Fiche de danse
Kerouézée
Terroir
Haut-Penthièvre
Vidéos et musiques
Rédacteurs
Cette fiche a été entièrement réactualisée en 2020 par Michel Guillerme. Une première fiche avait été élaborée par lui-même en 1976, revue en 1977. Il est donc normal d’y retrouver les éléments fondamentaux d’un tel travail. Une nouvelle recherche sur les sources a été menée à terme.
Cette danse a été inscrite de nombreuses années au répertoire commun de la confédération Kendalc’h, et à ce titre la commission danse avait désigné Michel Guillerme en qualité de référent de cette contredanse.
Famille de danses
Branle ancien
Contredanse
Structure de la danse
Danse unique
Accompagnement traditionnel
À la goule
Violon
Vielle
Harmonica
Forme de la danse
Double-front
Cercle celtique de Penthièvre, Festival de Cornouaille 27 juillet 1980. Collection Michel Guillerme
Appellation
Il faut avouer que ce terme de « Kerouézée » a une valeur légèrement anecdotique. Les personnes qui l’ont exécutée devant nous n’utilisaient pas cette appellation. On parlait de Conterdanse (terme gallo noté donc avec la métathèse). Il semblerait que ce terme de Kérouézée, traduction de « croisée », en langue gallo, selon les dires de ces personnes, avait été employé par les anciens et cela, à l’époque, nous avait séduits. C’est ainsi donc que par la suite on a désigné cette danse.
Situation géographique et historique
L’aire de danse de cette contredanse est assez peu importante puisqu’elle ne s’étend que sur trois communes dont l’une partiellement. Cette danse était couramment pratiquée dans la partie sud de la commune de Plénée-Jugon, et dans les communes de Le Gouray et de Collinée. C’est d’ailleurs dans une ferme de Plénée-Jugon que résidait la femme qui pratiquait cette danse traditionnellement. C’est elle qui nous a fourni la version décrite dans cette fiche. Le fleuve côtier qui passe dans cette commune, l’Arguenon marque la limite entre Penthièvre et Poudouvre. Ainsi la danse s’inscrit totalement dans la tradition des danses du Penthièvre, notamment celles de la vallée de l’Arguenon. On a parlé de Mené concernant le territoire évoqué. Le Mené n’est pas un terroir. C’est une création plutôt récente, volonté d’ordre économique du Comité d’expansion local en 1965. Le nom de Mené vient d’ailleurs d’être repris (2019) par un groupement de communes qui ne sont pas toutes celles citées pour cette danse. Voici ce qu’on peut lire sur une présentation du « Mené » : « À cette époque – XIXe-XXe siècle- le nom de Mené n’était attribué qu’à la chaîne de montagnes. Derrière cette appellation, pas de pays, pas vraiment d’unité culturelle, pas de réelle homogénéité concernant le parler, le costume (notamment les coiffes) et les danses.».
Informateurs, témoignages et transmission
Entre les années 1972 et 1982 environ, les cercles celtiques de la fédération Kendalc’h, regroupés sous l’appellation « Amicale Rance et Penthièvre » ont mené une importante politique de prospection de danses traditionnelles principalement, chacun dans sa zone de communes environnantes (cercles de Saint-Brieuc, Saint-Alban, Pléhérel, Landéhen, Jugon, Plancoët, Dinan, Dol-de-Bretagne et Cancale pour les plus actifs). Nous avons ainsi recueilli les derniers témoignages possibles avant l’extinction définitive, la récolte a été plutôt fructueuse. Pour le secteur de la contredanse dont il est question, ce sont des membres de la Rosargue (Jugon) avec notamment Jean-Luc Esnault originaire de Plénée-Jugon, la famille Orveillon, qui ont commencé les enquêtes, travail sérieux relayé par les responsables-danse de la dite Amicale. Une étude de la « Kerouézée » avec un support filmé a été menée à partir de la démonstration d’une femme, madame Lecollinet. Madame Lecollinet habitait au village du Cran en Plénée-Jugon. La captation (super 8mm) s’est déroulée en 1976 au domicile de madame Esnault dans le bourg de Plénée-Jugon.
