Fiche de danse
Avant-deux de Bazouges-la-Pérouse
Terroir
Rennais - Pays de Fougères
Rédacteurs
Fiche de danse rédigée en 2022 par Régine Barbot, Pierrick Cordonnier, Jeanne et Jean-Luc Dubois, Michel Guillerme, Hervé Lambrecht et Cédric Leblanc. La confédération Kenleur a désigné Jean-Luc Dubois comme référent de cette danse pour le répertoire commun, Jeanne Dubois, Cédric Leblanc, Pierrick Cordonnier, comme personnes ressources.
Famille de la danse
Contredanse
Structure de la danse
Danse unique
Accompagnement traditionnel
Chant (notage)
Violon
Accordeéo diatonique (Bouèze) et chromatique
Harmonica
Forme de la danse
Appellation
Cette danse se nomme « avant-deux » parce qu’elle commence, comme une figure de l’ancien quadrille, avec deux personnes qui dansent en vis-à-vis. « À la mode de Bazouges-la-Pérouse » parce que c’est là qu’elle a été majoritairement collectée. Elle se danse aussi à Cugen, Noyal-sous- Bazouges, Saint-Léger-des-Prés, Marcillé-Raoul, Saint- Rémy-du-Plain et Rimou. L’avant-deux à la mode de Bazouges-la-Pérouse, entre Rance et Couesnon, fait partie du grand ensemble des avant-deux à « pas » avec l’avant-deux du Coglais et l’avant-deux d’Ercé-près-Liffré.
Situation géographique et historique
L’aire de pratique de l’avant-deux se situe au sud du pays de Dol, à l’est de la Rance, au nord du pays de Rennes et à l’ouest du Couesnon. Le fleuve constitue, dans une certaine mesure, une frontière naturelle de la pratique du « pas Bazouges » sous sa forme ancienne, voire archaïque. C’est à Bazouges que le pas a été le mieux observé à la fin des années 1970. Bazouges-la-Pérouse faisait partie de l’ancien évêché du Pays de Dol jusqu’à la Révolution française. Les prêtres du pays étaient nommés par l’évêque de Dol et non par celui de Rennes. La population de « la ville de Bazouges » a gardé d’ailleurs une attraction particulière pour l’activité de ses voisines, Dol et Combourg, à l’écart des grandes voies de communication que constituaient les axes Rennes-Saint-Malo et Rennes-Mont-Saint-Michel. Cet attrait s’est nourri plus tard d’une concurrence politique farouche entre Bazouges et Antrain, situé de l’autre côté du Couesnon, lors de la désignation du chef-lieu de canton, au bénéfice d’Antrain.
Informateurs, témoignages et transmission
La danse décrite dans cette fiche est la dernière version pratiquée par des danseurs anciens nés vers 1910 mais collectée à la fin des années 1970 et jusqu’à la fin des années 1980. Les informateurs avaient, pour la plupart, appris la danse de leurs parents, de membres de leur famille
ou du même village, lors des fêtes. Il n’y a jamais eu de rupture dans la pratique de la danse qui certes, entre temps, avait beaucoup diminué mais qui ne fut jamais oubliée. Au moment du collectage, ces danseurs que l’on peut voir sur les films, étaient devenus âgés. Les collecteurs décrivent donc, dans cette fiche, la danse telle qu’elle leur a été montrée par leurs informateurs, qui leur ont aussi expliqué certains points. Créées en 1979, les Assemblées de la Bouèze avaient pour objectif de collecter musique et danse sur la Haute- Bretagne. L’idée d’alors était d’organiser un grand rassemblement où tous les musiciens pourraient jouer et les danseurs participer. La première édition des Assemblées de la Bouèze a eu lieu à Saint-Brice-en-Coglès en 1980. Cette association a été un catalyseur pour relancer la pratique de la danse et de la musique traditionnelle qu’elle
continue d’alimenter de nos jours.
