Groupe vestimentaire
À l‘exception de ce que l’on peut trouver en pays guérandais (et en partie seulement), l’ensemble des modes vestimentaires en usage dans l’ancien comté nantais présente une très grande homogénéité.
Situation Géographique et Historique
A ce propos, alors que l’on entend évoquer hélas de plus en plus l’appellation administrative, Loire-Atlantique, pour parler de cet élément de culture traditionnelle, il faut bien préciser une nouvelle fois que les limites départementales et celles de ce grand terroir ne sont en aucun cas superposables, les premières étant nettement plus restreintes que les secondes. Tout naturellement, et dès la première moitié du XIXe siècle, le pays de Châteaubriant diffère très peu pour ses mises vestimentaires de celui de la ville de Nantes, des pays d’Ancenis, de Guéméné-Penfao, de Clisson, du pays de Retz ou encore de la Basse-Loire jusqu’à Saint-Nazaire et même jusqu’à Redon.
Costume Féminin
Les femmes, tout autant que dans les autres terroirs de Haute-Bretagne, ont adopté les vêtures à la mode de leur époque (exception faite pour certaines du Vannetais gallo et du pays guérandais). On le remarque très tôt, dès le début du XIXe siècle sur les gravures de Benoît, et plus tard sur celles de Lalaisse. Cette affirmation ne vaut bien sûr que pour ce qui est de la base du vêtement, c’est-à-dire les dessous, mais aussi et surtout les robes quand c’est le cas, et plus tardivement, jupes et hauts.
Il en est tout autrement pour les éléments dits « identitaires » que sont les tabliers et châles, et particulièrement les coiffes et les modes de coiffure.
Eléments identitaires (dernier quart du XIXe - premières décénies du XXe
On peut considérer que le passage du XIXe au XXe siècle a vu le déclin sinon la fin du port du costume féminin dans ce qu’il a de spécifique. Sur les photographies de mariage, plus on s’approche de la première guerre mondiale, plus les femmes (au moins pour les plus jeunes) ont opté pour la « taille », c’est-à-dire la mise à la mode. Même si les coiffes sont encore nombreuses, châle et tablier ont été définitivement remisés. Voyons donc comment se présentaient ces éléments spécifiques du costume féminin à son apogée en pays de Châteaubriant, dans le dernier quart du XIXe siècle et la première décennie du XXe siècle sachant comme on l’a dit plus haut, qu’il diffère très peu de celui du reste du comté nantais.
Collection Michel Guillerme
Le châle
Sur beaucoup de documents photographiques, il est à noter que les femmes de Châteaubriant ont un goût prononcé pour les châles en velours brodé pour les dernières grandes modes de cérémonie. Ce sont des châles de taille réduite, se présentant sous la forme d’un triangle. Le velours de soie envers satin est quasi-exclusivement de couleur bleu nuit (partout dans le comté nantais, le noir a semble-t-il été exclu pour cette pièce de costume). Les broderies, au fil de soie, ont comme motifs les roses, les feuilles de lierre, de vigne, les épis de blé ou les grappes de raisin, pour les plus représentés. Ce châle est bordé de dentelle du Puy (jamais de franges) pour les dernières modes, rehaussé de perles de jais ou de verre, une petite dentelle borde souvent le bord haut de ce châle. Comme dans la plupart des terroirs de la Haute-Bretagne, ce châle est fixé à quatre plis nettement au-dessous de la nuque et échancré. Il présente ses trois plis sur le devant du buste, bien visibles et bien appliqués, fixés par la bavette du tablier. Dans le dos, la pointe arrive tout juste à la taille. Ces châles n’étaient pas tous brodés (velours uni ou frappé), et pas toujours en velours non plus : le satin uni a été employé. La couleur bleu nuit n’est pas exclusive, la couleur « lie de vin » a été très prisée aussi par les femmes des bourgs du pays de la Mée. On a porté aussi, passages des colporteurs oblige, des châles en soie tissée aux motifs riches et chatoyants provenant des fabriques lyonnaises et pour ceux-ci, les plus anciens, on peut avoir des franges de soie reprenant les couleurs du châle. Dans les familles aisées, les jeunes mariées ont porté des châles de tulle blanc brodé.
Mariage à Derval en 1895.Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Le tablier
Ce qui caractérise ce tablier en premier lieu réside dans la très grande et belle bavette qui épouse étroitement le buste de la femme, et du fait aussi qu’elle est la plupart du temps baleinée. La base de cette bavette se retrouve un peu au-dessus de la taille, l’affinant par la même occasion, et présente souvent une pointe plus ou moins accentuée. La partie supérieure de cette bavette, passepoilée afin qu’aucune couture ne soit visible, accuse une forme en U quelquefois assez ouvert, quelquefois beaucoup moins. Chaque extrémité se fixe sur les épaules en maintenant les trois plis du châle avec une discrète épingle à chacune des pointes. La partie basse du tablier peut présenter une forme arrondie dans le bas ou droite sans réelle raison de lieu ou d’époque. Ceci dit, les modes plus anciennes préfèrent le bord droit, plus en faveur, on le note sur les photographies d’époque.
