Introduction
Créée en 1933, l'association des Bretons d'Argenteuil, est à l'origine une amicale qui a pour but de favoriser les regroupements des personnes d'origine bretonne loin de leurs racines.
Les carrières de calcaire d'Argenteuil donnent du travail aux Bretons ayant quitté le pays. Avec LE NOACH, fondateur originaire de Plouharnel, ce sont des bretons ayant racines en pays d'Auray qui se retrouvent à Argenteuil. Depuis 1958, année de la création du cercle celtique Bugale ar gwen ti uhel au sein de cette amicale, le groupe travaille la musique, le chant, la danse et le costume. Adhérent depuis sa création à Kendalc'h Ile de France, le cercle a pour but de promouvoir la culture bretonne sous toutes ces formes.
Sous la présidence de Camille GUILLO dans les années 60, le cercle axe son vestiaire sur les costumes du Pays d'Auray et de Baud, laissant l'opportunité à chacun et chacune de porter le costume de son terroir d'origine (comme cela est souvent le cas dans les groupes d'Ile de France et Divroet).
Pour se présenter au concours de la Confédération Kendalc'h en 1991 , le cercle choisit d'uniformiser son vestiaire en l'axant sur le costume de Camors (à mi-chemin entre le pays de Baud et celui d'Auray).
Le cercle d'Argenteuil au Tradi'Deiz à Vannes
A partir de 2003 et sous l'impulsion de sa présidente Isabelle MAHÉ, le cercle élargit son vestiaire et réalise en 2015-2016 des vêtements de travail.
En 2017, sa fille, Lénaïg MAHÉ, se présente à l'élection de la "Payse de France" dans une mode vestimentaire jamais exploitée, et surtout avec l'envie d'échapper au stéréotype des bretonnes vêtements noirs.
Tout d'abord attirée par le costume dessiné aux environs d'Auray en 1843 par François-Hippolyte
LALAISSE, c'est finalement et pour garder un pied en Pays de Baud qu'elle choisit celui de Pluméliau. Par bonheur, une robe rouge dite de Pontivy a été conservée par l'association des Amis de Pontivy, elle a été étudiée par Jorj BELZ dans ARMEN en 1997 et 1998 et exposée par l'association LES MODES AU FIL DU TEMPS en 2011 à la chapelle du château des Rohan à Pontivy avec la rédaction d'un article sur leur site internet. Cette robe rouge est le seul exemplaire du vestiaire féminin du milieu du XIXème siècle aujourd'hui répertorié sur ce territoire et elle constitue l'une des plus anciennes pièces textiles du Morbihan.
Autant de raisons pour reproduire ce costume en se basant sur cette pièce unique et à partir d'un moulage minutieusement réalisé sur mannequin.
Au détour de ces recherches, ce travail a permis de remettre en valeur des techniques de coupe, d 'assemblage et de broderie. Au-delà de l'aspect esthétique d'un costume fini, le processus de confection revêt son importance, de même que la fabrication des boutons et des épinglettes de Sainte-Anne d'Auray.
En ce qui concerne le costume masculin, seuls quelques "porpants" du milieu du XIXème siècle sont aujourd'hui conservés dans des collections publiques ou privées. Ce pardessus était porté dans le Morbihan et particulièrement dans la région pontivienne où il en restait encore quelques témoignages à la fin du XIXème siècle.
Pour le reste du costume masculin et féminin et en absence de pièces textiles anciennes, nous avons étudié les textes, croquis, iconographies, pièces et témoignages existants actuellement. Nous avons respecté les volumes et les détails de coupe et de montage, mais en utilisant les matériaux d'aujourd'hui et certains accessoires collectés.
Sur le thème
En Bretagne historique, les pardons sont nombreux, certains sont connus, voir même encore pratiqués et d'autres sont moins connus et souvent oubliés. Pour aborder ce thème, nous avons choisi le pardon de Saint-Nicodème qui a d'ailleurs toujours lieu le 3 août sur la petite commune de Pluméliau.
Définition des terroirs concernés
Le pays de Baud est situé en plein-centre du Morbihan. Véritable lieu de confluence, il possède même une frontière avec le pays Gallo.
Entouré du pays d'Auray et de Lorient au sud, du pays Pourleth à l'ouest et du pays de Pontivy au nord.
