Appellation

« Quadrille américain1 » pour la danse ou « quadrille tout petit2 » pour la musique.
1 Extrait du Dictionnaire de la Danse de G. Desrat de 1895 : « Le quadrille américain est de création nouvelle et ne date guère que de 1879. Pourquoi l’avoir baptisé du nom du mot américain, car il n’est nullement d’origine américaine et n’a aucune ressemblance avec les quadrilles dansés dans les Etats-Unis ? New-York, Boston et toutes les grandes cités se contentent de notre quadrille français, des lanciers et de leurs valses bostonnées. Selon toute apparence, le quadrille doit être dû à l’imagination de quelques amateurs qui, avides de remplacer la tristesse de notre contredanse, ont fait un choix de figures du cotillon. Ils ont eu raison, car ils ont converti la tristesse en folle gaieté. »   
2 La musique « Tout Petit » a été composée par Elie Dupeyrat (1840-1930) éditeur musical à Savignac d’Allemans près de Ribérac en Dordogne. C’est un quadrille à 5 figures. Il vendait énormément par correspondance, et ce quadrille « Tout Petit » était repris sur un recueil intitulé : « Partitions faciles pour XX instrument ». Les sociétés de musique étant très développées dans le vignoble, la diffusion s’est faite facilement !

Situation géographique et historique

Pour la version Vallet : son canton
Le Sèvre-et-Maine, pays du muscadet, se compose des cantons d’Aigrefeuille-sur-Maine, Clisson, Le Loroux-Bottereau, Vallet et Vertou. La dénomination tire son origine du nom des deux rivières qui traversent le vignoble en Sud-Loire.
Il est sûr qu’une telle restriction géographique ne peut s’appliquer à la danse, aussi il est préférable de parler du Sèvre-et-Maine d’une façon plus générale sachant que ce type de quadrille s’est dansé jusqu’à Rezé !
M. Jouin et Mme Péponnet ont collaboré au collectage et à l’élaboration d’une première fiche technique concernant le quadrille dansé à Vallet, pour la F.A.L. (Fédération des Amicales Laïques) dans les années 1960. Il existe d’ailleurs un enregistrement de M. Tertrou avec des partitions différentes du Tout Petit.

Informateurs, témoignages et transmission

L’ensemble des films et enregistrements ont été faits à l’occasion des repas des anciens à Vallet de 1981 à 1985.
Remerciements chaleureux à Jules Lebas et son épouse, Maurice et Jean Tertrou, Yves Vincent, Jean-Baptiste Merlaud, Yves Bourdin, Raymonde Braud, M. Priou, M. Neveu Louis Le Floc’h et bien d’autres.

Occasion de danse

Les noces, repas de famille et autres. Comme dans le vignoble Sud-Loire, les sociétés de musique étaient présentes, les occasions ne manquaient pas.
On dit que quand un musicien part, c’est une danse qui meurt, et là ce n’était pas le cas !

Origine et famille de danse

Dès la fin du XVIIIe siècle, étant donné la profusion des contredanses, on va commencer à les regrouper sous l’appellation de pots-pourris. Petit à petit, on va les stabiliser pour aboutir, vers 1850, à l’élaboration de quadrilles ordonnés avec cinq figures (pantalon, été, poule, pastourelle, une figure libre souvent un galop). Nous retrouverons pour ce qui nous concerne les quadrilles du Comté nantais (Guénouvy-Conquereil, Grandchamp-des-Fontaines, Malville, Basse-Indre) ou encore celui de Saint-Brieuc.
Il est bien évident que l’arrivée en Haute-Bretagne, puis surtout la pratique du quadrille en tant que formule-type sont nettement plus tardives que celles de l’original, si original, il y a. Cela va induire deux conséquences plutôt heureuses. La première est que même si la dissociation est apparente  entre les quadrilles dits de première génération et ceux de seconde génération, il arrive que l’on puisse rencontrer dans celui-ci ou celui-là des éléments épars, empruntés au modèle qui n’est pas celui de l’origine. La seconde conséquence est celle qui fait la richesse de l’emprunt et le fortifie, c’est que ces quadrilles ont intégré de façon plus ou moins sensible, en s’implantant, ce qui se faisait localement préalablement. Ainsi on va retrouver des pas, des paroles, des postures, des appellations qui au final vont faire de ces quadrilles dits au départ français ou américains des danses totalement spécifiques chez nous, danses qui font partie intégrante de notre culture populaire et traditionnelle.

