Fiche de danse
(Kas-Abarh)
En-Dro mode
Carnac-Plouharnel
Terroir
Haut-Vannetais - Pays d'Auray
Vidéos et musiques
Rédacteurs
La première rédaction de cette étude a été
réalisée par Georges Paugam et réactualisée
par la Commission Danse de Kendalc’h.
Cette fiche a été complétée et mise à jour
en 2015 par Martial Le Gloanic.
Famille de danses
Branle Ancien
Structure de la danse
Danse unique
Accompagnement traditionnel
Couple biniou/bombarde
Chant
Forme de la danse
Environs d’Auray, trois mariages réunis.
Collection Cartopole de Baud
Appellation
Selon le style, l’emprunt au terroir voisin, l’influence de la région limitrophe, le nom donné à l’en-dro cortège est différent : dañs a zailheu dans la partie nord-ouest ; en-dro mod Langidik dans la partie nord-est, vers Quistinic ; parfois gavotte dans la presqu’île comprise entre la Laïta et l’embouchure du Scorff. Dans une large bande côtière entre Port-Louis et Carnac, l’en-dro en cortège est actuellement popularisé par l’expression kas-abarh, qui désignait déjà au début du XXe siècle la broderie apportée à la ronde. Cette expression est donc antérieure à la forme en cortège. De plus, pour les danseurs traditionnels entre Port-Louis et Carnac, c’est toujours par en-dro qu’ils désignent cette danse, même s’ils connaissent l’expression kas-abarh. On a utilisé également, entre Port-Louis et Auray, les noms de Jabadao, Jibideau, pour désigner le cortège, noms peut-être justifiés par l’exubérance relative de celui-ci par rapport à la tenue de la ronde. Dans l’étude qui suit, nous décrivons la variante d’en-dro (kas-abarh) existant entre les rivières d’Etel et de Crac’h et particulière aux danseurs populaires de Carnac, Plouharnel, Erdeven.
Situation géographique et historique
La forme du cortège est limitée à l’ouest par la Laïta et l’Ellé. à l’est, sa limite peut être fixée par une ligne partant de la rivière de Crac’h et passant entre Baud et Quistinic avec, toutefois, des infiltrations sporadiques jusqu’à la rivière d’Auray. Au nord, nous voyons une profonde pénétration en pays de gavotte, jusqu’à Bubry, Inguiniel, Guilligomarc’h. à ce sujet, il est intéressant de constater l’extension de la mode vestimentaire de Lorient-Groix dans cette région... ceci pouvant expliquer cela… Tout l’ouest du pays d’en-dro est remarquable par sa forme en cortège, qui a remplacé la ronde ou la chaîne. C’est vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe que sont apparues les premières fantaisies qui ont permis, plus tard, le découpage de la ronde ou la chaîne. Soit que le cavalier et sa cavalière se tournaient l’un vers l’autre toutes les 4 mesures sans rompre la ronde, soit que le cavalier lançait sa cavalière vers le centre de la ronde (kas-abarh, « envoi en dedans »), avec déjà l’amorce de la rupture de la ronde. Ces deux façons, qui altéraient profondément le sens communautaire de la danse, ont abouti finalement à l’individualisation du couple. C’est la première guerre mondiale qui a fait la charnière, et, si des témoignages sérieux prouvent l’apparition du cortège ici et là, avant 1914, c’est bien après celle-ci qu’il faut en voir la généralisation.
Informateurs, témoignages et transmission
Dans les années 1976-1978, le cercle celtique « Kerionned Lann Karnag » mené par André Arhuero, avec le concours des « Trouzerion » (chanteurs), de Georges Paugam et de la commission Danses de la confédération Kendalc’h, entreprend la mise en valeur du patrimoine dansé de pays d’Auray. Le collectage de l’en-dro deu ha deu (kas abarh) réalisé en 1977 à Carnac , nous permet d’avoir aujourd’hui une analyse complète et précise du patrimoine chanté et dansé du pays de Carnac. Les témoignages et l’analyse des captations réalisées en présence des anciens des communes de Carnac, de Plouharnel et Erdeven, porteurs de tradition, ont permis d’aboutir à la rédaction de la fiche technique de cette danse.