Comme partout, les zones limitrophes sont très poreuses. Les femmes de Pluvigner, au début du XXème siècle, quitteront la coiffe de Baud pour celle d'Auray, les hommes de Melrand choisiront le costume pontivien et les femmes le costume baldivien, les femmes de Camors porteront jusqu'à trois modes ( Auray, Baud et Lorient!),celles de Pluméliau, qui portent le costume de Baud quand F.H. LALAISSE y passe en 1843, choisiront plus tard le costume pontivien.
Dans ce pays vannetais, ces trois pays ont une évolution parallèle, en effet, les pays d'Auray, de Pontivy et de Baud arborent des costumes qui ont de grandes similitudes. La coiffe de Baud est sans doute en Bretagne l'une des coiffes qui a le moins évoluée ( au moins dans sa forme). Au XXème siècle, elle est remarquable par son travail de broderie et elle restera d'ailleurs la coiffe de cérémonie (de mariage) de certains bourgs qui l'avaient abandonnée pour le quotidien.
Epoque et spécificité de ce pardon
Deux légendes coexistent concernant l'édification de la chapelle Saint-Nicodème de Pluméliau, la première veut que
"Saint-Nicodème serait apparu aux habitants du pays pour leur demander l'édification d'un chapelle. Ces derniers, pour rouver le lieu exact d'édification de cette chapelle auraient
câché des boeufs, qui se seraient arrêtés net dans cette zone marécageuse, où fut donc construit cette chapelle. La seconde légende veut que le lieu soit un ex-voto de la Dame de Kerveno, qui aurait promis de construire une chapelle sur le lieu exact de sa rencontre avec son époux, le Seigneur de Kerveno, rentrant de la guerre sain et sauf.
Classé Monument historique depuis 1910, la construction de ette chapelle s'est étalée entre 1520 et 1540.
Le retable polychrome du maître-autel a été conçu par Olivier
Martinet au troisième quart du XVIIème siècle (armes de Toussaint CORMIER, recteur de Pluméliau de 1649 à 1673). Son panneau central représente douze personnages, dont Saint- Nicodème recevant le corps du crucifié descendu de la croix. Le saint est aussi représenté dans une niche, dans la partie haute du retable. Ses deux compagnons (Gamaliel et Abibon) sont eux sculptés dans les niches latérales.
Deux autres petits retables sont présents dans les bras du transept, l'un est dédié à Saint-Pierre et
Saint- Isidore (au nord) et l'autre (au sud) est consacré à Notre-Dame de Lorette et Saint-Jean
Saint-Isidore, saint espagnol dont le culte dépassa les Pyrénées et s'implanta fortement en Bretagne. Saint-Isidore est le Saint patron des laboureurs. Son culte se répandit dans les provinces les plus agricoles, et donc naturellement arriva en Bretagne. Son culte fut introduit dans le centre de la Bretagne par les prédications du père MAUNOIR au XVIIe siècle. On compte aujourd'hui 59 églises ou chapelles dédiées à Saint-Isidore dans la Bretagne Historique (Bretagne à cinq départements) mais principalement dans le Morbihan.
Les fontaines sont construites en un seul monument de granit, de style othique, situé un peu à gauche de l'entrée de la chapelle dans l'enclos. La première fontaine extérieure date de 1608. Elle est composée de trois bassins. Chaque bassin était surmonté dune niche abritant respectivement
: Saint Nicodème, Saint Gamaliel et Saint Abibon (ils ont tous disparu). Un haut relief sculpté montre un couple conduisant un boeuf, un homme, un cochon, un cavalier et une femme en train de prier.
Un quatrième bassin, aussi dit seconde fontaine, date de 1790, est dédiée à Saint Cornély (saint protecteur des boeufs).
Lors du pardon, les hommes assis autour des fontaines, après s'être laissé pousser une barbe d'au moins 4 jours, se faisaient raser, puis ils se lavaient le visage et les mains à l'eau de la fontaine de saint Nicodème. Cela les protégeait des fièvres, des maladies de peau et des maladies contagieuses. Ils pouvaient aussi puiser l'eau de la fontaine dédiée à saint Cornély pour protéger leurs troupeaux des épidémies animales.
Des veaux et des agneaux étaient offerts au curé puis vendus aux enchères au profit des pauvres de la paroisse.
Le curé devait, quant à lui, ce jour-là offrir du pain, du beurre et du cidre à ses ouailles.