Occasions de danse
Dans toute cette partie sud/sud-est du Penthièvre, on a toujours beaucoup dansé et le répertoire est resté riche. Il n’est pas besoin d’occasions spécifiques pour danser, la moindre petite réunion de personnes du voisinage, à la veillée principalement, suffit pour se mettre à danser. Bien sûr il y a les des petits évènements comme les buées, la boudrarie (ou boudinerie), des plus importants comme les batteries, les fouées de la Saint-Jean…Les noces représentent les plus beaux évènements, la communauté est très nombreuse mêlant familles proches et éloignées, les voisins, l’esprit est aux réjouissances, on est paré de ses plus beaux atours et surtout on paye des musiciens qui ne sont pas là pour les occasions modestes.
Origine et famille de danse
Cette contredanse très typée de son terroir, est pourtant à la rencontre de deux origines fort distinctes d’époques différentes, l’une, la plus ancienne concerne le pas, la seconde, plus récente concerne la forme.
Le pas en quatre temps trouve son origine dans celui du pas désigné par Thoinot Arbeau (dans son ouvrage l’Orchésographie) sous l’appellation de pas du Branle gai ou Branle du Poitou. Ce pas se retrouve en Bretagne du sud de la Loire (Machecoul entre autres). On retrouve une occurrence de ce pas dans l’Avant-deux de Saint-Martin-sur-Oust. Mais c’est surtout sous la forme originelle (forme ronde) de la danse que l’on retrouve ce pas, il s’agit de la ronde à la mode de est présent dans tous les avant-deux de la vallée de l’Arguenon jusqu’à la côte (cf fiche terroir du haut-Penthièvre).
Au XVIIIe siècle, la mode des contredanses anglaises se répand en France et vient souvent supplanter la forme ancienne, la forme ronde, alors que le pas local, lui, est conservé. C’est exactement ce qui s’est passé pour notre conterdanse. La forme en double front, hommes et femmes alternés sans se tenir, est restée de rigueur, seul exemple en Penthièvre, et fonctionne comme une transition dans le temps et dans l’espace entre la forme ronde (pays de Loudéac) et le morcellement en autant de quadrettes des avant-deux déjà cités (cf fiche terroir). La Ronde de L’Oust et du Lié (incluse dans sa suite) tout autant que la Contredanse dont il est question ici sont des danses majeures dans le terroir, du fait probablement de leur pas.
Forme et structure de la danse
Forme
Ainsi que dit dans le paragraphe précédent, la forme est le strict double front alterné hommes et femmes, et tout le monde s’aligne sur ce double front. Sur un même front chacun-e est à égale distance de ses deux voisin-e-s latéraux. L’écartement des deux fronts est celui en pratique pour toutes les danses de Bretagne utilisant le double front, il reste le même tout au long de la danse. La partie essentielle de la danse où celle-ci exprime toute sa valeur est la partie sur place, lors des croisés au cours desquels le pas ne doit subir aucune altération, les danseur-euses ne « sortent » pas du double front, on va prendre la place du vis-à-vis de même sexe, c’est tout.
Lors de ces croisés, les femmes se déplacent en avançant de face, l’une vers l’autre, latéralement et sans croiser leur trajectoire se rétablissent en faisant un demi-tour tout en sobriété sur leur épaule gauche. Les hommes eux se déplacent sans àcoups, en décrivant une sorte de « demi-lune aplatie » et en se faisant quasiment face, arrivé à la place du vis-à-vis chacun termine son rétablissement « en douceur », pas avant.
On a pu dire que ces croisés représentaient une forme de jeu, peut-être, de toute manière les changements de front sont présents dans les contredanses, ici ce n’est donc en rien une originalité.
Figures
La danse complète s’effectue sur 52 temps (sont exceptés bien sûr les temps musicaux du départ).
• Pendant quatre formules de quatre temps chacune, tous les danseurs exécutent le pas sur place (16 temps)
• On change de place avec son vis-à-vis du même sexe en effectuant un croisé sur deux formules (8 temps)
• Le double front se stabilise pour effectuer deux formules de quatre temps chacune, sur place (8 temps).
• Puis on vient retrouver sa place initiale en deux formules de quatre temps chacune, en croisant (8 temps).