Principaux collecteurs : Yves Defrance, Pierrick Cordonnier, Jeanne et Jean-Luc Dubois
Principaux informateurs :
• Les frères Jean et Louis Jouault : Jean habitait Noyal-sous-Bazouges au village de la Vallée Roger, Louis habitait à Bazouges-la-Pérouse sur la route de Tremblay.
• Marie Brossay : elle avait environ une cinquantaine d’années dans les années 80. Elle habitait le bourg de Bazouges-la-Pérouse.
• Germaine Picot : elle habitait à la Buffetais-en-Bazouges
• Marie-Ange Ménard : elle habitait Bazouges-la-Pérouse et tenait une épicerie
• Marie Rimasson: elle demeurait au village de Vilhaudreux à Rimou.
• Louis Dardenne: il habitait à Bazouges-la-Pérouse
• Pierre Sachet : il habitait aux Loges à Bazouges-la-Pérouse
• Madame Bossart : elle habitait à Tremblay
• Alfred et Yvonne Gauthier : ils demeuraient aux Loges à Bazouges-la-Pérouse
• Raymond Brand’honneur de Bazouges-la-Pérouse
Occasion de danse
Toutes les occasions de fins de travaux communautaires, dans les granges, les cours de ferme, comme les cueillettes de chanvre, la scéyerie (moisson), les batteries de froment, les émonderies, les conscrits et surtout les pommés mais également les occasions de réjouissances comme les noces.
Origine et famille de danse
Issue de la famille des contredanses de la fin du XVIIIe siècle et présentée sous forme de quadrille à huit couples disposés en carré, la danse s’est mue en quadrette, sans doute au milieu du XIXe siècle et s’est agrémentée de figures. Il ne subsiste actuellement que la deuxième figure de ce quadrille, l’été, connue des danseurs sous le nom d’avant-deux.
Forme et structure de la danse
Les danseurs sont répartis par quadrettes composées de deux couples se faisant face. Dans chaque couple, la cavalière est à la droite de son cavalier. Les quadrettes sont indépendantes les unes des autres, elles ne sont pas alignées et occupent au mieux l’espace. La danse est composée de deux moments : un premier où interviennent seulement un danseur et une danseuse placés l’un en face de l’autre (partie A de 32 temps) et un balancé où chacun danse avec son ou sa partenaire (partie B de 16 temps). La partie B terminée, on recommence mais cette fois la partie A est dansée par les deux danseurs qui n’ont pas dansé la fois précédente. Et ainsi de suite…
Partie A: avant-deux (32 temps c’est à dire 8 fois 4 temps)
Les deux exécutants sont face à face, Les déplacements du danseur et de la danseuse sont symétriques et les pieds sont inversés pour les appuis.
Temps 0
: départ (ou dernier appui du balancé précédent)
temps 1 à 4
: déplacement réduit sur les trois premiers temps (jusqu’au temps 3), puis au temps 4, saut en avant et vers l’extérieur de la quadrette.
temps 5 à 8
: recul sur les trois premiers temps (jusqu’au temps 7) jusqu’à la position de départ, la première prise d’appui se faisant après un rebond en arrière sur le même pied, puis au temps 8, saut en avant et vers l’intérieur de la quadrette.
temps 9 à 12
: recul sur les trois premiers temps (jusqu’au temps 11) jusqu’à la position de départ, la première prise d’appui se faisant après un rebond en arrière sur le même pied, puis au temps 12 saut en avant et vers l’extérieur de la quadrette.
temps 13 à 16
: recul sur les trois premiers temps (jusqu’au temps 15) jusqu’à la position de départ, la première prise d’appui se faisant après un rebond en arrière sur le même pied. Cette fois on garde l’appui sur le pied du dernier « et » (G pour les hommes, D pour les femmes), puis, au temps 16, au lieu de sauter, on marque le temps par un tapé ou un talonné en avant du pied D pour les hommes, G pour les femmes, sans prendre appui sur ce pied.