Comme dans la majorité des pardons de Bretagne, la fête religieuse côtoie la fête profane où les croyances populaires et les danses païennes succèdent aux cantiques.
Saint-Nicodème est fêté le 3 août. Le samedi soir avant le pardon, un feu de joie était allumé par un ange descendu du clocher au moyen d'un va-et-vient mécanique. Une traînée de poudre mettait le feu au bûcher et remontait, entouré d'une pluie d'étincelles provenant des pièces d'artifices dont il était entouré.
Mode vestimentaire retenue
Nous avons opté pour la reproduction d'un costume quelque peu oublié et qui était porté entre Pluméliau et Noyal-Pontivy au milieu du XIXème siècle.
Lors des pardons, les hommes et les femmes portaient, dans la limite de leurs moyens financiers, leurs costumes du dimanche et souvent leurs plus beaux costumes, ceux réservés aux cérémonies, agrémentés d'ornements spécifiques et souvent achetés sur place.
O Le costume féminin
Histoire de la robe de la femme
Sur le site des MODES AU FIL DU TEMPS, nous apprenons que la robe exposée en 2011 a été donné aux « Amis de Pontivy » par la famille FAUCHAIS-LE BELLER. Cette robe avait appartenu à MarieFrançoise ROBIC, une jeune femme née à Pluméliau en 1830, mariée à l'âge de 17 ans à P.LE BELLER
Cette robe avait vraisemblablement été portée en 1847 lors de son mariage et jusqu'en 1854, date de sa dernière grossesse. En effet, Réjane LABBÉ signale sur le site des modifications apportées notamment sur le devant de la robe. Il est bien évident que lors de la réalisation du moulage de cette robe, il a été tenu compte de cette particularité.
La robe rouge (er blenenn en breton vannetais par référence à la belle robe)
Si la véracité du carnet de croquis de 1843-1844 de François Hippolyte LALAISSE est incontestable, il est important de constater, que son témoignage peut être recoupé par plusieurs récits.
Dans la mémoire collective, on parle de robes rouges comme des parures extraordinaires, on les chante encore aujourd'hui dans le pays d'Auray
« Kemenérig, kemenér mat « Petit tailleur, bon tailleur d'émen éh-hui de houriad ? Où allez vous coudre ? Plahig éh an de di ho tad La belle, je vais chez votre père d'obér deih un abid skarlat Vous faire une tenue écarlate Kemenér, un dra vat e hret Tailleur, vous faites bien m'es ket abid skar/at erbet... Car je n'ai pas de tenue écarlate ! »
On notera également une référence à ces robes rouges dans la biographie de Pierre NOURY ( Lauzac'h 1743-Vannes1804), recteur de Bignan pendant la Révolution Française : « Un dimanche Monsieur de ROHAN-CHABOT avait publié qu'il aurait offert dans son château de Kerguehennec des rubans et même des robes rouges aux meilleures danseuses. Aucune fille de Bignan ne fit le concours. Tous les prix furent pour les paroisses voisines... »
Ce texte nous apprend donc que les robes rouges (et non pas un corsage et une jupe) existaient déjà au XVIIIème siècle dans le pays vannetais. Il met en évidence également la lutte de l'Église contre les danses et certaines toilettes jugées scandaleuses.
La robe des Amis de Pontivy est en drap de laine rouge et elle nous révèle certains secrets de montage non visibles à la simple lecture du carnet de croquis de LALAISSE.
Outre les modifications inhérentes à l'état de grossesse de sa propriétaire (élargissement importante de la poitrine et de la taille), la partie jupe de la robe (appelée historiquement le jupon), qui, d'après le croquis pourrait être constitué d'un bande de tissu plissé puis froncé et enfin assemblée au corps de la robe, se révèle être en fait un assemblage de multiples quilles.
La technique employée est donc de plier en deux, envers contre envers, pour former ainsi un pli positif, puis d'assembler la quille réalisée à la quille suivante pour former le pli négatif.
Une fois la quarantaine de quilles assemblées les unes aux autres, elles forment un genre de vaste éventail. Pour être montée sur le corps de la robe, chaque haut de quille est incrustée dans la découpe crénelée du bas du corps de la robe pour former ainsi des colonnes (technique semblable à un montage dune succession de têtes de manche).
Le corps de la robe ne présente pas de grande spécificité dans sa coupe, la manche est plutôt droite et tracée sur la base d'un manche liquette (manche droite), le bas de la manche se terminant par un revers garni de rubans et de galons.