L’élégance de la femme peut se manifester par des éléments de décoration, le plus souvent de la dentelle au fuseau, du Puy ou de la Blonde qui entoure tout ou partie du tablier ; une bande de perles de jais peut aussi à l’occasion être présente sur le pourtour, rehaussant la dentelle. Ces bandes de dentelle et de jais sont toujours présentes quand les tabliers sont de forme arrondie dans le bas, elles le sont beaucoup moins quand le bas du tablier est droit. Les étoffes employées sont le taffetas, le satin, la moire, le broché, l’ottoman, la plupart du temps en soie ou en belle cotonnade. La couleur élégante par excellence à partir des années 1870 environ étant le noir, nombre de ces tabliers sont donc sombres. Lorsqu’il y a couleur, celle qui semble la plus répandue est l’ocre, « caramel » à « pain brûlé ».
La coiffe
C’est ici comme partout ailleurs en Bretagne, l’élément identitaire, emblématique de la mise traditionnelle de la femme. Les coiffes de Châteaubriant et plus largement du pays de la Mée appartiennent à ce très grand groupe des coiffes du comté nantais ayant ses déclinaisons propres.
On y a porté la câline dès la première moitié du XIXe siècle. H.Lalaisse la représente dans ses croquis comme une « coiffe apprêtée, câline en coton blanc pour le travail ». La câline, coiffe en calicot, plissée au doigt, a subsisté comme coiffe de travail pour les travaux des champs.
Il est vraisemblable que comme partout ailleurs dans le comté nantais, la dorlotte ait eu la faveur des femmes des bourgs au pays de la Mée : « pour sortir on mettait la dorlotte faite en mousseline mais non amidonnée, mais uniquement plissée à l’eau » P.Masson.
Pour le travail, les femmes ont très largement utilisé une sorte de bonnet en tissu fin au tissage à motifs géométriques et quelquefois avec un semis de fleurs, légèrement amidonné. À ce bonnet sont cousues des barbes que chacune fixait à son gré et peut-être en fonction de son ouvrage, soit libres, ou attachées par devant sur la poitrine ou dans le dos, soit fixées sur le bonnet ou l’arrière de celui-ci.
Mais, bien sûr, la coiffe par excellence est la dormeuse dans une version bien identifiée. Rappelons que l’aire du port de la dormeuse est la plus vaste de toutes les coiffes de Bretagne devant la toukenn et la polka. Afin de conforter la remarque faite plus haut, cette aire n’a que faire des limites administratives. Si on parle ainsi de départements, son aire va au-delà de la Loire-Atlantique puisqu’on porte la dormeuse dans le Morbihan (Camoël, Férel, La Roche-Bernard, Saint-Dolay…), dans l’Ile-et-Vilaine (Redon, Langon, Sainte-Anne-sur-Vilaine, Le Grand Fougeray…), dans le Maine-et-Loire (Saint-Crespin, Landemont…), dans la Vendée (Montaigu, Boufféré, Saligny, Bouin…).
Comme presque pour toutes les coiffes en Bretagne, la dormeuse se décline aussi suivant toutes les occasions et étapes de la vie de celle qui la porte, les heureuses comme les moins heureuses, les fêtes religieuses, le mariage, les noces, le deuil, le demi-deuil, le veuvage…
Cette coiffe a ceci d’exceptionnel en qualité d’élément traditionnel, pour qui est passionné par l’étude ethnologique du costume et de son environnement, c’est qu’elle évolue continuellement et simultanément dans les deux axes, celui du temps et celui de l’espace : une seule coiffe au départ, et à l’arrivée des centaines de versions (et ce n’est pas exagéré). Chacune de ces versions identifie la paroisse, voire le hameau ou quartier de ville, ou l’attachement à la lingère qui a la confiance de la femme qui la porte. On ajoute pour l’identification, l’âge de celle-ci, la période de sa vie, son « statut social » et bien d’autres choses.
La dormeuse est une coiffe la plupart du temps en tulle de coton, quelquefois en gaze appelée oxford, plus rarement en mousseline ou calicot plein. Elle est paillée, ce qui la rend très sensible aux conditions climatiques, à la pluie, au brouillard, à la simple humidité ambiante… Et on est dans un pays d’eau, d’étangs et de rivières. Pour les premières messes, on la recouvrait de son « jac », son complément indispensable pour la protéger.
