont pu être portées par les femmes en pays de Châteaubriant comme la dorlotte et la câline. Cependant, la coiffe par excellence dans ce territoire est la dormeuse, dont l’aire d’extension est la plus vaste de toute la Bretagne. Pour plus de détails sur le costume, il existe une fiche spécifique sur le costume en pays de Châteaubriant, publiée par Kendalc’h.
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Musiques de référence
Ces enregistrements proviennent des archives Dastum 44 et en particuliers des fonds Tricoire (a) et Bardoul (b).
air collecté auprès de Jean Barbelivien à Erbray (a)
air collecté auprès de Jean Baptiste Valin à Jans (a)
air collecté auprès d’Alfred Fauvel à Saint-Vincent-des-Landes (b)
air collecté auprès de Jean Durand à Sion-Les-Mines (b)
air collecté auprès de Francis Lemaître à Sion-Les-Mines (b)
air collecté auprès de Francis Lemaître à Sion-Les-Mines (b)
air collecté auprès de Thérèse Rinfray à Soulvache (b)
air collecté auprès de Mr Delanoë à Ruffigné (a)
air collecté auprès de Pierre Leroux à Noyal sur Brutz (a)
air interprété par Séverine Bourdeau et collecté chez Victorine Roul à Saint-Sulpice-des-Landes (a)
Collectage Dastum
Ressources
- Bardoul Patrick, Airs à danser du pays de Châteaubriant, Jean Barbelivien, Dastum, collection Chanteurs et musiciens de Bretagne n°6, livre cassette, 1991
- Clerivet Marc , Danse traditionnelle en Haute-Bretagne, Dastum, PUF, 2013
- Tricoire Jean , Avant-deux de Châteaubriant et avant-deux de travers, notes typographiées
- Tricoire Jean , Les pays d’avant-deux des pays nantais et des environs, notes typographiées
- Kendalc ’h , Danses de toutes les Bretagnes, volume 4, La Mée
- Kendalc’h , Le costume de Châteaubriant, fiche costume
Remerciements
David Bourdeau tient à remercier : Raymonde Barbet, Jean-Paul Bossé, Pascal Le Meur, Hugo Arribart, Michel Guillerme, Patrick Bardoul, Séverine Bourdeau, Sandrine Janvresse, Marc Clérivet, Muriel Rouaud.
- Etude, apports nouveaux et leur rédaction, transcription des airs : David Bourdeau
- Cartographie : David Bourdeau
- Origine et famille de danse : Michel Guillerme
- Relecture et responsable danse traditionnelle à Kendalc’h : Michel Guillerme
du docteur Tricoire