Les garnitures de la robe sont très élaborées avec notamment l'application détroits galons métalliques or et argent (du type des plus anciens galons de felh). Le marqueur qui nous semble le plus intéressant est l'application de rubans de soie noire brodés de fils de couleur (vert, jaune vif, jaune pâle et rouge), les points en fil de laine jaune pâle y sont simples avec un point de chausson qui fait la liaison entre le ruban de soie et le drap de laine rouge.
En bordure des emmanchures et à l'encolure du corps, le ruban de soie noire dessine de larges arrondis donnant un peu l'illusion de vastes emmanchures en assiette dépassant les omoplates. Pour épouser les arrondis, le ruban est travaillé avec des pinces (comme la technique actuelle sur le velours des robes alréennes). Ces pinces sont ensuite brodées au point de chausson dessinant des lignes droites et des zigzags ponctuées de pois (les couleurs sont utilisées de manière symétriques donnant un effet de miroir) .
Gustave FLAUBERT mentionne en mai 1847 cette façon de garnir les corps de robe, il décrit les belliloises en comparaison des paysannes vannetaises" .... Leurs robes sont privées du large galon de velours appliqué sur l'épaule qui, dessinant le contour de l'omoplate, va se perdre sous les aisselles... Dans sa description, on comprend que FLAUBERT et LALAISSE ont bien vu le même type de vêtement dans le Morbihan.
La coiffe (kouif en breton vannetais)
La coiffe dessinée par LALAISSE en 1843 fait partie de la grande famille des "kornek", que l'on retrouve dans la société paysanne du Morbihan bretonnant.
Son volume est important, elle dépasse la ligne de taille de la robe.
La coiffe est d'une forme simple presque rudimentaire, elle est composée d'un fond plissé de forme trapézoïdale et d'une passe rectangulaire repliée de l'avant vers l'arrière. Pour maintenir les deux barbes de la passe sur le haut du dos, celles-ci sont attachées à hauteur de la nuque par quelque points ou peut- être par des brides.
La coiffe semble relativement transparente, en effet le croquis laisse apparaître les garnitures du dos de la robe. Elle peut être légèrement brodée en points simples ou bordée de fines dentelles.
Un bonnet (kouif brév) englobe le crâne et les cheveux montés en chignon haut, ne laissant rien apparaître de la chevelure, un large ruban rouge enserre le tour de tête.
Les autres éléments du costume féminin
A défaut de pièces textiles du milieu du XIXème siècle, il convient de faire une lecture des deux croquis de LALAISSE, en déterminer les dimensions, les volumes et les textures en se référant également à nos connaissances sur la mode vestimentaire paysanne de ce terroir.
Sous la robe, la femme portait une longue chemise de corps (en hiviz) arrivant à mi mollet et évasée dans le bas, elle était en chanvre ou parfois en lin, avec un large col de lin ou de coton blanc fermé par laçage ou boutonnage et des manchettes indépendantes aux avant-bras et fermées aux poignets. Nous l'avons, en ce jour de pardon, agrémenté d'une épinglette de Sainte-Anne (bijou souvenir du grand pardon de Sainte-Anne d'Auray qui avait lieu le 26 juillet .
Achetés aux XVIIIe et XIXe siècles lors des grands pardons du Vannetais, certains bijoux sont portés comme des enseignes de pèlerinage et attestent la participation physique du pèlerin. Des fibules de laine ou de perles ferment les cols de chemise. Masculins et féminins, les exemplaires varient dans leur typologie. Ils sont ensuite conservés comme des insignes de protection.
Pour donner du volume à la jupe de la robe, elle pouvait porter un jupon (er broh-édan).
Un gilet (ur jilet) croisé à encolure ronde est porté sous le corps de la robe, En drap de laine blanc cassé, nous l'avons réalisé sans manche et garni de deux rubans de velours noir à l'encolure comme cela est visible sur le croquis.
Pour ce qui est du tablier (dantér) , LALAISSE mentionne sur le croquis de gauche que le tablier comme la robe sont en mérinos noir et donne un rapide coup de pinceau pour nous le confirmer.