Occasion de danse
Comme partout ailleurs en Bretagne, les occasions de danse en début de XXe siècle en pays d’Auray sont à mettre en rapport avec les grandes fêtes de l’année. Les mariages, les soirées de pardons, les kermesses, les fêtes de fin des grands travaux des champs... ont toujours été autant d’occasions de danser en pays d’Auray.
Origine et famille de danse
La dénomination Kas Abarh pour cette danse est assez récente puisque ce sont les cercles celtiques locaux qui l’ont nommée ainsi dans les années 1960. La mode ancienne était de danser l’« en-dro deu ha deu ». La danse prend ses origines dans l’en-dro dit « mod koh » en opposition à l’« en-dro deu ha deu ». Les anciens danseurs du pays ont rapporté qu’ils avaient vécu le passage de la ronde au couple avant 1914. Les airs à danser, sont eux, malgré tout, restés les mêmes. La première fantaisie ayant mené à la structure du cortège en couple voulait que le cavalier lance sa cavalière vers le centre du rond (kas abarh signifiant « envoie dedans ») tout en conservant la ronde ou la chaîne commune. Prémice qui altère profondément le sens communautaire de la danse pour aboutir à l’individualisation du couple.
Collection Cartopole de Baud
Forme et structure de la danse
L’en-dro du pays est donc remarquable par sa forme en cortège qui a remplacé la ronde ou la chaîne. C’est vers la fin du XIXe et début du XXe siècle que sont apparues les premières fantaisies qui ont permis, plus tard, la scission de la ronde ou de la chaîne en cortège par couple. C’est la première guerre mondiale qui a fait la charnière, et si des témoignages sérieux prouvent l’apparition du cortège ici et là, avant 1914, c’est bien après celle-ci qu’il faut en voir sa généralisation.
Tenue et mouvement des bras
C’est une danse par couple, cavalier à gauche. Le collectage nous indique que les danseurs nés avant la 1ère guerre n’avait pas systématiquement le réflexe de se tenir par le petit doigt mais plutôt par le majeur ou l’index. Le choix du doigt est donc libre et propre à chaque couple pourvu qu’il se sente bien dans ce choix. Les avant-bras se touchent, en une position un peu plus relevée que l’horizontale, cavalier et cavalière restant écartés au niveau des épaules. Le bras gauche libre du cavalier est replié derrière le dos (paume vers l’extérieur) ; le bras droit libre de la cavalière est tombant. Les avant-bras marquent les temps forts sur les deux premiers motifs. Ils scandent la marche par un mouvement naturel, net, ressenti (donc non commandé) d’une ampleur variable selon le tempérament. C’est un mouvement de haut en bas, il faut donc éviter les mouvements en « bielle de locomotive ». Pendant les 3e et 4e motifs, les mains (droite du cavalier, gauche de la cavalière) décrivent un dessin semblable au trajet de la cavalière, tout en restant parallèles au sol. Selon l’aisance et la maîtrise du couple, les temps impairs peuvent être marqués par la même intensité que sur les deux premiers motifs. Attention de ne pas baisser mains et avant-bras, surtout à la fin du 4e motif, avant de reprendre la position de départ.
Position moyenne du bras pendant les deux premiers motifs, avec amplitude de la scansion naturelle vers le bas.
Technique de pas
La danse est composée de 4 motifs de 2 temps (musicaux), correspondant à 4 changements de pas :
- Gauche - droite - gauche
- Droite - gauche - droite
- Gauche - droite - gauche
- Droite - gauche - droite
Nous avons choisi la formule de comptage pratique :
1 et 2 - 3 et 4 - 5 et 6 - 7 et 8, correspondant aux temps forts de la musique.
Formule d’appui de la figure complète
1er motif (temps 1 et 2) : Les danseurs exécutent un changement de pas vers l’avant : gauche - droite - gauche.
2e motif (temps 3 et 4) : Les danseurs exécutent un changement de pas vers l’avant : droite - gauche - droite.
3e motif (temps 5 et 6) : Les danseurs exécutent un changement de pas gauche - droite - gauche, mais le cavalier ralentit sa progression vers l’avant, et tout en marquant les pas, amorce un quart de tour sur sa droite, tandis que sa cavalière continue sa progression, vers l’avant, guidée par le mouvement du bras droit du cavalier (attention, pas d’envoi sur le côté). A ce moment, les deux danseurs sont en décalage. Au temps 6, la cavalière se prépare à revenir sur elle-même, en se tournant vers la gauche, toujours guidée par le cavalier, commençant ainsi un trajet retour en « épingle à cheveux ». Attention, pendant sa marche vers l’avant, la cavalière doit garder la même progression et non pas accélérer ou allonger le pas.