Figures

 

Promenade

16 temps d’introduction, puis les quatre couples marchent dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. L’homme est à l’intérieur au centre, il tient sa cavalière par la taille, main droite dans main droite. La cavalière la main gauche autour du cou de son cavalier ou sur son épaule droite. Départ pied gauche pour le cavalier et la cavalière, 16 pas.
Au 14ème temps, le cavalier fait tourner sa cavalière autour de lui par la gauche (un demi-tour). La cavalière se retrouve donc à l’intérieur. à nouveau 16 pas dans le sens des aiguilles d’une montre.
Au 14ème temps, le cavalier tourne autour de sa cavalière par la droite (un demi-tour). On se retrouve dans la position de départ.
Il y a en tout quatre allers-retours (introduction + 4 fois 32 temps).

Ronde (ou corbeille)

16 temps d’introduction, puis les cavalières se donnent la main pour faire une ronde. Les cavaliers se donnent les mains par-dessus celles des cavalières. La ronde fait 16 pas sautillés dans le sens des aiguilles d’une montre, départ pied gauche.
Au 15ème temps, ralentissement suivi d’un arrêt très léger de façon à mieux enchaîner, puis 16 pas sautillés dans l’autre sens.
Les cavalières passent alors sous les bras des cavaliers et se rejoignent au centre du cercle. Elles font un demi-tour vers la gauche pour se retrouver face aux cavaliers. Pendant ce temps, les cavaliers continuent à tourner, en ronde (8 pas sautillés) dans le sens des aiguilles d’une montre (sans balancer les bras).
Quand les cavaliers ont retrouvé leur cavalière, les couples prennent une position « danse moderne ». Chaque couple tourne dans les quatre angles, dans le sens des aiguilles d’une montre en pas marchés sur 8 temps.
La ronde reprend comme au début, mais cette fois les cavaliers ont les mains au-dessous de celles des filles (pas de temps de flottement entre le tourné par couples et la reprise de la ronde, il faut donc partir les bras tendus). L’évolution est la même (ronde et tourné par couples), mais les rôles des cavaliers et des cavalières sont inversés (les cavalières faisant la ronde autour des cavaliers qui se regroupent au centre).

Moulinet (ou moulin)

16 temps d’introduction, puis deux des cavaliers se donnent la main gauche au centre, les deux autres prennent leur poignet par la main gauche. Ils tiennent leur cavalière par la taille, main droite dans main droite. La cavalière a sa main gauche autour du cou ou sur l’épaule droite de son cavalier. La croix tourne dans le sens contraire des aiguilles d’une montre (16 pas, départ pied gauche).
Cette évolution est reproduite quatre fois, en changeant de cavalière à chaque fois : au 14ème temps, la cavalière retire sa main gauche de la taille du cavalier et pivote sur sa droite, en gardant sa main droite dans la main droite de son cavalier, et en allant chercher le cavalier de derrière avec sa main gauche. Elle lâche son cavalier précédent et se remet en position de moulinet avec son nouveau cavalier.
Juste avant de retrouver leur cavalier, les cavalières se donnent la main droite au centre, comme les garçons précédemment. Les cavaliers, pendant ce temps, doivent se lâcher les mains et faire un demi-tour à gauche pour reprendre leur partenaire et se mettre dans le sens de la marche. La cavalière a la main gauche autour du cou ou sur l’épaule droite de son cavalier. Le cavalier tient sa cavalière par la taille de sa main droite et a le bras gauche ballant.
La croix est reformée avec les cavaliers à l’extérieur (il n’y a aucune interruption ni temps d’attente entre la fin du premier moulinet et la formation du second). L’évolution est la même mais dans le sens des aiguilles d’une montre et avec changement de cavalier. Au dernier temps, chaque cavalier a retrouvé sa cavalière. La croix est bien marquée, par couples. A noter que les cavaliers changent de cavalières au 14ème temps. Le garçons pivote sur sa gauche et s’accroche de la même façon à la cavalière suivante.