• II n’y a pas de stabilisation, on exécute un nouveau croisé-aller en deux formules (8 temps).
• Enfin, sur une seule formule, les danseurs regagnent leur place de départ (4 temps).
Pour ce dernier croisé, la formule d’appuis se trouve légèrement modifiée, modification qui n’altère en aucune façon les deux premiers temps subdivisés.
Dans le croisé, chaque danseur change de place avec le vis-à-vis du même sexe.
Le croisé des femmes
Les deux femmes se croisent épaule gauche contre épaule gauche. Dans le croisé, afin qu’il se « passe bien », les femmes n’attendent jamais le temps 1 de la formule de quatre temps pour quitter leur place. Elles commencent leur déplacement environ au temps 3 de la formule précédente.
Ainsi fait, à partir du 30e temps, les cavalières ne s’arrêteront jamais à une place ou à une autre ; elles ne se stabiliseront jamais, mais évolueront toujours sur la trajectoire (ceci est très visible sur le film).
1 - Les hommes croisent en se faisant face.
Pour croiser, les hommes « boutent » leur épaule gauche et croisent en se faisant face. Pour se stabiliser en place de leur vis-à-vis, les hommes n’effectuent qu’un léger redressement d’à peine un quart de tour et non un demitour comme le font les femmes.
2 - Les hommes croisent en se tournant le dos.
La position du corps du cavalier reste la même, il se présente dans le croisé épaule gauche en avant, mais cette fois il passe dos à dos avec son vis-à-vis. Le redressement à la place du vis-à-vis se fait absolument de la même manière que lorsque les cavaliers se font face.
Pour démarrer, ils effectuent un léger déplacement à gauche à peine sensible. Il est intéressant de noter que le croisé de face reste le plus pratiqué et est celui qui s’adapte le mieux à cette danse de style enfoncé. Le danseur arrive à sa place de côté et non de dos. Il progresse continuellement latéralement et non de face puis de dos. Il ne se rétablit qu’arrivé à sa place.
Tenue et mouvement des bras
Les danseurs se tiennent droits, pieds décollés, genoux un peu ouverts. Les bras sont ballants le long du corps. Ils oscillent très faiblement au rythme du balancé du corps.
Il n’y a aucun mouvement volontaire (à noter que sur le film, pris en novembre 1976, les danseurs ont mis leurs mains aux hanches, ce qui n’est pas leur habitude et en fait ne change pas du tout leur attitude). En résumé, la position du danseur de Kérouézée est la position générale du danseur de haute-Bretagne lorsqu’il danse sans tenir sa cavalière (son cavalier pour la femme).
Technique de pas
La danse complète se compose de 50 temps dansés et de quelques temps de remise en place. Les 50 temps se déclinent en 12 formules de 4 temps (48 temps) auxquels on ajoute deux temps à la fin… Vient ensuite le marché pour terminer de revenir à sa place de départ. Chaque formule se compose donc de 4 temps que l’on peut subdiviser en deux parties de 2 temps chacune : 3 appuis de stricte même importance sur 2 temps représentant la base et l’essentiel de ce pas de branle ancien, puis 2 temps qui agissent un peu comme une respiration.
Toutes ces formules sont rigoureusement identiques dans la pulsation que l’on soit sur place ou que l’on se déplace (le pas ne subit aucune déformation fondamentale lors des croisés).Il est remarquable que le pas des hommes et celui des femmes est inversé, exemple unique en Penthièvre.
Formule de 4 temps
Au démarrage les deux pieds sont au sol à plat à l’assemblée (temps 0). Les deux premiers temps (trois appuis réguliers et en tout point identiques) : temps 1 et 2.
Temps 1 : prise d’appui d’emblée à plat sur toute la semelle (gauche pour les hommes, droit pour les femmes)
Temps « et » : prise d’appui d’emblée à plat sur toute la semelle (droit pour les hommes, gauche pour les femmes)
Temps 2 : prise d’appui d’emblée à plat sur toute la semelle (gauche pour les hommes, droit pour les femmes) Dans les formules sur place, le pied gauche des hommes, droit des femmes, au temps 1 peut se poser très légèrement à la fois en arrière et sur le côté extérieur. Au temps « et » le pied vient se poser à l’assemblée de l’autre. Au temps 2 le pied se pose au même endroit qu’au temps 1, très faiblement en avant.