Pour un jour de pardon, nous avons volontairement opté pour du satin de coton noir et utilisé le même ruban de soie noire et les mêmes fils de broderie que pour la robe. LALAISSE précise que la taille est agrémentée d'un tour en passementerie de soie et d'une ceinture en argent. Nous avons muni le tablier dune large ceinture en ruban de satin noir et dune ceinture en galon métallique avec boucle. Les poches longues et arrondies et brodées sont plaquées de part et d'autre d'une platitude sur le devant (elles pourraient laisser augurer les poches en aumônière qui seront en vogue dans tout le Vannetais entre 1890 et 1920).
LALAISSE représente des bas de couleur rouge orangé dans des chaussures plutôt "dégarnies et à bout rond" comme le précise FLAUBERT.
O Le costume masculin
Faute de représentation du costume masculin par LALAISSE lors de son passage à Pluméliau, nous avons du élargir notre recherche aux modes voisines et rechercher d'autres iconographies susceptibles de voir représenté les "porpants" mentionnés par René-Yves CRESTON dans les collections du Musée de Bretagne et de la collection de Sainte-Anne d'Auray (aujourd'hui disparues) ou ceux des collections privées qui ont pu être présentés à telles ou telles occasions ces dernières années ( à Rennes un porpant daté 1853, à Pontivy un porpant daté 1856, à Guingamp un porpant daté 1855, etc...).
Nous pourrions aussi nous satisfaire du croquis de LALAISSE figurant en bas à gauche de la planche référencée 52.76.1.37 et légendée " environs d'Auray". Il y est dessiné un homme, son chapeau à la main, en sabots, guêtres et culotte à la Française et portant un "porpant de couleur bleu nuit presque noir. Toutefois, la période entre 1830 et 1860 est une période charnière et la silhouette masculine bretonne est en pleine évolution. De plus, Pluméliau est situé entre le pays de Baud et celui de Pontivy et il subit, comme toutes les zones frontalières, des influences diverses, ne serait-ce que dans la cohabitation à cette époque des culottes bouffantes (bragou bras), les culottes à la française (bragoù berr) et les pantalons à pont (brekeu en pays de Pontivy ou marnedeu à Neuillac).
Un peu plus tôt dans son ouvrage, CRESTON écrit «A ces pièces (les costumes des collections muséales) s'ajoutent les croquis annotés de l'album de route de H. LALAISSE. Ces documents authentiques allant de 1843 à 1874 apportent la preuve qu'à cette époque il n'existe pas une mode uniforme, que chaque individu avait la sienne et qu'en somme la mode commune se cherchait peu à peu, tendait à se fixer d'après un type vestimentaire particulier à un individu »
Ainsi aux environs de 1850-1870, les habits des paysans de la région de Pontivy et de Baud n'avaient pas encore trouvé leur style définitif.
L'ouvrage de 1916 de Emile GILLES " Le Pays de Pontivy en 1830" pages 36 à 38,donne plusieurs informations intéressantes " ...Le costume des habitants des faubourgs et des environs de Pontivy présente une particularité remarquable, c'est sa ressemblance avec l'habillement des français de la fin du règne de Louis XIV. Il se compose d'un habit de drap commun, couleur brun violet, dont la taille est longue et le collet très étroit; ses basques, très amples, recouvrent les cuisses et se réunissent par derrière en formant des plis nombreux; le devant est orné au coté droit, d'un rang de nombreux boutons rouges, et de l'autre de boutonnières, en nombre égal, brodées en en laine rouge et jaune, broderie qui se reproduit sur les festonnés et les larges parements ouverts des manches. Des chiffres en broderies indiquent la date de la confection. Une longue veste à manches en drap blanc, quelquefois brodé en laine de couleur et presque entièrement caché par l'habit précédent . Le gilet croisé est en drap blanc aussi, et orné dans la partie qui environne le cou de trois rubans de velours noir. ... Les jeunes ont adopté l'usage du pantalon large en drap couleur de l'habit. Les coutures latérales et la partie inférieure sont ornée, chez les élégants, de broderies en laine de couleurs tranchantes..... Le chapeau rond à larges bords, dont la forme est orné de deux tresses bariolées de différentes couleurs complète le costume, qui est celui des jours de fête quelque soit la saison".
Pour réaliser une reproduction de ce costume masculin, nous avons donc examiné en parallèle la lithographie de CHARPENTIER publiée en 1829 et intitulée "Paysans du bourg de Noyal" et les croquis de LALAISSE réalisées en 1843 dans le Morbihan (à Lauzac (52.76.1.21), non situé (52.76.1.24), environs d'Auray (52.76.1.37) et non situé (52.76.1.38). Ces documents illustrent bien les propos de R.Y. CRESTON sur la diversité vestimentaire sur ce territoire vannetais, avec toutefois la prédominance de la silhouette en pantalon à pont et porpant.