Visite(s)

16 temps d’introduction en formation de quadrille, les quatre couples face au centre, main droite de la cavalière dans main droite du cavalier.

Visites
Les deux couples situés face à face font 4 pas marchés l’un vers l’autre (départ pied gauche) pour se saluer au centre (au quatrième pas). Puis ils font 4 pas marchés pour aller saluer face à face le couple de droite, le salut étant bien marqué au quatrième pas. Puis 8 pas marchés pour aller saluer l’autre couple (départ vers la gauche). Ils retournent à leur place en huit pas marchés.
Les cavaliers (ceux des couples qui se sont déplacés) font tourner leur cavalière sous leur bras droit (par l’intérieur) et l’envoient au cavalier de droite.

Pastourelles
8 temps d’arrêt, en formation de pastourelle : le garçon tient de sa main gauche la main gauche de sa cavalière de gauche, et de sa main droite la main droite de sa cavalière de droite, les personnes faisant face au centre.
Les deux pastourelles situées face à face font 4 pas marchés l’une vers l’autre et se saluent au 4ème pas. Retour en quatre pas marchés pendant que les cavaliers restés seuls échangent leur place et se retournent face au centre, en pas marchés et les bras ballants. Les cavaliers seuls traversent sur le côté droit. Reprendre une nouvelle fois.
Variante : à Château-Thébaud, les deux cavaliers s’accrochent par le coude droit et font un tour au centre avant de changer de place (source : Mme Péponnet).

Ronde
Au dernier temps, le cavalier fait tourner ses deux cavalières en même temps, sous ses bras, par l’intérieur, en un tour. On enchaîne en ronde en pas sautillés dans le sens des aiguilles d’une montre, départ pied gauche et sans balancer les bras. Elle dure 16 temps, soit un tour.

La même évolution est reprise pour les deux autres couples qui ne sont pas venus se saleur au centre à la première visite.

Coup de poing

16 temps d’introduction. Sur les 4 derniers temps, formation de la ronde : départ pied gauche pour les cavaliers, pied droit pour les cavalières. Deux pas vers le centre avec élévation des mains au deuxième pas et léger frappé du pied en avant (le pied étant bien à plat). Ne pas trop lever les mains en l’air, mais les rassembler au centre. Puis deux pas en arrière en abaissant les mains.
Douze pas tournés (dans le sens des aiguilles d’une montre) par couples, sur le cercle, en balançant les gras (gauche pour le cavalier, droit pour la cavalière) mais en bas aux temps forts (accentuation relative). Pour ces pas marchés-tournés, le cavalier danse avec sa cavalière de gauche et la met à sa droite au douzième pas (il y a donc changement de cavalière).
On reprend l’ensemble de la figure autant de fois que le musicien le désire. Au bout de X fois et quand le cavalier a retrouvé sa cavalière, il tourne avec elle jusqu’à la fin, en suivant le tempo musical accéléré.
Variante : à Montbert, la cinquième figure était appelé par certains (notamment M. Clénet) le « dôme » et non le « coup de poing ».

Variante

Dans une version collectée à Le Bignon, les quatre premières figures semblent identiques au quadrille américain dansé à Vallet. La cinquième figure s’appelle le galop (d’après Mmes Leroy et Le Bot). Les couples se tiennent main droite dans main droite, main gauche dans main gauche par devant. Le cavalier est à gauche de sa cavalière. Pas de galop. Le couples se suivent en file indienne, le sens de l’évolution importe peu. Il n’y a pas d’accélération de tempo à la fin de la cinquième figure.

Accompagnement musical

Le « Tout petit » a d’abord été joué dans le vignoble Sud-Loire avec l’orchestration d’origine (piston, clarinette, baryton, basse), puis au violon accompagné parfois d’un piston, autrement à l’accordéon.

CD de référence

1. Quadrille de La Haye-Fouassière, Le Pallet et Vallet - violon/piston - Frédéric Motteux et David Morand