Dans les formules servant au croisé, au temps 1 le pied gauche des hommes, droit des femmes, se pose légèrement en avant (valeur d’un pied maximum), l’autre pied vient le rejoindre latéralement au temps « et ». Au temps 2, le pied se pose encore à l’avant (valeur d’un pied maximum).
Temps 3 : le pied droit des hommes, gauche des femmes, se pose d’emblée à plat sur toute la semelle ; au même moment la jambe gauche des hommes, droite des femmes, emmenée par le pied commence à se lever.
Temps 4 : emmenée par le mouvement en avant de la jambe libre qui se poursuit, le pied au sol, droit pour les hommes, gauche pour les femmes, effectue une légère surrection (non volontaire donc).
Dans les formules sur place au temps 3, le pied pose au sol à l’endroit exact du démarrage (temps 0) et effectue la surrection sur place (temps 4). Dans les formules servant au croisé, au temps 3 le pied
pose en avant (valeur d’un pied maximum), le temps 4 est fait sur place.
Les 12 formules de 4 temps effectuées (48 temps), on ajoute deux temps qui sont l’exacte reprise des deux premiers temps G-D-G pour les hommes, D-G-D pour les femmes (au total 50 temps). Suivent trois pas marchés pour terminer de se remettre en place initiale, ces trois pas ne sont plus de la danse mais donc un simple marché, la musique effectue un ralenti, une sorte de point d’orgue.
Structure de la forme de la danse
« Kerouézée » est un terme gallo signifiant « croisée », cette contredanse est constituée de mouvements de danse sur place et de mouvements de danse en progression visant au changement de front, des croisés.
A chaque démarrage de la danse le musicien effectue de façon variable (chaque musicien semblant utiliser une formule personnelle), une ritournelle, sorte d’appel à la danse. Les danseurs sont immobiles. Puis la danse commence.
• Les danseur-euse-s effectuent quatre formules de 4 temps sur place (16 temps).
• Les danseur-euse-s vont utiliser deux formules 4 temps pour effectuer un croisé (8 temps). Les deux cavalières échangent leur place, il en est ainsi pour les deux cavaliers. Les deux cavalières avancent de face épaule gauche contre épaule gauche sur une ligne de danse bien droite et se retournent d’un peu plus d’1/4 de tour sur cette même épaule gauche seulement une fois arrivées en place. Les deux cavaliers démarrent de face puis se faisant face l’un l’autre progressent légèrement de profil sur leur épaule gauche et poursuivent leur trajectoire, ne se rétablissant qu’une fois arrivés en place de l’autre cavalier, pas avant.
• Stabilisés, les danseur-euse-s effectuent deux formules de 4 temps sur place (8 temps).
• Les danseur-euse-s effectuent un nouveau croisé en deux formules de 4 temps (8 temps).
• Les danseur-euse-s effectuent un nouveau croisé en deux formules de 4 temps (8 temps).
• Sur les deux premiers temps de la formule en quatre temps (cf plus haut) les danseur-euse-s redémarrent un ultime croisé. Les cavalières auront dépassé la moitié de leur trajectoire, les deux cavaliers eux seront au milieu du double front, face à face … la danse est normalement terminée ici, restent deux à trois temps en décroissance joué par le musicien sur lesquels chacun-e effectue un
pas marché pour terminer sa trajectoire et se positionner à sa place initiale, ce qui peut faire pour les hommes marché pied droit, puis gauche, puis on termine pieds joints. Pour les femmes, la formule est symétrique. Ici il n’est plus question de jambe libre levée.
Afin d’assurer une fluidité dans les croisés et pour éviter des à-coups dans la trajectoire ainsi que des heurts, les femmes peuvent très légèrement anticiper leur déplacement au temps 3 de la formule précédente. Ainsi elles peuvent poser leur pied gauche en avant d’un demi à un pied maximum en avant. Ceci n’est qu’une aide discrète et sobre, en aucun cas un mouvement volontairement visibles.