Lalaisse 52.76.1.21
La statuaire et notamment celle représentant Saint-Isidore, patron des laboureurs, nous offre une autre piste de lecture.
Le saint y est en effet représenté en laboureur, plus ou moins richement habillé selon les représentations. La statue de la chapelle Saint-Nicodème à Plumiliau est un bon exemple, même si elle date de la fin du XVIIIème siècle, les similitudes sont frappantes avec celle de la chapelle de SaintTrémeur à Bubry de la fin du XVIIIème siècle, début du XIXème siècle ,où le saint porte d'ailleurs un gilet blanc garni de deux bandes noires.
A droite : chapelle Saint-Trémeur, Bubry
Le Saint-Isidore de la chapelle Sainte-Tréphine à Pontivy est beaucoup plus ancien puisque daté du XVIIème siècle, mais il est représentatif du premier stade d'évolution de l'habit à la Française vers ce qui sera le porpant.
Nous avons opté pour un ensemble porpant marron et pantalon à pont bleu-nuit dans une silhouette proche de celle de la gravure de CHARPENTIER mais en tenant compte des pièces vestimentaires des années 1850 à 1870 que nous avions pu examiner.
Le porpant (nom donné par R.Y.CRESTON) ou justenn (nom donné par Jorj BELZ)
Nous avons réalisé le porpant dans un drap de laine marron suivant le patron d'un porpant de la région de Noyal-Pontivy qui avait été relevé sur un exemplaire en drap de laine noire daté de 1856 (collection de Jorj BELZ). Mis en parallèle d'un second porpant daté de 1869 (de la même collection), nous avions noté certaines différences notables, notamment la diminution de la longueur du vêtement et du volume des quilles dans le dos, ce qui va dans le sens de l'évolution amorcée entre la lithographie de CHARPENTIER et le croquis de LALAISSE.
Les caractéristiques principales de ce porpant sont une silhouette proche de celle des habits à la française avec notamment une coupe droite mais ouverte devant, une absence de col, une longueur à mi-cuisses, la forme dentelée des poches placées sous les aisselles et des parements des bas de manches et la présence de trois quilles dans le dos.
La broderie a été réalisée en fils de laine jaune pâle, orange et rouge et notamment sur les fausses boutonnières, les poches dentelées, les bas de manches également dentelés et pour les décors à la naissance des quilles dans le dos. Une des caractéristiques de ces porpants est la présence systématique d'un cartouche brodé portant la date de confection de ce vêtement et parfois les initiales de son propriétaire.
Les boutons du devant, des manches et des poches sont purement décoratifs (sauf les trois premiers boutons du bas des manches) et ils ont été réalisés en fil rouge et de fabrication artisanale (autour d'un disque de bois percé en son centre, on vient tourner le fil autour et réaliser une sorte de point de reprise qui formera ce dessin caractéristique en quatre quartiers.
Le pantalon à pont (brekeu en pays de Pontivy ou marnedeu à Neuillac).
Le pantalon de Noyal-Pontivy que présente CHARPENTIER en 1829 est proche de celui représenté en
1843 sur la planche 52.76.1.38 de LALAISSE et situable à Pontivy et environs.
Si la forme en y est identique avec un large pont et des jambes droites et amples, le croquis de LALAISSE nous fournit plus de détails que la gravure de CHARPENTIER, notamment dans la composition des motifs brodés ou des parements appliqués.
Nous avons réalisé ce pantalon en tissu bleu-nuit à partir du patron d'un pantalon à pont de cette époque (collection Réjane et Daniel LABBÉ) et nous l'avons brodé (même type de broderies et de fils que pour le porpant) dans le bas des jambes avec une amorce de baguette à la couture et nous l'avons agrémenté d'un ruban de velours noir.
Les autres éléments du costume masculin La chemise (ur roched)
Les représentations divergent peu, chemise à manches longues (au dessus de la malléole), à col haut et boutonnée pour CHARPENTIER et pour LALAISSE. Nous l'avons réalisé à partir d'un patron relevé sur une chemise de cette époque (collection Réjane et Daniel LABBÉ) en lin écru et nous l'avons brodé ton sur ton au col comme cela se faisait couramment et particulièrement dans ce territoire où cela a perduré jusqu'au milieu du XXème siècle. Les boutons du col et des poignets ont été confectionnés en fil brodé autour d'une demi sphère de bois (variation de point de tulle).