4e motif (temps 7 et 8) : Le cavalier achève le quart de tour esquissé pendant le 3e motif et continue de guider sa cavalière qui passe dans son champ frontal. Elle dépasse son cavalier qui se tourne encore un peu plus, présentant ainsi plus ou moins le dos au sens de la danse. Le cavalier fait ensuite revenir sa cavalière dans le sens de la marche, en la tirant à lui, lui faisant décrire une boucle dont l’ampleur conditionne le retournement du cavalier... Pendant ces deux évolutions (boucle et retournement), qui se font sur la formule droite - gauche - droite, le cavalier doit donc légèrement progresser en reculant, selon son orientation, ce qui ajoute de l’amplitude à la boucle décrite par la cavalière et la facilite. Entre le temps 8 du 4e motif et le temps 1 du motif suivant, le cavalier se remet progressivement en position de départ, en se tournant sur sa gauche.
La progression vers l’avant est nette, il n’y a pas de piétiné. Les pieds se posent à plat et ne traînent pas. Le pied du changement de pas qui prend appui à tous les temps « et » vient se poser à côté du pied au sol, légèrement en arrière (un demi pied environ).
Les prises d’appui sont nettes sans toutefois frapper le sol. Il n’y a pas de tremblé au niveau des genoux. La danse est continue, sans rupture entre les différents motifs.
Style
Le style de la danse est propre au style général en pays vannetais. Le pas est marqué avec une prise nette des appuis à plat. La danse est ancrée au sol. La progression du cortège vers l’avant est nette et les changements d’orientation doivent être fluides, continus et sans ruptures entre les différents motifs. Le respect du tempo musical a ici toute son importance puisqu’il doit permettre de poser la danse, de l’ancrer au sol.
Collection Cartopole de Baud
Variantes
Observations faites près des danseurs populaires.
Dans cette danse, de caractère très individuel, où chacun semble s’exprimer selon son tempérament, il est difficile de trouver une unité dans la forme et le dessin gestuel, sinon dans le style. En effet, tous les danseurs observés marquent nettement le pas, la scansion des bras intérieurs semble être un trait acquis ; il y a également unité sur le bras libre, tombant, de la cavalière (mais non ballant). Pour le bras libre de l’homme, nous avons relevé 4 positions : main au revers du veston, main sur la hanche (paume), main sur la hanche (dos, paume tournée vers l’amère) et main dans le dos, (paume vers l’extérieur). C’est cette 4e position que nous avons choisie, mais la 3e en est très proche. Signalons également chez quelques danseurs, la prise par le doigt du milieu. L’enquête a relevé que les danseurs nés avant 1914 pratiquaient en général de cette façon, aussi bien dañs en-dro que dañs er laridé. Le trajet au sol décrit par les danseurs est également très variable selon que le cavalier se tourne peu ou prou sur les deux derniers motifs. Le mouvement de la cavalière se traduit, soit par un simple vis-à-vis avec son cavalier, soit par un « grand huit ». Nous avons retenu un parcours moyen, bien dessiné, dont l’amplitude permet aux acteurs de s’exprimer sans aller jusqu’à l’exubérance. Par contre, comme il est admis plus ou moins conventionnellement, que l’en-dro se démarre du pied gauche, nous avons appliqué cette formule de cortège. Or, la majorité des danseurs qu’il nous a été donnée d’observer, démarrait du pied droit. Si nous avons omis de prendre en compte cette réalité, c’est parce qu’en aucun cas, la formule et le style de la danse n’étaient en cause et que c’est là l’essentiel.
Accompagnement musical
Collection Cartopole de Baud
Si le couple biniou-bombarde a été utilisé de tous les temps dans les noces et fêtes revêtant une certaine importance, c’est le chant qui reste l’accompagnement idéal utilisé dans toutes les occasions.