temps 17 à 20
: les trois premiers temps (jusqu’au temps 19) se font en tournant sur soi vers la droite (sens horaire pour les femmes comme pour les hommes), au temps 20, saut en avant et vers l’extérieur de la quadrette
temps 21 à 24
: identiques aux temps 5 à 8
temps 25 à 28
: identiques aux temps 9 à 12
temps 29 à 32
: identiques aux temps 13 à 16
Vidéo de collectage des années 1970 avec les frères Jouault et Marie Brossay
Partie B : balancé en couple ouvert (16 temps c’est à dire 4 fois 4 temps)
Temps 1 à 3
: Le couple fait un tour complet sur lui-même en trois pas, dans le sens des aiguilles d’une montre. L’axe de rotation est au milieu des danseurs. Sur le premier temps, la danseuse recule son pied gauche de biais ; le danseur avance son pied droit de biais.
Temps 4
: saut en avant sur pied droit pour le danseur (gauche pour la danseuse) vers le centre de la quadrette. Emporté par l’élan, le pied gauche du danseur (droit de la danseuse) peut éventuellement toucher le sol mais l’appui est essentiellement sur le pied droit pour le danseur (gauche pour la danseuse).
Temps 5 à 8
: recul sur les trois premiers temps (jusqu’au temps 7) jusqu’à la position de départ, la première prise d’appui se faisant après un rebond en arrière sur le même pied. On garde l’appui sur le pied du dernier « et » (G danseur, D danseuse), puis au temps 8, on marque le temps par un tapé, ou le plus souvent un talonné en avant (D danseur, G danseuse), sans prise d’appui.
Temps 9 à 16
: exactement comme les temps de 1 à 8 décrits ci-dessus.
Tenue et mouvement des bras
Avant-deux
Les bras sont ballants, sans être collés au corps. Ils accompagnent la danse sans mouvement volontaire de balancement.
Balancé, position des bras
Le balancé, couple ouvert, s’effectue avec la cavalière qui se situe à droite de l’homme, main droite du garçon à la taille de la fille, main gauche de la fille à la taille du garçon (position majoritaire)
Technique de pas
Dans cette danse, le pas est essentiel. Traditionnellement, il était utilisé comme pas de base dans plusieurs danses à figures. Le pas «Bazouges» constitue une identité forte du territoire. Il se fait sur une surface réduite. Le module de base sur 4 temps pour les hommes (pieds inversés pour les femmes)
•
Temps 1
: prise d’appui sur le pied D, pied à plat, le corps en aplomb sur la jambe
• et : appui sur la demi-plante du pied G en arrière, le corps se lève tout en restant à l’aplomb de la jambe gauche, puis redescend, le pied G finissant à plat
•
Temps 2
: le pied D reprend l’appui, le pied G ayant quitté le sol un peu avant
• et : voir ci-dessus
•
Temps 3
: voir 2
•
et
: voir et ci-dessus
•
Temps 4
: saut sur le pied D. Lors de l’appui, le corps est au-dessus de la jambe droite : c’est un saut sous le corps. C’est aussi le temps fort de la danse. Sur le premier « et », le recul est d’un pied environ. Sur les autres « et », le recul est moins important.
Style
C’est le corps qui se déplace, sa participation active est fondamentale. Il part en avant sur les sauts, s’élève sur les contretemps et retombe sur les temps. Par ailleurs, il est toujours en aplomb au-dessus de la jambe prenant appui sur les temps (sauf au moment du « tapé »). Le mouvement des genoux est un amorti inhérent à l’exécution du pas de danse. Lors du saut, le danseur ou la danseuse présente le plus souvent sa jambe libre derrière. À l’image de la partie avant-deux, le balancé est plein d’entrain.
Variantes
Ces variantes ont été observées chez plusieurs danseurs et danseuses.
Forme et structure de la danse : avant-deux
Temps 4, 8 et 12 : le saut peut se faire en avant et de face, sans être tourné vers l’extérieur ou l’intérieur
Au temps 16, on a observé des danseurs qui ne faisaient pas le marquage.