Les gilets (jileteu)
La représentation par CHARPENTIER en 1829 nous a servi de base pour la confection des gilets en lainage bise. Le premier gilet est croisé à double boutonnage, à encolure ronde garni de deux étroits rubans de velours noir et brodé d'un point de chausson en laine rouge qui fait transition entre le velours et le drap. Nous l'avons pourvu de manches et nous avons réalisé les deux séries de douze boutons en bois recouvert de fil de couleur bise.
Le second gilet superposé au premier ne se boutonne pas et il est moins couvrant. Il est également garni de deux étroits rubans de velours noir et brodé de pois. Les boutonnières de chaque côté sont purement décoratives.
A noter que, sur cette mode, comme sur celle représentée par LALAISSE, les tailleurs de cette région utilisaient la lisière du tissu pour finir le bas des gilets. On retrouve cette particularité dans d'autres terroirs, comme en pays paludier ou à la verticale à Plougastell en bordure des devants de gilets. C'est également un moyen de garniture, d'ailleurs gratuit, qui démontre une certaine ingéniosité des couturiers locaux. Cela démontre également qu'au moins ces trois terroirs avaient les mêmes fournisseurs de drap, puisque la lisière est la même.
Les souliers
Faute de pièces anciennes et de témoignages, nous avons opté pour des chaussures modernes en cuir noir avec une rosette sur le coup de pied et éventuellement des bas blancs, au plus proche de la représentation sur la gravure de CHARPENTIER.
Le chapeau
Les représentations divergent peu dans l'ensemble du terroir vannetais, en paille naturelle ou en feutre noir, ils sont à calotte presque ronde, à très larges bords, sans doute moins imposant que la célèbre et longue description de Gustave FLAUBERT lors de son passage à Plouharnel ... "Quel chapeau! Un vaste et immense chapeau qui dépassait des épaules de son porteur 11 Ils sont garnis d'un ruban de velours autour de la calotte avec un ou deux pans de faible longueur. Quelques fantaisies semblent être permises, notamment la présence d'un second ruban, dune ou deux petites boucles, de cordonnets ou tresses de couleur rouge et jaune, parfois et au pourtour des broderies en fils jaune et rouge, et même une broderie au centre de la calotte en faisant figurer le numéro de l'année.
Détails de chapeaux dessinés par Lalaisse et Charpentier
Echantillonnage des matériaux utilisés pour la réalisation du costume féminin :
Echantillonnage des matériaux utilisés pour la réalisation du costume féminin :
Remerciements
Le Cercle Celtique d'Argenteuil remercie toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce projet Informateurs et sources photographiques:
- Jorj BELZ , Pontivy
- Réjane et Daniel LABBÉ, Saint Brieuc
- Korantin DENIS, historien, Plougoumelen
- Romuald HERVÉ, couturier breton, Auray
Passeurs de point :
- Suzette LE GALL, Plougastell
- David LE GAC, brodeur, Brest
Bibliographie
- Suite de Costumes, lithographies de CHARPENTIER, 1829
- F.H.LALAISSE, de la Bretagne et autres contrées, Editions de la Cité 1985.
- Dilhad Breizh, costumes bretons, livret d'exposition Pontivy 1992-1993, Jorj BELZ
- Revue Ar Men, n 089, novembre 1997, Pontivy « le costume des Moutons Blancs » par Jorj BELZ Revue Ar Men, n 091, janvier 1998, Pontivy « le costume des Moutons Blancs 1870-1950 » par Jorj BELZ
- Site internet «Robe rouge de Pontivy" LES MODES AU FIL DU TEMPS 2011
- "Nous allions à l'aventure par les champs et par les grèves » Gustave FLAUBERT et Maxime DU CAMP
- Biographie de Pierre NOURRY, recteur de Bignan 1743-1804, Erlannig, Les Presses Bretonnes 1978
- Le costume breton, René Yves CRESTON, éditions Tchou 1974
- Le PAYS de PONTIVY en 1830 par Emile Gilles, 1916
- Coiffes de Bretagne, Yann GUESDON, éditions Coop Breizh 2014