Style
En dépit du côté apparemment sophistiqué de sa forme et de ses « circonvolutions », cette contredanse devra donner le caractère d’une danse d’une grande sobriété dans son exécution.
En Penthièvre, principalement dans sa partie orientale, le haut Penthièvre (cf fiche terroir), c’est ce style qui prévaut pour quasiment tout le patrimoine dansé, et surtout pour les danses qui trouvent leurs origines dans un passé assez lointain, celles qui utilisent le pas du branle ancien appelé branle gai.
Contrairement aux avant-deux qui lui sont voisins, la Kerouézée n’utilise que ce pas, d’où sa grande unité d’expression stylistique.
La sobriété vient en très grande partie de la totale régularité de son pas et de sa pulsation, de la continuité du geste sans à-coups.
Les danseurs et danseuses sont en contact permanent avec le sol et toujours sur toute la plante du pied d’emblée, avec seulement cette petite élévation au temps 3/4.
Les trois appuis qui constituent les deux premiers temps se font, en plus d’être dans une parfaite régularité, totalement à l’identique (ne pas respecter cette donnée fondamentale amènerait une perversion de style proche de la polka).
Sobriété n’est pas synonyme de raideur ou de contraction. Les mouvements apparaissent souples ce qui est généré par le jeu tout en amorti des genoux et des chevilles, rien de volontaire et d’exagéré, seulement une compensation pour se sentir bien dans la danse.
Sur les quatre premières formules dites sur place, les danseur-euse-s ne sont cependant pas statiques. Sans que le buste n’oscille d’avant-arrière ou latéralement, ce léger mouvement de déplacement des pieds n’est pas ressenti dans le buste, chacun-e s’aménage une petite aire à danser au sol (cf. technique du pas), ce qui confère une certaine rondeur au style dansé, « le double front bouge ».
Il y a continuité de ce style sobre dans les croisés, le pas étant strictement le même. La rondeur perçue s’exprime par une continuité des mouvements : les cavalières progressent et se retournent tout en souplesse et rondeur sans rupture de mouvement, l’anticipation dans le départ, produite par celles-ci doit être la plus discrète possible, à peine visible. Les hommes ont eux-mêmes une trajectoire continue qui ne se
stabilise pas. Tout ceci prend toute sa saveur lors des derniers croisés jusqu’à la fin de la contredanse.
Enfin, cette sobriété est manifeste dans la posture stable des danseurs et des danseuses, chacun et chacune se tient en aplomb parfait sur les deux jambes et pieds tout au long de la danse. Les bras sont libres, le long du corps et oscillent très faiblement au rythme du mouvement du corps, pas plus (anciennement les femmes portaient des grands châles, en costume de cérémonie, très appliqués qui leur
maintenaient les bras surtout ainsi que les avant-bras). Le mouvement de la jambe libre (gauche pour l’homme, droite pour la femme) est unique, on le retrouve uniquement assez similaire dans le Tour sur’l dré (pays du sud de Saint-Brieuc). Il se fait sur presque deux temps (temps 3 4), il agit un peu comme une respiration après les trois appuis bien au sol (temps 1 et 2). Emmenée par le pied dont la semelle se présente partiellement visible vers l’intérieur, la jambe monte en avant sans rupture ni cassure, la cuisse s’ouvre légèrement. Le pied monte environ à mi- tibia de l’autre jambe sans jamais la croiser. Ce mouvement entraine la légère surrection sur l’autre pied, celui resté au sol sur deux temps. (Attention, dans le volume V, danses de toutes les Bretagne, du fait de la prise de vue, ce mouvement apparait comme trop haut dans les danseurs du premier groupe).
À noter, sur le film fait en 1976, la femme qui nous a servi de référence met ses mains à la taille. Habituellement, ses bras étaient toujours ballants mais à chaque prise de vue, probablement impressionnée par le spot puissant de la caméra, elle pensait ainsi mieux présenter.
Accompagnement musical
Dans toutes les occasions ordinaires, puisqu’on dansait souvent, on s’accompagne à la goule : on chante en dansant. Il n’y a pas de structure dans le chant. Il n’y a pas non plus de chants construits, élaborés. On se contente de ritournelles, les paroles évoquent la plupart du temps des petits évènements intervenus dans la petite communauté villageoise. (vilaïj, en gallo signifie le hameau et non le village), traités de façon humoristique.