Chant alterné entre soliste et choeur, sans tuilage (à ce sujet nous mettons en garde contre ces chanteurs passe-partout, qui « diskanent » tout). Nous conseillons particulièrement le disque « Kan-ha Diskan en pays vannetais » comprenant 5 chants (paroles sur la pochette) en signalant que les airs appelés en-dro sont des « kas-abarh ».
Le volume 1 des « Dir-ha-Tan » est également très intéressant, avec deux kas-abarh dont les paroles sont notées sur les pochettes (une seule critique, les temps forts de la danse manquent un peu d’intensité).
Le tempo idéal serait de 90/95 noires à la minute ; au-delà, la grandeur des pas de marche a tendance à diminuer, ou l’on piétine, et le tremblé risque d’apparaître au niveau des genoux.
Mode vestimentaire
Cette forme de danse déjà connue en 1907 et jusqu’après la seconde guerre mondiale nous permet de faire un point sur la mode vestimentaire des années 1910 en pays de Carnac.
Le costume de la femme est composé d’une robe parée de bandes de velours noir aux manches, sur le buste et le dos ainsi que sur le bas de la robe. Cette largeur de velours détermine en général la période de confection de la robe et le rang social de sa propriétaire. La coiffe encore marquée de ses trois coins, commence toutefois à rétrécir et la mode est à la parer de dentelle, le plus souvent mécanique. Col, guimpe et manchettes sont déjà plus travaillés et ornementés du fait de leur taille plus réduite et donc moins dispendieuse. Deux modes se côtoient dans le pays de Carnac, la mode à col et la mode à châle. Dans les deux cas c’est le tablier qui est la pièce maîtresse de la tenue les jours de grandes fêtes. Au début des années 1910, la mode est au tablier brodé de petits bouquets de fleurs. Brodé au mètre à Lyon, le tissu de satin ou de velours a la préférence des jeunes mariées jusqu’à la première guerre mondiale. Cette mode relativement courte sera vite remplacée par la broderie en guirlande, où le motif de chaîne de vie, symbole fort de la broderie en pays vannetais sera largement utilisé à partir du milieu des années 1910.
Mariés des environs d’Auray.
Collection Cartopole de Baud.
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Pour la mode à col, le tablier est caractéristique de sa bavette de forme triangulaire et très couvrante sur la poitrine. Pour la mode à châle, la bavette de plus petite taille laisse apparaître le châle de velours ou de mérinos brodé ou non, plié, couvrant la poitrine et encadrant une pièce de dentelle dite guimpe à châle. L’évolution du costume traditionnel masculin verra sa fin à l’issue de la première guerre mondiale. A l’image de la femme, le gilet croisé à double boutonnage et la veste à haut col se parent de velours noir. Col, revers de col et poches de velours sont considérés comme les parements de la tenue. La chemise blanche est agrémentée d’un faux-col et d’un nœud (papillon, twist, cravate) les jours de fêtes. Le pantalon rayé a la préférence du vestiaire masculin en général. Le chapeau à longues guides de velours tombantes complète la tenue.
CD de référence
-
En-dro mod koh - couple kozh - Kergozien/Durassier - Apprenez les danses bretonnes volume 2 - 2009
-
Kas abarh Saboter koad - chant - Triorezed - Apprenez les danses bretonnes volume 2 - 2009
Collectage Dastum
Ressources
Bibliographie :
- Guilcher Jean-Michel, La tradition populaire de danse en Basse-Bretagne, Editions Coop Breizh - Le Chasse Marée/Armen, 3e édition : mai 1995
- Douar Alre, Douar Alré Danses et chants du pays d’Auray – Korolleu ha Sonenneu Douar Alre, Livret CD DVD
Discographie :
- Douar Alre - Fest Noz - Kalan Gouianv, 2007
- Lothodé-Cadoudal, Ca va durer comma ça encore pendant longtemps ?, 2005
- Lothodé-Cadoudal, Poc’h bras ha sac’h bihan, 2000
- Trouzerion, Ataù biù, 1999
- Les frères Kergozien, Danses et mélodies du pays de Carnac, 1973
- Trouzerion, Kan ha diskan en pays vannetais, 1975
- Dir Ha Tan, Chants traditionnels du pays vannetais, (vol 1 et 2)
Remerciements
- Transmission : André Arhuero
- Ecriture de la danse : Bernard Langlois
- Valorisation du patrimoine culturel du pays d’Auray : Ti Douar Alre