Temps 17 à 20 : Une autre version est possible sur le tourné individuel : tourné en toupie sur les temps 17 et 18.
Technique de pas
: Il a été observé que certains danseurs ou danseuses sur le « et » avant le temps 4, cessaient de reculer
et posaient le pied en avant.
Accompagnement musical
Pour démarrer la danse, le musicien ou le chantou lance un « en avant-deux » énergique ! Le tempo est de 120 bpm (battements par minute) c’est à dire allegretto. Le son du violon constitua le principal accompagnement avant l’arrivée de la bouèze (accordéon diatonique) entre 1900 et les abords de la Première Guerre mondiale. Le chant a toujours occupé une place primordiale, souvent plus adapté aux veillées et aux rassemblements familiaux ou amicaux qui se déroulaient dans des espaces plus petits. On dit de l’avant-deux qu’il est « noté » quand il est chanté. Chaque musicien pouvait utiliser dans une même danse un ou deux airs maximum.
CD de référence
1. Avant-deux de Bazouges - Déshabille-toi suivi de J’entends le rossignol par Christian Gautier
2. Avant-deux de Bazouges - Ma serpette est perdue par Christian Gautier
3. Avant-deux de Bazouges - Les kroumirs vont venir chez nous par Jean-Luc Dubois
Mode vestimentaire
Une seconde coiffe apparaît vers le milieu du XIXe siècle, beaucoup moins encombrante, elle s’appelle la polka. Elle évoluera dans les premières années, beaucoup moins par la suite. Cette dernière ne supplantera jamais la première et toutes deux seront portées conjointement.
Une autre coiffe, plus minoritaire, a été recensée dans ce territoire : le bonnet d’Antrain, parfois nommé coiffe du baspays. Dès 1820, il apparaît sur une gravure de Jean-Baptiste Peytavin et se diffuse ensuite dans le pays de Bazouges et le Coglais à partir du milieu du XIXe siècle, où il est d’abord utilisé comme coiffe de travail et du quotidien. Le bonnet est porté sur un serre-tête, comme la grande catiole, dont il semble être une évolution. Les ailes auraient été écourtées et conservées pour servir de doublure et former un bandeau sur le dessus.
Ressources
Filmographie
• Film réalisé à Noyal-sous-Bazouges dans les années 1970 par Yves de France
• Film réalisé par Yves Defrance en 1976 à Bazouges au village des Loges
• Film réalisé par Yves Defrance à Noyal sous Bazouges à la fin des années 1970 (déposé à la cinémathèque de Bretagne ref 452FI0002)
• Film de collectage de Kendalc’h en 1991, danses de toutes les Bretagne, Cesson-Sévigné
• Film de 1981 à Bazouges (La Bouèze) réalisé par Jean-Luc Dubois
• Film de 1984 à Bazouges (La Bouéze) réalisé par Jean-Luc Dubois
• Film réalisé aux Tombées de la nuit à Rennes vers 1985 avec les frères Jouault, Germaine Picaut et Victor Mouazé (violoneux)
• Film de l’ Assemblée de la Bouèze en 1985 avec Marie Rimasson et Louis Dardenne (consultable à Dastum)
• Fête des Cônes à Rimou en 1988
Bibliographie
• Yves Defrance, Danses de Haute-Bretagne, Skol Vreizh, Musiques traditionnelles de Bretagne, Morlaix, 1973
Remerciements
Appellation, situation géographique et historique : Pierrick Cordonnier et Hervé Lambrecht
Forme et structure de la danse, tenue et mouvement des bras, technique de pas, style : Jean-Luc et Jeanne Dubois, Régine Barbot, Cédric Leblanc
Écriture de la danse : Jean-Luc Dubois, Michel Guillerme et Bernard Langlois
Mode vestimentaire : Michel Guillerme, Cédric Leblanc (pour la partie sur le bonnet)
Relecture de la fiche : Régine Barbot et Michel Guillerme
Coordination du projet : Régine Barbot