Avant de partir à la découverte de la mode spécifique des dormeuses de Châteaubriant et des alentours, n’oublions de rendre un hommage rempli de force et de respect à une « armée » de lingères et pailleuses. Ce sont elles qui par leur génie, leur créativité, leur goût, ont façonné toutes ces merveilles aux différences mystérieuses et subtiles, le plus souvent indétectables au regard du premier venu mais non à celui des femmes qui les portaient et qui au final par leur choix ont valorisé ce travail inventif.
Comme presque toutes les dormeuses du nord de la Loire, celle de Châteaubriant a perdu son dalais (dentelle gaufrée ou non à l’arrière et sur les côtés de la coiffe). C’est ainsi que l’on va définir le groupe de Châteaubriant qui comprend Ruffigné, Rougé, Fercé, Noyal-sur-Brutz, Villepot, Soudan au nord, Louisfert au sud. Ce qui caractérise le repassage de la coiffe est la vingtaine de « sillons » verticaux sur les deux côtés allant du paillage à cœur à la base latérale de la coiffe. Cependant, ces plis, en saillie, différents des plis des modes plus au sud (Ligné et autres) sont surtout bien visibles donc à Châteaubriant, ils le sont moins dans les autres paroisses et communes du groupe. Ces sillons sont réalisés grâce à un petit outil appelé « gaufre » par Paul Masson, utilisé à des fins différentes pour d’autres modes. A Saint-Julien-de-Vouvantes, certaines femmes (sous l’influence éventuelle d’une ou plusieurs lingères) ont adopté sur leurs dormeuses plus petites ces sillons verticaux caractéristiques du groupe de Châteaubriant (collection du Docteur Le Dorze).
La dormeuse du groupe de Châteaubriant se porte sur une coiffure de cheveux ayant la forme d’un catogan large à la base carrée, pouvant rappeler la coiffure des Rennaises voisines. Dans l’est du territoire, certaines femmes ont adopté comme ailleurs la coiffure nattée, mais cela reste minoritaire. Elle se porte très « décollée » sur le haut de la tête et sur les côtés, laissant largement apparaître le ruban de velours sur lequel elle est fixée.
Dans le pays de la Mée, il existe d’autres modes de dormeuses, en voici quelques-unes, pour les plus proches de Châteaubriant :
- à Saint-Vincent-des-Landes on a retrouvé des coiffes à petits plis couchés et à la base du pignon plate.
- à Issé, Moisdon, Erbray, La Chapelle-Glain, la base du pignon est rentrée, contrairement à Châteaubriant. Quelques plis couchés apparaissent sur les côtés, on note une influence des dormeuses plus au sud.
- à Sion-les-Mines, Mouais, Derval, Jans, Nozay, les coiffes ont une base plate et ne présentent ni sillons, ni plis couchés, déjà elles s’apparentent au grand groupe qui s’étend de Guérande à Guéméné-Penfao.
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
On peut ajouter que pour toutes ces modes, à l’occasion des grandes fêtes, mariages, les femmes, souvent les plus jeunes couvraient leur coiffe, sur la passe et les côtés d’un très large et très beau ruban de soie, généralement de couleur ivoire, quelquefois à motifs et jours. Ce ruban se termine à l’arrière par un très grand nœud sans pan tombant, mais dont les bords sont bien visibles sur toutes les photographies de groupes de noces de l’époque.
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Collection Michel Guillerme
Les bijoux
Pour terminer sa mise, la femme élégante de Châteaubriant comme celles des gros bourgs du pays de la Mée et disons toutes les bretonnes, à peu d’exceptions près, se pare de bijoux. Ces bijoux, que l’on achète dans les petites bijouteries locales, peuvent donner quelques informations sur le rang social de la femme qui les porte. Comme dans le reste de la Bretagne, ces bijoux ne sont pas de fabrication locale, tout au moins ils sont à la mode du moment et sont ceux que l’on porte donc un peu partout : sautoirs avec coulants, châtelaines, simples chaînes de montre, boucles d’oreilles ou broches de caraco. Ils sont en or pour les plus riches, souvent en argent, mais c’est bien sûr le pomponne, alliage qui a permis par son prix modique d’être accessible au plus grand nombre, qui reste le plus répandu pour ces bijoux.
Costume Masculin
En ce qui concerne les modes masculines, dès les années 1870, à l’instar de ce qui s’est pratiqué un peu partout dans le reste de la Haute-Bretagne, les hommes ont adopté les modes citadines en vigueur, ceci pour les cérémonies mais aussi pour le travail. On retrouve généralement les éléments portés par les paysans et les artisans, pratique largement répandue dans l’ouest de l’Europe.
Collection Michel Guillerme