Dans les rassemblements plus importants, plus festifs rassemblant une importante communauté, tels les noces, il y a des musiciens locaux que l’on paie. Au premier titre, un violoneux est présent, ou plusieurs pour se relayer. Nous sommes en Penthièvre, les vielleux étaient nombreux et appréciés. Il n’était pas rare de trouver des joueurs d’harmonica pour des occasions plus ordinaires.
C’est le musicien qui emmène la danse. Il permet aux danseurs de se mettre en danse et l’ambiance s’installant, rythme et tempo prennent un peu d’essor. Il mène la danse jusqu’à sa fin et permet aux danseurs de se remettre en place à chaque fois avec une finale décroissante.
Ensuite il propose une petite ritournelle et la danse reprend. Lorsque les danseurs s’accompagnent à la goule, il n’y a pas cette courte mélodie.
Tempo
Il n’existe pas pour cette contredanse un tempo rigide et totalement fixe. Une légère variation est possible :
• suivant le jeu du musicien, de l’ambiance qu’il impulse relayée par les danseurs.
• à l’intérieur d’un même morceau, c’est-à dire que le tempo final pourra être légèrement supérieur au tempo du départ (ce n’est pas obligatoire). Un bon tempo se situe entre 110 et 120 noires à la minute, mais pas au-delà.
CD de référence
1. Kérouézée, harmonica, musicien traditionnel anonyme
2. Kérouézée, vielle, Pascal Etesse, Danses de toutes les Bretagnes - volume 2
3. Kérouézée, vielle et accordéon diatonique, Pascal Etesse et Jean-Yves Le Ray, musiciens du Cercle de Penthièvre
Mode vestimentaire
Ce qu’il pouvait y avoir de spécifique pour les modes masculines a disparu dès le début de la seconde moitié du
XIXe siècle.
La mode féminine est totalement inscrite dans celle du Penthièvre, la vêture ne diffère quasiment pas dans le secteur de la Kerouézée du reste du grand terroir. Comme un peu partout en Penthièvre, la Grande Guerre, a porté un coup fatal au port du costume traditionnel, on le retrouve quelques années ensuite mais en voie d’extinction.
La coiffe, elle a continué à être portée jusque dans les années 1970 environ.
Au moment où cette vêture est encore complète, elle se remarque par le port du grand châle, qui peut être porté un peu plus court que sur la côte cependant, pour les costumes de cérémonie bien sûr. Ces châles en mérinos sont souvent de couleur : vert bronze, brun, aubergine ou noirs, brodés quand la condition sociale le permet.
Les devantières, de petite taille, en soie brochée, brodés, toujours noires à partir des années 1880 ont aussi assez rapidement perdu leur bavette.
Lorsque la femme qui porte cette coiffe est en deuil, elle remplace cette cocarde de tulle ou en filet blanc par une autre en crêpe noir.
Ressources
• Buffet Henri-François, En haute-Bretagne, Librairie celtique, Paris
• Creston René-Yves, Le Costume breton, La Bibliothèque bretonne Tchou
• Danses de toutes les Bretagnes volume V Le Pouvre et le Penthièvre (2ème partie), DVD, Kendalc’h
• Guesdon Yann, Coiffes de Bretagne, Coop Breizh
• Le haut-Penthièvre, Fiche terroir, Heritaj, Kendalc’h
• Costume du haut-Penthièvre, Fiche costume, Heritaj, Kendalc’h
• Rochereau Pierre, Coiffes et costumes des bords de Rance, éditions Le Carouge
• Prince Bianchi de Médicis, Anthologie des coiffes et types actuels du Peuple breton, gravure de Noëllie Couillaud n° 57
• Stage terroir Kendalc’h « Le Mené », Trédaniel janvier 2003
À gauche : femme en costume complet et coiffe à cocarde région de Plénée-Jugon. À droite : Marie Le Tessier de Le Gouray. La tenue civile montre que l’on est en dernière mode. La cocarde est portée haut d’où cette apparence curieuse. Collection Michel Guillerme